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IX notice qu'il existe pour cet accord un moyen indépendant de la fusion des 3 classes: elle ne pourrait pas s'opérer promptement, si la phalange d'essai était composée d'une populace grossière.

Et en spéculant sur le choix d'un peuple poli, cette fusion manquera encore de 2 ressorts; car le peuple élevé en civilisation sera toujours en arrière de la haute éducation, et d'autre part les familles riches, passant à l'état sociétaire, n'auront point contracté avec leur peuple des liaisons d'enfance.

Malgré ces deux obstacles, la fusion sera déjà possible par suite de l'enthousiasme général; et bientôt les riches ne voudront connaître les distinctions de rang que dans les cérémonies publiques et les réunions d'étiquette. Partout ailleurs l'amitié collective l'emportera et donnera naissance à la passion inconnue des civilisés, l'unitéisme, dont je donne, quelques aperçus au 32 chap.

Si les relations sociales sont chez nous un sujet de discorde générale, c'est qu'elles vexent partout la majorité pour les plaisirs de la minorité. Cent personnes s'amusent dans un bal, mais cent cochers et valets se gèlent en plein air, ainsi que les chevaux stationnant à la neige, à la bise; même ennui pour les cuisiniers et valets qui préparent la fète, sans aucun goût pour ce travail : il deviendrait attrayant dans les Séries passionnées, soit par les intrigues de préparation, soit par la distribution des édifices; mais surtout par la domesticité indirecte qui, dans diverses fonctions, transforme le riche en serviteur passionné du pauvre.

Et comme ces accords feront le charme du riche, bien autant que celui du pauvre, on verra de part et d'autre égal empresse→ ment, concours d'intentions généreuses pour faciliter la répartition d'où dépendra le maintien du bel ordre sociétaire. Mais quel sera l'étonnement des coopérateurs, lorsqu'ils apprendront que pour établir concorde et justice dans cette répartition, il n'est d'autre ressort à entremettre que la cupidité ou amour de l'argent, désir d'obtenir les plus grosses parts! On verra en Ve sect., l'éclaircissement de cette étrange énigme, qui sera géométriquement expliquée: n'en déplaise à la morale, on verra que l'amour de l'argent est la voie de justice et de vertu dans les Séries passionnées.

CHAPITRE XXXI.

De l'accord intentionnel par le charme de mécanisme.

Nous touchons à l'un des côtés merveilleux du lien sociétaire : ce ne sont pas des prodiges qu'on va lire, mais de doubles prodiges. Nos esprits forts contestent à Dieu le pouvoir de faire des miracles; on va voir chez le monde sociétaire une faculté plus surprenante, celle des DOUBLES MIRACLES, pouvoir d'opérer dans chaque branche de relations deux prodiges, cumulativement et non pas un seul.

Ce n'est pas sans raison que la nature nous donne du penchant pour les féeries: ces illusions romantiques sont nature de l'homme sociétaire, mais en sens fort différent de celui qu'ont adopté les romanciers qui ne nous présentent que des prodiges simples. Ils sont, à cet égard, moins clairvoyants que le peuple, qui aperçoit et définit fort bien la destinée de l'homme, bonheur ou malheur composé et jamais simple.

Ce principe est exprimé dans deux adages vulgaires, appliqués l'un à la richesse, l'autre à la pauvreté.

R: La pierre va toujours au tas.

P: Aux gueux la besace. « Abyssus Abyssum invocat. »

En effet, si un homme est riche, on lui jette à la tête les sinécures: Bonaparte donnait aux riches banquiers des sénatoreries de 25,000 fr. de rente. Si un homme est pauvre, on ne veut pas même lui donner de l'emploi; sa probité est suspectée; on ajoute l'outrage à sa misère : le bien et le mal ne sont jamais simples pour l'homme social, sa destinée est la dualité en bonheur ou en malheur, le mode composé et non pas simple.

Ignorant ce principe, nos sciences politiques, morales et métaphysiques ont toutes donné le SIMPLISME, dans l'erreur d'envisager le mouvement social et la nature humaine en mode simple, croire que l'homme est fait pour le bonheur simple ou pour le malheur simple : ce faux principe, que je nomme SIMPLISME, les a conduits d'égarement en égarement, jusqu'au plus honteux de tous, au matérialisme et à l'athéisme, qui sont deux opinions simplistes, réduisant la nature à un seul principe, au matériel ; et le siècle tombé dans cette absurdité ose vanter son vol sublime! Je reviendrai sur ce sujet : dissipons d'abord le préjugé de desti

née simple; démontrons par 3 exemples sur la richesse, la santé et l'économie, que dans nos relations domestiques et industrielles tout sera bonheur composé, charme dualisé, lorsque l'homme sera rendu à sa nature, au mécanisme sociétaire.

4° Double prodige en richesse. Les civilisés s'estiment heureux lorsque, pour fruit de leurs travaux, ils parviennent à l'aisance après quelques années de privations. Les 718 d'entre eux sont réduits à supporter le dénûment pendant la jeunesse, pour n'atteindre, en fin de compte, qu'à la pauvreté dans la vieillesse. On peut donc nommer classe avantagée celle qui, pour prix d'une jeunesse laborieuse, acquiert l'aisance ou petite fortune, dans l'âge moyen, à 40 ans, où l'on est encore à temps de jouir. Un tel succès est un demi-prodige, vu les difficultés à surmonter; et il y a prodige complet, lorsqu'en débutant sans capitaux, on arrive par industrie à la grande fortune dès l'âge de 40 ans. Mais si on arrivait à la grande fortune de bonne heure, sans versement de capitaux, sans autre effort que de se livrer immodérément aux plaisirs de toute espèce, le charme serait double: il y aurait prodige de faire grande récolte sans semailles apparentes, et prodige d'obtenir la fortune par l'exercice des plaisirs qui, en civilisation, la font perdre si souvent à qui la possède.

Chacun, en harmonie, voit s'opérer en sa faveur ce double miracle; en effet, les travaux y étant transformés en plaisirs lucratifs et attrayants, chacun arrive à la fortune par l'exercice des plaisirs; et on y arrive de bonne heure, à 20 ans, à 10 ans, et même à 5, puisque un harmonien jouit de tous les biens enviés par nous voitures, chevaux, meutes, bonne chère, spectacles et fètes continuelles; tous ces agréments sont, en harmonie, l'apanage du plus pauvre des êtres; il a les voitures, meutes et chevaux de minimum, valant le train d'un Parisien renté à trente mille francs, et qui ne jouit pas d'un assortiment à option.

Et comme les plaisirs sont payés dans cet ordre social qui les utilise, comme on rétribue d'un dividende les groupes qui s'adonnent à la chasse, à la musique, ainsi que ceux qui exercent à la charrue, devenue attrayante, il arrive :

4° Que l'harmonien, dès son jeune âge, recueille sans semailles, puisqu'il n'a songé qu'à se divertir.

2o Qu'il s'enrichit par l'exercice de ces nombreux plaisirs, qui aujourd'hui le ruineraient en peu de temps.

C'est donc en sa faveur un double prodige, un charme compo

sé et non pas simple en acquisition de richesses. Passons à d'autres miracles composés.

2o Double prodige en santé. Une règle, qui nous paraît fort sage, est d'user modérément des plaisirs, afin de ménager le corps; et l'on regarde comme prodige l'avantage bien rare de conserver la santé en se vautrant dans la débauche. L'antiquité s'étonna que Néron conservât une pleine vigueur, après 18 ans d'excès habituels.

Si cet usage immodéré des plaisirs devenait voie de santé, si celui qui s'adonnerait le plus aux jouissances quelconques devenait l'homme le plus robuste, un tel effet serait double prodige, très inconcevable dans les mœurs civilisées, où chaque plaisir entraîne d'ordinaire à des excès qui compromettent la santé; tandis que dans les Séries passionnées, où il existe partout des contrepoids fondés sur la variété des jouissances, chacun gagne en vigueur, selon son activité à figurer dans les plaisirs de toute espèce.

Démontrons: l'homme qui aura parcouru dans le cours de la journée trente sortes de jouissances, aura donné a chacune environ une demi-heure; celui qui n'en aura goûté que quinze, y aura donné le double de temps, environ une heure par séance, ou deux heures s'il s'est borné à 8 plaisirs. Il est évident que le premier, bornant chaque plaisir à une demi-heure, aura beaucoup moins abusé, moins approché de l'excès que le 3a, qui aura donné deux heures à chaque séance. Quatre hommes se plaignent d'indigestion le lendemain d'un grand et long repas; on peut assurer que trois d'entre eux auraient échappé à l'indigestion, si le repas eût duré moitié moins. Les généraux d'Alexandre firent une orgie d'ivrognerie et gloutonnerie qui se prolongea pendant toute la nuit; quarante-deux d'entr'eux en moururent le lendemain si l'orgie n'eût duré que 2 ou 3 heures, il n'en serait pas mort un seul; car on aurait évité les excès qui d'ordinaire n'ont lieu qu'à la fin du repas et dans les séances trop prolongées.

Selon ce principe, plus les plaisirs seront nombreux et fréquemment variés, moins on risquera d'en abuser; car les plaisirs, comme les travaux, deviennent gage de santé quand on en use modérément. Un dîné d'une heure, varié par des conversations animées qui préviennent la précipitation, la gloutonnerie, sera nécessairement modéré, servant à réparer les forces qu'userait un long repas sujet aux excès, comme les grands dinés de civi

isation, les réunions morales d'électeurs, francs-maçons, corporations, et autres qui passent une demi-journée à table, en l'honneur de la douce fraternité. Ces longues fêtes de civilisation, ces repas et bals interminables, ne sont que pauvreté, absence de diversion et de moyens.

L'harmonie qui présentera, surtout aux gens riches, des options de plaisir d'heure en heure, et même de quart d'heure en quart d'heure, préviendra tous les excès par multiplicité de jouissances; leur succession fréquente sera un gage de modération et de santé. Dès lors chacun aura gagné en vigueur, en raison du grand nombre de ses amusements: effet opposé au mécanisme civilisé, où la classe la plus voluptueuse est partout la plus faible de corps. On ne doit pas en accuser les plaisirs, mais seulement la rareté de de plaisirs d'où naît l'excès, qui semble autoriser les moralistes à condamner la vie épicurienne : ils prèchent la modération inverse ou résistance à l'appât du plaisir; ils ignorent le régime de modération directe ou abandon à une grande variété de plaisirs contre-balancés l'un par l'autre, et garantis d'excès par leur multiplicité, leur enchaînement.

Ce n'est pas en civilisation que peut s'établir ce mécanisme ; il est réservé aux Séries passionnées. Toute notre sagesse est d'ordre inverse, notamment en médecine où nous employons la sobriété, la privation spéculative, au lieu de la gastrosophie ou gourmandise équilibrée par la variété qui satisfait à la fois le goût, l'imagination et l'estomac, bien plus fort en facultés digestives, quand on le soutient par une échelle de variétés adaptées au tempérament.

L'ordre sanitaire naîtra donc de l'affluence même des plaisirs, aujourd'hui si pernicieux par l'excès que provoque leur rareté. Un tel résultat sera double prodige, ou charme composé, relativement à la santé. 4° Il transformera en gage de vigueur cette vie épicurienne qui, dans l'état actuel, est voie de perdition, tant de la santé que de la fortune. 2o En prodiguant aux riches ces alternats continuels de plaisirs, il transformera en voie de santé la richesse qui, aujourd'hui, n'est que voie d'affaiblissement; car la classe la plus riche est toujours la plus sujette aux maladies : témoins les gouttes, rhumatismes et autres maux qui s'acharnent sur le prélat et le ministre, et n'entrent pas dans la cabane du paysan, où d'autres maladies, comme les fièvres, ne pénètrent que par les excès de travail et non de plaisir.

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