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des nombres, avec l'astronomie peutêtre qui doivent nous dévoiler une foule de rapports merveilleux. De cette manière, la musique s'enchaîne à un vaste système des connaissances humaines. Heureux l'homme fort à qui cette tâche est réservée, car il ne s'agira plus icí vraiment de la théorie de la musique proprement dite, mais de la théorie des langues, de la poésie, des sciences, en un mot, de tous les élémens de la civili

faits les mieux constatés par l'expé-
rience. Nous ne réclamons pour nous que
l'application de ces principes à la mu-
sique, et une étude sérieuse et désinté-
ressée des lois de sa constitution fonda-
mentale. Nous sentons même que notre
œuvre est à peine esquissée. Les rapports
de la musique avec les arts une fois dé-
montrés, il reste à faire voir ses points
de contact et sa parenté avec les sciences,
avec la physiologie, par exemple, qui
doit nous donner la raison de la puis-sation des peuples.
sance du son sur l'organisation de l'hom-
me, avec les mathématiques ou la science

JOSEPH D'ORtigue.

Lettres et Arts.

COURS SUR L'ARCHITECTURE DES ÉGLISES DE RUSSIE.

DOUZIÈME LEÇON (1).

La Sophie et les monumens Novgorodiens. Une cathédrale Tatare.

,

Automne russe vie des steppes. Les Tatars convertis; leurs mœurs passées aux Russes. Grandes routes, postes, verstes, yamtchiks, hôtels, escrocs. · Nijni-Novgorod; son Kremle, son couvent, la grande foire de l'empire. Le

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Volga et son rôle. Tver, plan de ses rues, son sobor, ses fabriques. Yaroslav, Valdaï, la Suisse russe, l'Iverskoï monastyr, tumulus magique de Bronnitsy. — Novgorod-la-Grande; son histoire, description de sa Sophie et des portes Khorsouniennes. Sigtuna et les portes dites Suédoises. Organisation politico-religieuse de Novgorod, le Vladika, le Forum, les Vetches, la cloche éternelle, son destin. Destruction de la ville par Ivan IV, atrocités du tsar, noyades, l'évêque Pimène, potences à Moskou, femmes victimes, jeux d'Ivan au Kremle, sa mort. Slovensk, première ville slave dans le Nord, conséquences qu'en veulent tirer les Russes de la Néva, preuves que Pétersbourg n'est point la capitale naturelle du slavisme. Légende maçonique slave, l'enfant, pierre angulaire de la cité et de la famille. Chant de fondation d'une ville slavonne. Sort du prolétaire, ses droits dans l'Eglise et dans l'Etat comparés. -Tradition

(1) Voir la 1a leçon au tome XI, p. 421.

sur l'architecte du sobor de Saint-Basile-le-Sauvage à Moskou.- Description de cette cathédrale tatare, ses dix-sept coupoles, leurs couleurs et arabesques. Histoire d'un prophète populaire.

Le lac Blanc et sès sacrifices, ancien culte solaire de la Russie Blanche. Influence probable de Novgorod sur l'avenir de Pétersbourg.

Venant des Stanitsas (1) Kosakes, je retournais à Pétersbourg à travers cette longue steppe du monde slave et mongol qui s'étend de la Hollande à la nouvelle Zemble et aux mers du Japon. L'automne était arrivée, la nature avait revêtu pour neuf mois son linceul; mais ce qui se meut dans cette tombe prenait sous le fouet des aquilons une allure d'autant plus vive, les hommes et les animaux paraissaient s'animer d'un nouveau feu : mon traîneau fendait la neige aveć une étrange rapidité, et je sentais les battemens de la vie s'accélérer en moi, comme autour de moi s'accélérait le mouvement. Sans plus compter, ni les jours, ni les lieux, je roulais dans cet infini terrestre, où tribus et familles voyagent sur leurs chariots comme des individus; où, ainsi que dans un nuage épais, s'a

(1) Gros villages.

masse incessamment la foudre, dont les éclats produisent au loin toutes les révolutions de l'histoire; où la société ne semble occupée qu'à se métamorphoser sans cesse, mais au physique seulement et pour la forme : car, quant au fond des choses, l'obstinée Scythie garde toujours la même physionomie morale; dans cette société des Steppes, à visage de Protée, les révolutions se font d'autant plus vite qu'elles ne sont jamais qu'extérieures. Il a suffi de quelques générations pour faire passer une foule d'entre ces tribus de l'idolâtrie à la circoncision de l'islam, et du Coran à l'Evangile aujourd'hui, quoique baptisées, en sont-elles plus chrétiennes, autrement que dans le sens matériel? Dans de nombreuses localités, les Tatars de la Tsarie de Kazan sont restés musulmans; dans certaines villes, ils ont conservé d'antiques mosquées; mais celles-ci par leur délabrement semblent demander grâce aux brillans sobors qui s'élèvent autour d'elles, ainsi qu'on le voit à Kacimof sur l'Oka, ville de quatre à cinq mille âmes, fondée après la chute de Kazan, et où se voient les ruines du Sérail des derniers Khans, et le grand mausolée du terrible Chag-Ali, avec épitaphe arabe de l'an 1520.

prétendues chaussées se divisent en sentiers. Souvent même il y a trois grands chemins séparés entre eux par des fossés, et çà et là par des rangées de bouleaux, et qui courent parallèlement, destinés chacun pour une saison spéciale. Qu'importe les vastes terrains dépensés à cela ? La Russie en a toujours assez : mojno v'Rossiy raz goulat' cia, on peut se promener en Russie, dit le chant populaire. Les hauts piliers peints, et marquant chaque verste ou stade russe (un peu moins d'un quart de lieue), n'ont également rien d'européen, rien même d'hellénique, c'est la perche tatare plantée dans le désert. De service réglé de diligence, il n'y en a encore nulle part dans ces provinces, si ce n'est entre Moskou et Pétersbourg, grâce à la chaussée exceptionnelle qui sépare ces deux capitales, et qui est devenue depuis quinze ans une des plus belles routes du monde; mais elle semble traverser l'empire du vide, tant les villages sont clair-semés sur ses bords. Il est vrai que le bas prix de la poste, cinq kopêks pour chacun des quatre chevaux, et les gaies aventures qui s'attachent d'ordinaire à ces quadriges champêtres, vous empêchent de regretter les voitures publiques. Le yamtchik (postillon) chante tout le long de la route, surtout lorsqu'il espère un bon pour-boire; il parle sans cesse à son

La seule chose qui semble restée aux Tatars actuels de leurs puissans aïeux, c'est la dextérité, la vitesse et l'audace de leurs courses, tant à cheval qu'en cha-cheval favori, et lui fait la leçon en l'apriot. Du reste, leur manière de vivre est pelant son petit pigeon, son âme ; s'il va en grande partie passée aux Russes, et bien, il le célèbre par des vers improvijusqu'au siècle dernier, comme le remar-sés qu'il joint à d'autres en l'honneur de qua le voyageur Coxe, le service des l'illustre étranger, et des saints et de luipostes se faisait à la turque dans toute la même. Ce plaisant mélange est accomRussie, c'est-à-dire qu'avec un firman du pagné d'une mimique tellement burlesNatchalnik (pacha de province mosko- que, qu'on ne peut là regarder de sangvite), on se faisait fournir gratis, et à froid; le pauvre moujik, en recevant son l'instant même, des chevaux dans tous salaire, bondit de joie comme un enfant les villages, donnant seulement au pos- à qui l'on remet des étrennes; cet infortillon, à la fin de la course, un pour- tuné ne peut avoir la gravité d'un homme boire ou des coups à volonté. Mais sans libre, il est lié et mineur jusqu'à la mort. lettre du gouverneur, on devait attendre Mais il a en retour les qualités des endes jours entiers à chaque station. Main- fans, il est impressionnable, ardent, tenant, quoique la Russie ait des chaus- aventureux jusqu'à la témérité ; en face sées, qui manquent aux pays turcs, ces du plus grand danger, il s'écrie: Nitchegrandes routes n'ont pourtant rien d'eu-vo, ce n'est rien! malgré les obstacles de ropéen; leur physionomie est tout asiatique : larges comme trois de nos chaussées militaires de France, mais remplies d'herbe, de fondrières et d'inégalités, ces

la route, il s'élance à bride abattue: peu lui importe ce que devient la britchka.

Un jour, assure M. Ancelot, un co<cher se trouva devant la maison de poste

avec la moitié de l'équipage qu'il conéduisait; une portion de la calèche était restée à une lieue de là dans la poussière avec les voyageurs, et la rapidité de la course, les cris et les chants du ‹ cocher ne lui avaient pas permis de < s'apercevoir qu'il lui manquait quelque ♦ chose. La presque impossibilité de s'arrêter aux Gastinitses (auberges russés), excepté dans les magnifiques, mais rares Hôtels de la couronne, favorise cette rapidité tumultueuse des yamtchicks. Comme le peuple Russe dort à la turque tout habillé, sur des bancs rembourrés ou sur des fourrures étendues par terre, les hôtelleries sont habituellement sans lits; et d'ailleurs la vermine dont elles sont inondées ôte toute velléité d'y chercher un gîte. On dort sur ses pelisses dans sa propre voiture, avec un gardien en faction pour défendre son bagage contre les escrocs du lieu; car le penchant au vol, ce vice des esclaves, ne se trouve chez aucun peuple d'Europe au même degré que chez les Russes, et nul n'y montre autant d'habileté qu'eux. Sous ce rapport, ils se distinguent honteusement du paysan polonais, si fier et si loyal malgré sa misère. Du moins, le voleur russe n'en vient-il jamais aux voies de fait et aux coups, c'est le plus doux des escrocs.

Mais voici Novgorod la Basse (Nijni), Novgorod la moderne, reine des Tatars et du Volga, son vieux kremle, du haut de sa colline à pic, plane sur toute la contrée, et rappelle par son aspect menaçant, l'époque encore peu éloignée où | il était le boulevard, la vedette la plus avancée des Tsars en Tartarie. Aujourd'hui encore, Nijni marque de ce côté le commencement des célénies, ou établissemens russes; là finit le sang tatar, là commence proprement le monde Slave. La grande foire de cette ville, où chaque année, pendant six semaines, cent à deux cent mille marchands des divers points d'Europe et d'Asie viennent échanger les produits des deux mondes, fut instituée primitivement par les moines du couvent de Saint-Macaire, qui en tiraient jadis les profits, et conservent encore le droit d'y exposer, tant qu'elle dure, l'icone miraculeuse de leur patron. Ce couvent (Makarief-monastyr) occupe un

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bout de la vaste plaine où se tient le grand marché de l'empire, et où les milliers de chariots des nomades d'Asie, avec leurs marchandises grossières, stationnent rangés en face des boutiques élégantes, pleines des fines étoffes d'Occident. On pense bien qu'ici la libéralité des fidèles n'a pas fait défaut à l'avidité des gens du clottre les différentes églises que celui-ci renferme, sont vraiment d'une richesse étonnante, mais elles ressemblent trop à celles de Pétersbourg et de Moskou, pour mériter une description spéciale. J'en dirai autant du grand Sobor de la ville, récemment achevé, et qui, malgré son éblouissant éclat, n'est au fond qu'une copie des monumens de la Néva. Au reste, la foire passée, cette célèbre cité retombe à l'état d'une ville de 15 à 18 mille habitans, qui n'ont guère pour subsister que la navigation du Volga, déjà large en cet endroit de 4,600 pieds géométriques, et qui en descendant n'a jamais moins d'une verste dé largeur. Cette mère des rivières russes matouchka Volga, est le nerf vivifiant de l'empire, la grande artère de son commerce. Toutes les communications aboutissent à ce fleuve sans rival, qui va s'enfoncer en Asie, et qui, par le canal magnifique de la Tvertsa, communique avec Pétersbourg. Le Volga même en hiver ne cesse pas d'être la principale voie de transport entre les provinces; sur son onde glacée, les traîneaux moskovites succèdent aux barques des kosaks, et rendent voisines la Caspienne et la Baltique. On conçoit que le commerce afflue sur les rives d'un tel fleuve : aussi les villes qu'il arrose, deviennent-elles rapidement manufacturières. Telle est l'antique cité de Tver, célèbre au moyen àge pour les continuels faïdas de ses princes avec ceux de Moskou, et dont les vingt mille habitans actuels vivent absorbés dans l'industrie : aussi ont-ils laissé périr sous les plus maladroites restaurations tous les monumens de leurs ancêtres. Cette cité du treizième siècle semble être bâtie d'hier. Kremle, Terèmes, vieux Sobors, tout a disparu sous le règne philosophique de la grande Ca|therine. Le plan nouveau, qu'elle et ses successeurs adoptèrent dans sa construction, devait rendre Tver pour la Russie

|

à peu près ce qu'est Nancy pour la France, | de nombreux souvenirs du savant Nikon, mais ce chef-d'œuvre d'alignemens, de Leur église possède en outre beaucoup longues rues coupées à angle droit, abou- de reliques, et entre autres une copie de tissant toutes à deux places octogones, la miraculeuse madone grecque d'Ivécet admirable ensemble de perspectives rie, venue du mont Athos. La forêt, au et de symétrie n'existe encore que sur le fond de laquelle est caché ce couvent, papier; plus de la moitié de la ville pro- | les eaux silencieuses du lac qui en baijetée reste à bâtir. Le temps n'est plus gnent le jardin, la mémoire des grands où la volonté des monarques faisait sur- hommes et des sages, disgraciés de la gir des cités du sein de la terre. Cepen- cour, qui ont cherché un asyle dans ces dant, les quartiers construits de Tver, | murs, tout porte l'âme aux méditations quoique en bois badigeonné de jaune et d'en haut. Entre Valdaï et la vieille Novde vert, offrent un aspect florissant. gorod, le village de Bronnitsy, qui exisMais n'écartez pas le voile, si vous ne tait déjà en 1386, étend sa longue et uni voulez pas voir sous cette industrie flat- que rue au bord de la Msta, très large en teuse, au fond des fabriques pleines de cet endroit et qu'on passe sur un pont serfs, une des plus horribles oppressions flottant. Au delà du pont la route côtoie sociales. La cathédrale de Tver qu'enri- une colline célèbre, et qui paraît avoir chit la chasse du saint prince Mikhaïl été faite de main d'homme. Le peuple, Isiaslavitch, le magnifique palais impé- qui raconte à ce sujet mille histoires, y rial avec ses immenses cours, et la ca- voit la sépulture d'un magicien puissant, serne, sont attenans ces trois édifices lequel aurait été le Merlin russe de l'époforment, comme dans toute la Russie, un que vladimirienne (1). Le cône magique est maintenant couronné d'une blanche ensemble indivisible. tserkov, bâtie en 1826, de style grec moderne, avec des colonnades qui, vues d'en bas sur leur haute terrasse, font un bon effet.

Enfin me voici à Novgorod, autrefois dite Veliki la grande, pour la distinguer de ses homonymes, comme Nijni et Severski, et pour caractériser sa puissance. Cette fière république, primitive Rome des Slaves, après avoir renfermé de 7 à 800,000 citoyens libres, est aujourd'hui réduite à 6,000 habitans, la plupart pauvres moujiks. Elle a néanmoins encore 62 églises, dont plusieurs, maintenant hors de la ville, étaient jadis dans son enceinte. Comme on a en quelque sorte bâti Trieste avec les dépouilles de Venise, ainsi Pétersbourg s'est élevé à l'aide des matériaux de Novgorod, qui a vu jusqu'aux pierres de ses palais s'en aller vers la Néva. La Russie est pleine de villes qu'on a détruites, pour en faire naitre de nouvelles ; c'est ainsi que les tsars ont souvent conçu le progrès. En général, on peut affirmer que c'est bien

Au delà du Volga, qu'on passe ici, comme partout, sur un pont de bateaux, s'étend vers le sud le gouvernement d'Yaroslav, un des plus peuplés et des plus industriels de l'empire, et dont les habitans, pareils aux Auvergnats en France, colportent au loin, durant la moitié de l'année, les objets de leur négoce. Peuplée de 24,000 âmes, et possédant le fameux lycée Demidoff, leur jolie capitale, Yaroslav, était jadis renommée pour la beauté de ses femmes; le proverbe russe dit encore aujourd'hui : blanche et rose comme une Yaroslavienne; mais le sceptre des grâces moskovites a passé aux nymphes de Valdaï, villette de 2,000 habitans, issus de prisonniers polonais déportés en ce lieu lors du premier partage. Ce petit pays décoré du nom de SuisseRusse, parce que son plateau est porté sur une série de contreforts légèrement escarpés, est la seule élévation qui interrompe la grande plaine du Nord; il a pour centre le gracieux lac de Valdaï, bordé de forêts de sapins, et dont une île renferme l'Iverskoy-Monastyr. Ses moi-plus la décadence de ses voisins que le nes rustiques et ignorans, mais hospitaliers et simples, sont souvent visités par les pèlerins étrangers. J'ai vu dans leur riznitsa (trésor) quantité d'objets d'art anciens, tant bas-reliefs que tableaux, et

développement de ses propres forces qui détermine l'ascendant de la Russie.

(1) Voir sur ce mystérieux personnage un article de l'Abeille du Nord, 1833, no 13.

Novgorod avait eu, durant 7 siècles, | considérablement, pour les formes, d'a

de magnanimes enfans, qui soutenaient incessamment leur orageuse liberté contre les grands princes de Kiyov et les tsars de Moskou, et que l'Europe voyait avec admiration se précipiter contre les armées des tyrans, avec le noble cri: Mourons pour sainte Sophie, c'est-àdire pour la patronne de notre liberté! Mais la ville eut sa récompense, elle devint, reine du commerce dans tout le Nord, dont elle envoyait les produits à ses alliées de la Hanse, Lubeck, Hambourg, Cologne, et jusqu'aux cités françaises. Les richesses s'entassèrent dans ses murs; rassasiée d'or, son patriotisme s'énerva, la défection devint possible: les tsars achetèrent, comme ils ont fait depuis partout, des traîtres, au{ sein du pays qu'ils voulaient subjuguer. Trahis, les Novgorodiens se battirent long-temps; et ils moururent pour la Sophie, mère sainte de la liberté !

Les héros sont oubliés, mais leur mère orientale, la Sophie, reçoit encore d'ardens hommages,et son temple est toujours debout. Etudions donc ce fameux temple, répétition hyperboréenne de la Sophie grecque du Bosphore. Et observons d'abord que ces répétitions du sanctuaire primitif, multipliées sur tous les points de l'Orient, doivent s'entendre bien plutôt dans le sens mystique que dans le sens rigoureusement architectural. En effet, sous ce dernier rapport, les nombreuses Sophies diffèrent quelquefois notablement entre elles. Mais dans le style sacré des Orientaux du moyen âge, répéter la Sophie, signifiait prolonger l'hellénisme chrétien sur des terres auparavant barbares, c'était fonder une éparchie ou colonie religieuse, qui, tout en restant unie à la métropole, participait à sa souveraineté et à ses droits, et, comme les colonies antiques des Hellènes, pouvait se gouverner elle-même. Pourtant, même quant à la forme matérielle, chaque sophie ou temple souverain, c'est-à-dire épiscopal, tâchait de se rapprocher le plus possible de son modèle. Ainsi les sophies de Kiyov, de Vladimir, de Moskou, de Novgorod ont entre elles les plus frappantes analogies; mais cette ressemblance ne s'étend pas jusqu'à la Sophie de Constantinople, qui diffère

vec ses sœurs du Septentrion. Revenons à celle de Novgorod, qui, élevée sur son Kremle ou sa sainte colline, éblouit de loin par sa blancheur. Malheureusement elle est restaurée en dehors et ne conserve de son premier caractère, que les 5 coupoles argentées qui la surmontent, et semblent encore porter dans les airs la gloire passée de cette république des Russes Blancs; mais à l'intérieur l'église a été complétement respectée ; c'est bien ce plan harmonieux de la croix grecque couverte par la vaste coupole, à mosaïques primitives et gigantesques; cette nef courte, avec 12 piliers qui sont comme des tours, une voûte presque plate, tant l'arc en est surbaissé, et 4 bas-côtés étroits et ténébreux, contrastant par leur air écrasé avec l'élan de la rotonde. Aux pendentifs de cette dernière, se voient les grandes icones de vierges et d'évêques sur fond d'or, si antiques, qu'on en ignore l'origine, et qu'on les dit Khorsouniennes, c'est-à-dire venués de Kerson (en slavon Khorsoun), capitale de la Chersonèse, et premier type des villes russes. Cependant ni les Grecs chersoniens, ni l'Orient, n'ont présidé au berceau de cette république du nord, tournée de tout temps vers l'occident polonais et latin, dont elle reçut ses lumières. Voyez, en effet, ces belles portes d'airain, couvertes de bas-reliefs bibliques, si bien conservés, et aussi nommées Khorsouniennes ; sous des inscriptions slaves, on y voit de tous côtés, des saints Romains, entremêlés, selon l'usage d'alors, de quelques figures mythologiques. Fiorillo, qui dit un mot de ces portes (1), les croyait, sur la foi d'anciens documens, fondues à Magdebourg par un certain Pierre Vickmann. Mais le célèbre Adelung, qui les à décrites (2), y a déchiffré des noms tout différens. Au bas des scènes bibliques, trois figures, tête nue et leur robe retenue par une ceinture, à la manière slave, sont représentées à l'ouvrage, comme étant des artistes fondeurs de ces portes. L'un, inscrit sous

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(1) Gesch. der Zeichn. Künste in Deutschl. Tome

(2) Die Korsun, thür. besch. underlunt. Berlin, 1823.-166 pages in-4°.

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