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constances et surtout sur l'intention.

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Aucun acte ne lui

est indifférent; mais tout acte au point de vue moral est bon ou mauvais, juste ou injuste, louable ou répréhensible, méritoire ou déméritoire.

1170. Le critérium suprême de la moralité. Cherchons d'abord le critérium suprême de la moralité des actes humains. Pourquoi jugeons-nous en définitive qu'ils sont honnêtes et louables? Est-ce parce qu'ils sont conformes à l'usage, aux coutumes établies, aux lois des hommes ou à la loi positive de Dieu ? N'est-ce pas plutôt parce qu'ils sont conformes à la nature et à l'ordre même des choses, tels que la raison nous les découvre, c'est-à-dire parce qu'ils sont raisonnables?

Assurément cet ordre n'est pas étranger à la volonté et à la sagesse divines, qui en sont la première cause; et par conséquent la raison, en se conformant à l'ordre qu'elle découvre et qui est voulu par le Créateur, ne s'affranchit point de l'autorité divine. Nous reconnaissons de même que les coutumes des peuples, les lois établies, etc., sont des règles des actes humains ; mais ces règles ne sont que secondaires ou particulières. Dans bien des cas l'usage, la loi positive décide de la moralité de tels actes; mais l'usage et la loi se fondent toujours sur quelque raison, et s'ils peuvent obliger quelquefois, alors même qu'ils ne sont pas fondés en raison, ce n'est que d'une manière indirecte, en tant que la raison nous prescrit de céder à telle ou telle nécessité. Après ces explications, il nous est facile de justifier notre première affirmation.

1171. La moralité et l'opinion des peuples. Et d'abord plusieurs se sont trompés (par exemple Saint-Lambert), en regardant l'usage et l'opinion des peuples comme la règle suprême de la moralité. Car l'usage et l'opinion des peuples reposent eux-mêmes sur quelque autre base. Pourquoi les peuples sont-ils tombés d'accord sur certains points et ont-ils loué par exemple la fidélité, le dévoue

ment, la bienfaisance, en blâmant, au contraire, la perfidie et la lâcheté? C'est, à n'en pas douter, parce qu'ils ont été éclairés des mêmes lumières de la raison et avertis par la même conscience. L'opinion des peuples n'est donc qu'une règle secondaire de moralité.

Ensuite cette règle n'est pas toujours sûre ni invariable. Tels actes qui sont loués chez un peuple sont regardés comme criminels chez un autre ou à une autre époque ; le mensonge était encouragé à Sparte, l'esclavage le plus inique n'a pas soulevé la réprobation publique chez les peuples anciens, la cruauté a été confondue avec le courage, et la licence des mœurs n'a été que trop excusée. Ce n'est donc pas dans l'opinion incertaine et souvent erronée de la multitude qu'il faut chercher la règle suprême des actes humains: cette règle est plus haut. Il appartient à la raison de critiquer les opinions de la foule, les préjugés du peuple, et bien qu'elle doive à son tour se défier d'ellemême et s'inspirer de toutes les traditions, elle n'en a pas moins le droit d'en appeler à l'évidence, ce critérium suprême de la vérité, spéculative et pratique, intellectuelle et morale (1).

1172. Opinion de Hobbes (2). - L'opinion du matérialiste Hobbes n'est pas meilleure que la précédente ; elle est même plus révoltante. D'après lui, la société aurait commencé par l'état sauvage et le règne de la force, d'où elle ne serait sortie que par l'établissement de lois, dont tous les membres de la société auraient enfin reconnu la nécessité. Mais il est bien évident, en supposant même que la société ait pu avoir cette origine, que les premiers législateurs n'ont imposé leur volonté sous forme de lois que pour quelque motif, avec une intention ou un but, qui

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(1) Voir la logique : Des critériums de vérité, chap. XI-XIV. (2) Voir le chapitre LXXIV.

seul peut les justifier. C'est donc à un principe plus élevé qu'il faut rapporter les lois, bien qu'elles deviennent à leur tour une règle des mœurs.

1173. Opinion de Pufendorf. — Une opinion plus digne d'attention est celle qui a été attribuée à Pufendorf, car il existe des doutes sur son véritable sentiment Elle a quelque affinité avec l'opinion singulière de Descartes sur la mutabilité des essences. Descartes prétend que la nature ou l'essence même des choses dépend de la libre volonté de Dieu, et Pufendorf prétend que cette même volonté libre est le dernier pourquoi de la moralité des actes. Mais il est évident que si Dieu peut changer ses prescriptions positives et libres suivant les temps et les peuples (et c'est ainsi que les lois positives de l'Ancien Testament ne sont point celles du Nouveau), il ne peut changer les lois absolues qui découlent de la nature et de l'ordre essentiel des choses, par exemple: Il faut adorer Dieu, fuir le mal, faire le bien. Ces lois morales ne dépendent pas de la volonté libre de Dieu. Celle-ci dès lors ne peut être regardée comme le dernier pourquoi de la moralité des actes humains. C'est ce que Leibniz fit très bien valoir contre Pufendorf: « On ne peut donc pas plus soutenir, dit-il, que la justice ou la bonté dépendent de la volonté divine, qu'on ne peut dire que la vérité en dépend aussi, paradoxe inouï qui est échappé à Descartes. »

Mais nous allons plus loin. Même dans les cas où la loi dépend formellement de la volonté libre de Dieu, cette volonté ne saurait être regardée comme la règle unique et exclusive de la moralité des actes. Car la volonté libre de Dieu n'est point sans raison, elle est sage, elle est motivée; et si nous obéissons quelquefois aveuglément à la volonté de Dieu, comme aussi parfois à celle des hommes, ce n'est pas que nous estimions la volonté de Dieu aveugle comme nous, mais c'est parce que nous avons toute confiance en son intelligence, en sa sagesse, qui nous mène à ses fins,sans toujours nous dévoiler ses secrets.

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1174. L'acte moral est tel parce qu'il est raisonnable. Il faut donc remonter toujours à l'intelligence, à la nôtre immédiatement, puis, si nous sommes conséquents, à celle de Dieu, pour expliquer la moralité des actes humains. Notre intelligence cherche une règle dans l'ordre réel tel qu'il lui apparaît, elle étudie la nature des choses et tâche de s'y conformer. En cela elle ne s'affranchit point de Dieu, car il est l'auteur de ce qui existe et l'auteur de notre propre raison, qui ne peut rien qu'avec lui (1); elle s'affranchit plutôt d'elle-même, de ses propres inclinations, de ses préférences plus ou moins injustes ; elle cherche sa règle non pas en elle-même, mais dans son objet, dans la vérité objective, dont elle se fait la servante assidue (2). C'est en se laissant ainsi conduire par sa raison, et en soumettant celle-ci à la vérité, qui nous vient de Dieu tout au moins par les créatures insensibles et par l'action continue qu'il exerce sur notre raison, que l'homme est vraiment moral. Il est vraiment moral, parce qu'il est vraiment raisonnable et vraiment homme.

Ce qui distingue l'homme, ce qui fait sa dignité et son prix, dans l'ordre naturel, n'est-ce pas la raison? La moralité consiste donc à être homme, c'est-à-dire raisonnable, à donner aux actes humains toute leur plénitude, à faire qu'ils soient humains dans la plus haute acception du mot.

(1) Cf. S. Th. Ia 2a, q. 19, a. 4 : « Quod autem ratio humana sit regula voluntatis humanæ, ex qua ejus bonitas mensuretur, habet ex lege æterna, quæ est ratio divina ; unde dicitur (Psal. iv, 6): Multi dicunt: Quis ostendit nobis bona? Signatum est super nos lumen vultûs tui Domine ; quasi diceret : « Lumen rationis, quod in nobis est, in tantum potest nobis ostendere bona, et nostram voluntatem regulare, in quantum est lumen vultûs tui, id est a vultu tuo derivatum. >»>

(2) Nous ne dirions donc pas simplement avec M. Bouillier que << l'homme est le contenu de la loi ou du bien qu'il doit accomplir; que non seulement il a sa loi en lui, mais qu'il est sa loi à lui-même » (La Vraie Conscience, p. 266). L'homme n'est pas plus sa loi que sa

vérité.

On comprendra maintenant des assertions telles que celles-ci qui se rencontrent sous la plume des scolastiques: L'acte humain est bon parce qu'il est pleinement humain; il est mauvais, au contraire, parce qu'il n'est humain qu'imparfaitement (1). La moralité des actes humains, c'est leur conformité à la droite raison.

On voit aussi que le bien moral et le mal qui lui est opposé se définissent comme le bien et le mal physiques. Le bien est ce à quoi rien ne manque bonum ex integrá causâ ; le mal, au contraire, consiste dans quelque privation de bien malum ex quocumque defectu. Le mal moral, comme le mal physique, est une négation, non pas certes une pure négation, mais la négation d'une réalité due, c'est une privation, c'est un acte imparfait, inachevé, et qui partant manque son but.

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1175. Objections. -10 On ne conçoit pas la moralité des actes humains sans leur conformité à une loi, c'est-àdire à la volonté d'un législateur. C'est donc de la volonté de celui-ci que dépend la moralité des actes.

Rép. Pufendorf confond ici la loi positive avec la loi éternelle. On ne conçoit pas la moralité des actes humains sans leur conformité à quelque loi, et finalement à la loi éternelle de Dieu, dont la loi de la conscience est l'écho ; mais on conçoit très bien la moralité de certains actes indépendamment de toute loi positive.

2o Mais cette loi éternelle n'est-ce pas un principe extrinsèque à Dieu, coéternel avec lui, et auquel Dieu et l'homme doivent également se conformer.

Rép. -Cette loi éternelle c'est l'intelligence même de Dieu, elle ne lui est donc pas extrinsèque : elle règle tout, les choses divines comme les choses humaines, elle soumet l'homme et sans diviser ni abaisser Dieu.

30 Il n'y a pas de mal moral intrinsèque, absolu, mais

(1) Cf. S. Th. Is 2, q. 18, a. 1.

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