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lement, le philosophe grec donne à la première le nom de magnanimité, tandis que le philosophe latin préfère celui de confiance.

La confiance est cette conviction qui n'admet aucun doute ou qui n'en tient nul compte, cette foi inébranlable dans une cause que l'on embrasse et que l'on fait sienne. Le chemin qui mène aux grandes actions s'ouvre par la foi et se ferme par l'incertitude.

Lorsque la confiance a pour objet les plus nobles entreprises, elle prend le nom de magnanimité. La magnificence se plaît à réaliser les grandes œuvres que la magnànimité a conçues, particulièrement les œuvres somptueuses et monumentales. Ainsi comprise, la pratique de cette vertu est réservée au petit nombre.

Il n'en est point de même de la patience et de la persévérance, par lesquelles l'homme se sert et triomphe du temps, ce grand destructeur et ce grand fondateur de toutes choses. La patience ne s'effraie d'aucun fardeau, d'aucune tristesse ; la persévérance, d'aucun délai, de nul labeur. La persévérance avance toujours et la patience ne recule jamais.

Toutefois, il est des patiences injustes et des persévérances funestes qui sont la cause de ruines irréparables. Il faut être persévérant, mais sans obstination; patient, mais sans pusillanimité.

1208. La tempérance (1).-Considérée comme vertu spéciale, la tempérance n'a pour objet que la modération dans les plaisirs qui affectent les sens. Mais vue de plus haut, elle apparaît comme la règle, la mesure et la condition de toute vertu. Sans elle, la prudence tourne à la ruse, la sagesse manque de sobriété, la force dépasse le but, et la justice elle-même touche à l'iniquité : Summum jus summa injuria.

(1) Cf. S. Th., 2a 2, q. 141 et suiv.

La tempérance est une vertu particulièrement belle. Elle comprend, en effet, ces qualités aimables qui honorent l'âme en lui soumettant la matière : elle comprend la sobriété et la chasteté, la modestie et l'humilité, la discrétion, la douceur et l'aménité, vertus charmantes, qui sont comme les grâces de la religion chrétienne, et donnent à la vertu un caractère angélique.

La tempérance tient le milieu entre deux vices contraires : l'insensibilité et l'intempérance. Le vice le plus fréquent et le plus pernicieux n'est pas le premier, mais bien l'intempérance, qui est la recherche immodérée de tout ce qui flatte et enivre les sens. L'intempérant s'attache au plaisir sensuel comme à sa fin. Incapable de se surmonter, il est l'esclave de passions humiliantes. Ce vice est le grand corrupteur des peuples. Aristote l'appelle justement un vice puéril et voici pourquoi. L'enfant convoite des bagatelles, des choses de nulle valeur : ainsi en est-il de l'intempérant. De plus, l'enfant laissé à ses caprices devient opiniâtre ; à tout prix il faut le satisfaire : de même encore pour l'intempérant. Enfin, l'on ne corrigera un enfant qu'en réprimant ses passions naissantes, peut-être en affligeant ses membres indomptés : troisième et dernier trait de ressemblance.

Aristote compare l'intempérance à la lâcheté, et il trouve que celle-ci est de sa nature moins grave que la première. La lâcheté, en effet, a pour excuse la conservation de la vie, tandis que l'intempérance ne peut se couvrir que du prétexte de plaisirs superflus. Ensuite, la timidité est provoquée par une cause extérieure, qui agit sur l'âme sans sa participation, tandis que l'intempérant trouve en lui-même la cause de ses dérèglements. Enfin l'intempérant se propose tous les détails de son action. plutôt que l'action même, tandis que le timide n'a qu'un but, le salut. Il suit de là que l'intempérance est plus volontaire et moins excusable. On peut ajouter que les occasions de s'exercer à la tempérance sont constantes durant toute la vie, au lieu que les occasions de montrer

du courage sont rares. On peut donc mieux se garder de l'intempérance que de la timidité.

Une différence remarquable, qui ressort de la comparaison précédente, c'est que, dans la timidité, l'inconnu est ce qui effraie davantage, la crainte augmente avec l'incertitude, tandis que dans l'intempérance l'inconnu est ce qui attire le moins, et la tentation croît à mesure que l'objet est mieux connu, mieux senti. De là l'opportunité de la réflexion et de l'exercice pour vaincre la timidité, et l'opportunité de l'oubli et de la fuite, pour vaincre les plus fortes tentations de l'intempérance et de la sensualité. C'est donc avec raison que les ascètes distinguent deux sortes de tentations celles qu'il faut fuir, et même ignorer s'il est possible, et celles qu'il faut connaître et provoquer.

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La tempérance se divise comme les autres vertus cardinales en ses éléments, en ses espèces et en ses actes. Les éléments de la tempérance sont la pudeur en général et l'honnêteté : verecundia et honestas. La première est comme un souvenir, un ressentiment de la première innocence; elle fait qu'on rougit et qu'on s'abstient, 'par une sorte de honte, de tout ce qui blesse ou menace la tempérance. La seconde recherche la pratique même de la vertu et la beauté morale qui en est la fleur. Les espèces proprement dites de la tempérance sont l'abstinence et la sobriété ; la chasteté, et la pudeur spéciale qui lui correspond. Enfin, dans son exercice, la tempérance s'applique successivement à régler les passions les plus violentes, par la continence; les désirs de grandeur et les vaines espérances par l'humilité ; les désirs de vengeance par la mansuétude et la clémence; les mouvements du corps, la démarche et toutes les actions extérieures, par la modestie, la simplicité, etc. A ces vertus spéciales sont opposés différents vices la gourmandise, la luxure, la colère, l'orgueil, l'affectation, etc. L'abstinence, la sobriété et la frugalité constituent la tempérance proprement dite, qui règle l'usage des aliments et des boissons. L'abstinence ne consiste pas à re

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fuser au corps ce qui lui est nécessaire, mais seulement ce qui est superflu ou facultatif, dans un but de pénitence et de détachement. Contenue dans de sages limites, l'abstinence produit les effets les plus grands par les moyens les plus petits en apparence.

A l'abstinence et à la sobriété sont opposées la gourmandise et l'ivrognerie. Ces vices dégradants sont les principes de beaucoup de désordres des folles joies, des actions insensées, du sot langage, de la démence et de tout ce qui offense les bonnes mœurs et la chasteté.

Cette vertu fait la gloire du christianisme. Les païens la connurent peu et la pratiquèrent moins encore. Elle est la grâce de l'enfance, le charme de la jeunesse, l'honneur de l'âge mûr ; elle captive toutes les âmes bien nées. Cette noble vertu est outragée par un vice grossier, dont la gravité est énorme, vu l'opprobre dont il afflige la raison, la profanation qu'il inflige à toute la personne et le désordre qu'il propage de génération en génération.

On pourrait considérer ici toutes les autres vertus de tempérance la clémence, qui honore les princes; la douceur, qui maîtrise la colère et gagne tous les cœurs; l'activité, qui permet à la faiblesse humaine d'entreprendre tant de travaux et de les achever ; la modestie et l'humilité, sans lesquelles il n'est point de parfait mérite ni de vraie grandeur; enfin la bienséance, l'aménité, la politesse, sans lesquelles la société serait dépourvue de charmes, et dont la pratique sincère et parfaite n'est rien moins que l'expression de toutes les vertus et particulièrement de la charité.

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1209. Les vices (1). Par là même que nous avons énuméré et décrit les vertus principales nous avons signalé les vices qui leur sont opposés ; car c'est une loi des contraires de se manifester réciproquement. Cependant,

(1) Cf. S. Th. Ia 2, q. 71 et suiv.

comme on l'a vu, le vice n'est pas la simple négation, la simple contradiction de la vertu, il est plutôt l'un de ses contraires ; il peut être opposé à la vertu par excès ou par défaut, d'une manière ou de l'autre, si bien que les vices sont non seulement en guerre avec la vertu, mais encore entre eux. Toutes les vertus parfaites s'accordent, mais les vices nullement.

Cela nous explique déjà que la division principale des vices ne soit pas précisément celle des vertus, bien qu'on puisse ranger les vices suivant les vertus auxquelles ils sont principalement opposés. Les vertus se divisent ou se coordonnent par rapport au bien qu'elles font pratiquer, les vices se coordonnent par rapport à certains biens qu'ils font rechercher d'une manière désordonnée.

1210. Les sept péchés capitaux (1). C'est en ayant égard à cette considération que l'on distingue les sept péchés capitaux. Ici le mot péché n'a pas le sens d'acte, mais le sens de vice; nous parlerons de l'acte tout à l'heure. Les sept péchés ou vices capitaux sont l'orgueil, l'avarice, la luxure, l'envie, la gourmandise, la colère et la paresse. Ils répondent assez justement aux principaux biens ou principales fins que l'on peut rechercher d'une manière désordonnée. L'orgueil, c'est la recherche désordonnée d'un bien spirituel, d'une excellence, de l'honDeur; l'avarice est la recherche désordonnée des biens extérieurs; la luxure, la recherche désordonnée des plaisirs des sens que la nature a attachés à la conservation de l'espèce; la gourmandise, la recherche désordonnée des plaisirs de la table, que la nature a attachés à la conservation de l'individu. Quant à l'envie, à la paresse et à la colère, elles fuient un mal plutôt qu'elles ne recherchent un bien le paresseux s'attriste d'un bien spirituel à cause de la fatigue, du travail qui l'accompagne ; l'envieux

(1) Cf. S. Th., Ia 2, q. 84, a. 4.

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