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L'avilissement de l'aristocratie suffit peut-être pour expliquer la ruine de la république et l'établissement de la tyrannie. Mais que dire de cette patience stupide de tout le peuple romain, de cette quiétude dans l'esclavage qui lui fait supporter sans frémissement et sans révolte la froide cruauté d'un Tibère, les extravagances sanguinaires d'un Caligula et d'un Néron? Que dire de cette peur universelle qui précipite le monde aux pieds d'un insensé ? Il nous serait impossible à nous, fils du Christianisme et de la liberté constitutionnelle, de comprendre une telle lâcheté, si 93 n'était là, près de nous, avec son nom emprunté à la terreur elle-même, pour nous attester que la tyrannie et la peur qui la subit sont des fléaux de tous les temps et de toutes les civilisations.

ciété peut supporter sans se dissoudre. Į de consuls et d'histrions, de généraux Oui, Rome, cette république d'un pa- et de gladiateurs. triotisme si austère et si farouche, cette fière dominatrice du monde, elle a supporté tout cela. Non seulement elle a supporté, mais elle a aimé, flatté, adoré, divinisé ces monstres qui la tenaient écrasée sous leurs pieds. Pourquoi tant de servitude après tant de liberté, tant de dégradation après tant de gloire ? C'est un fait unique et encore inexpliqué dans les annales du genre humain, un problème à la fois historique et psychologique, dont la solution dépend de mille élémens divers, aussi difficiles à démê. ler qu'à apprécier à leur juste valeur. Parmi toutes les causes de décadence indiquées par Bossuet et Montesquieu, par M. de Champagny et d'autres historiens modernes, il en est trois surtout qui m'ont frappé l'extinction des anciennes races patriciennes, l'absence de liens entre les citoyens, et par-dessus tout, l'esclavage, cette plaie hideuse de l'antiquité, profonde, incurable, et qui comprend toutes les autres.

Le patriciat, cette aristocratie sacer dotale, sainte, antique, primitive, cette fille mystérieuse du mystérieux Romulus, dépositaire du culte, des lois et des destinées de Rome, avait été vaincu, décimé, ruiné par les guerres civiles et par les proscriptions, et avait dû faire place à la noblesse d'argent, composée de soldats de fortune, de chevaliers enrichis par l'usure et la finance, d'étrangers et de provinciaux admis pêle-mêle par Jules César à tous les droits de la cité, enfin d'une foule d'hommes nouveaux qui, par une brigue éhontée, ambitus immanis, comme l'appelle Cicéron, ou même par la violence, avaient envahi les magistratures supérieures, et étalaient sur le siége des Scipion et des Caton leur insolence de parvenus. Cette noblesse de seconde formation, nobilitas, sans racine dans le passé, sans dignité dans le présent, sans souci de l'avenir, n'aspirait qu'à jouir, dans un lâche repos, de ses biens et de ses honneurs mal acquis. Elle avait acheté la république au peuple ; elle la revendit aux tyrans, dont elle se fit l'esclave, pour ne pas devenir leur victime. Elle en vint de bassesse en bassesse jusqu'à fournir à la fois ses maîtres

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Les sociétés anciennes étaient fondées sur un seul principe : le patriotisme, si on peut appeler ainsi cet égoïsme national qui commandait autant la haine de l'étranger que l'amour de la patrie. Les autres bases sociales, la propriété, la famille, la religion elle-même, étaient sacrifiées à ce sentiment exclusif et jaloux, dont on avait fait quelque chose de divin et d'inviolable, en sorte que lorsqu'il périssait, tout périssait avec lui.

Mais en même temps, dit M. Champagny, tout égoïsme de société se brisait en égoïsmes individuels. Ce que la philosophie enseignait était trop vague, i trop dépourvu de base; ce que la religion contait, trop mélangé et trop puéril pour qu'il pût en naître quelque lien puissant entre les hommes. La fa<mille elle-même, qui était pour les an< ciens plutôt une rigoureuse et politique

unité qu'une sainte, naturelle et affec<tueuse association, la famille n'avait plus assez de puissance pour maintenir ses droits. Personne ne tenait plus à personne. Cette complète dissociation, cet anéantissement de tout lien même de famille est horriblement <prouvé dans Tacite. Nous n'avons pas « idée de cette époque; tout ce que nous < nous figurons d'individualisme et de relâchement social n'est rien auprès de cela, et la preuve à mes yeux est l'unité

‹ même, mais l'unité excessive du pou- | de semblable dans l'antiquité; aussi voyez

voir. Ainsi tout le monde était divisé, tout le monde était faible, tout le monde avait peur, voilà le secret de ‹ cette époque. ›

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comme les républiques et les empires s'usent vite, à moins qu'ils ne consentent à rester immobiles! C'est en lisant leur histoire et surtout celle de Rome, qu'on comprend combien la venue du Christianisme était nécessaire non seulement pour le salut des âmes, mais encore pour le salut des sociétés.

L'humanité ou plutôt la charité, cette vertu céleste qui suppléerait à toutes les autres, si elle pouvait jamais en être séparée; voilà ce qui manquait aux nations païennes. Il n'y avait chez elles d'autre lien Il y avait enfin, comme nous l'avons que celui de la tribu, de la famille ou de la dit, un mal plus grave que tous les autres patrie.Si cette maxime du poète latin, sim- maux, et qui rendait impuissans tous les ple expression de la fraternité humaine : remèdes humains : c'était l'esclavage, qui Homo sum, nihil humani à me alienum n'était pas seulement, comme dans nos puto, excitait au théâtre de si vifs applau- colonies, un instrument d'exploitation dissemens, c'est qu'elle n'était pas comme et de travail, mais qui faisait comme le aujourd'hui un sentiment vulgaire, mais fond et la base des sociétés antiques. quelque chose d'héroïque, de sublime, Suivons dans ses effrayans progrès ce d'exceptionnel, relégué dans le domaine principe délétère. Aux premiers temps de la poésie et assez étranger à la pratique. de Rome, il y a peu d'esclaves, parce C'est une erreur de croire que chez les qu'après la guerre les vainqueurs aiment peuples chrétiens la charité est une vertu mieux s'assimiler que s'assujétir les vainpurement religieuse et en quelque sorte cus; mais ils se multiplient avec les ascétique, sans action sur la vie civile et conquêtes et ils deviennent si nombreux politique: il y a en elle une telle puissance qu'il faut avoir fréquemment recours de cohésion, une source si féconde de aux affranchissemens. Cette classe d'afdévouemens, de sacrifices et de nobles franchis, égale et sous beaucoup de rapinspirations, que la cause du faible de- ports supérieure aux maîtres, veut à tout vient bientôt la cause du fort et le mal- prix se faire place au milieu de cette heur de plusieurs, le malheur de tous, cité sur laquelle elle se précipite comme témoin, dans le moyen âge, la chevale- sur une proie, et à laquelle elle est étranrie, les croisades, et de nos jours ces sou- gère par ses mœurs et par son origine; lèvemens unanimes de l'opinion publique elle fait servir à son ambition et les pricontre les plus lointaines oppressions; viléges de la liberté et les vices de la sercela suffit pour prévenir, déconcerter ou vitude. La brigue, la délation, l'espionlasser la tyrannie. Tout affaiblie, tout nage, la flatterie, les complaisances inéteinte qu'elle nous paraisse aujourd'hui, fâmes, voilà ses moyens de parvenir, à la charité chrétienne est encore l'élément l'aide desquels elle a bientôt pénétré conservateur qui arrête la dissolution dans toutes les charges et jusque dans le de nos sociétés. C'est le lait dont la reli- sein du sénat. D'un autre côté, la masse gion nourrit ses enfans; l'enfant, devenu demeurée esclave s'agite sourdement grand, oublie vite la nourriture mater- dans les profondeurs de la cité, et le nelle, mais elle n'en est pas moins in- volcan est sans cesse sur le point d'écorporée à sa substance et c'est à elle clater, Spartacus, nouvel Atlas, secoue qu'il doit la vigueur de sa constitution. de temps en temps avec sa forte épaule Lorsque la charité n'est plus cette flamme ce monde romain sous le poids duquel il vivifiante qui anime, exalte, transporte les est écrasé, en sorte que la noblesse papeuples, elle est un arome qui les empêtricienne, pressée entre ses affranchis et chedese corrompre entièrement.Son nom ses esclaves, est contrainte d'abdiquer seul, que des novateurs insensés ont essayé ou de s'avilir. Enfin le règne des Césars vainement de changer, semble avoir ap-devient le règne des affranchis ou des porté du ciel dont il est venu,je ne sais quelle grâce et quelle bénédiction qui, ainsi que l'arc-en ciel de paix, assure le monde contre de nouveaux déluges. Rien

Nar

hommes de basse extraction. Sous Tibère, Séjan; sous Claude, Pallas, cisse; sous Néron, Tigillin, Paris, Senėcion, etc., sans compter les courtisanes

aux

« César ou du moins sa cour devait connaître cet homme et cette doctrine. Les rapports officiels, déposés dans ses « archives, lui apprenaient (je répète les << termes de Tacite), que ce Christ (le ‹ Christ, xperò, l'oint), celui qui avait ‹ donné son nom à cette croyance, avait ‹ péri sous le règne de Tibère, condamné à mort par Pontius Pilatus, procurateur; il savait que cette superstition, ‹ un instant réprimée, se propageait de ( nouveau, et que, sortie de la Judée où << ce fléau avait pris naissance, elle était <arrivée dans Rome même, qui accueille <et imite les crimes et les turpitudes du monde entier! On savait encore que Paul avait été plusieurs fois dénoncé par ses compatriotes aux pro⚫ consuls romains; qu'il avait devant eux expliqué sa doctrine, qu'il l'avait ex(pliquée et devant le roi juif Agrippa, et dans les synagogues des Hébreux, et dans les assemblées des Grecs, et même « à Athènes devant l'Aréopage. Le pro<< consul de Chypre, Sergius Paulus, avait

et les impératrices souvent plus viles que les courtisanes, voilà les arbitres des destinées du monde. Si nous descendons dans la vie privée, quelle dégradation ne devait pas entraîner à sa suite cette foule d'esclaves dévoués corps et âme aux intérêts, aux faiblesses, vices, aux turpitudes des maîtres! Dans les beaux jours de la république, l'esclavage avait du moins cet avantage de laisser aux citoyens libres le loisir nécessaire au soin des affaires communes ; mais lorsque la république eut été confisquée par les empereurs, il ne resta plus aux riches que l'oisiveté, l'orgie et le suicide; aux pauvres que le pain et les spectacles, panem et circenses. L'esclavage n'eut donc plus aucun but utile; il devint l'agent le plus actif de la corruption domestique; de là le libertinage, l'adultère, le divorce, le trafic des mariages introduit jusque dans le sanctuaire de la matrone romaine; de là ce luxe effréné qui dévorait dans un seul repas le revenu de plusieurs provinces; de là enfin ces infamies de toute sorte qui‹ cru à sa parole; en Judée, en Syrie, en nous épouvantent et qui eussent été impossibles sans l'esclavage.

Il fallait une halte dans cette boue. Ecoutons l'Evangile du monde nouveau, tel qu'il est raconté par M. de Champagny:

« Grèce, en Illyrie même, des milliers « d'hommes juifs, grecs, barbares ve<< naient à lui.

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« Paul, amené en Italie, n'y était donc <rien moins qu'un inconnu. A Pouzzole où il débarqua (an 61), des frères l'ac<cueillirent. D'autres vinrent de Rome jusqu'aux premières stations sur la voie Appia pour le recevoir. A Rome même, où la police impériale se souciait peu de se mêler à ces querelles entre Juifs, Paul venu comme accusé et < comme captif, demeura libre, sous la garde d'un soldat, convoquant dans < son logement les principaux des Juifs, y recevant quiconque venait l'enten

Or, la seconde année du règne de Claude, un homme, un pauvre Juif, (nommé Simon, et que ses frères appelaient aussi du nom de Céphas, qui veut dire Pierre, était venu dans Rome. Il y avait prêché une doctrine nouvelle dans le judaïsme, contre laquelle les Juifs de cette ville s'étaient soulevés; et Claude, ému de ces querelles, faisant comme avaient fait avant lui Auguste et Tibère, Claude avait expulsédre, prêchant deux années entières en

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de Rome tous les Juifs à la fois (an 44). Mais cette nation tenace ne tarda pas ‹ à revenir, Les apôtres mêmes de la nouvelle doctrine y reparaissaient au bout de neuf ans. Et plus tard, un Juif de Tarse, citoyen romain, homme instruit dans les sciences hébraïques, Saul, à qui les nations païennes donnent le nom (romain de Paulus, accusé par ses com« patriotes de Jérusalem devant le gou‹ verneur de Syrie, usait de son droit de ‹ citoyen et appelait à César (an 60). N° 74. 1849.

TOME XIII.

<toute confiance et toute liberté. Empri(sonné plus tard, il faisait servir ses <fers au progrès de l'Evangile, rendait

sa captivité plus glorieuse pour le « Christ dans tout le prétoire, et encou<rageait ses frères au dehors à répandre ‹ sans crainte la parole de Dieu.

<< Aussi le christianisme avait-il des disciples dans le palais même de Né‹ron; plusieurs églises naissaient en Italie; la foi se répandait même dans ་ les provinces occidentales, la Gaule et

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l'Espagne. Les empereurs et les chefs enchaînement aussi harmonieux que s'il ‹ du sénat criaient à l'invasion des su- eût été conçu et médité dans son enperstitions étrangères, le peuple à l'im-semble. Mais ce sont là des taches parpiété et au maléfice; car le peuple ‹ aussi savait le nom des chrétiens, et le christianisme devenait manifeste par les contradictions même qu'il rencon<trait de toutes parts. Nous savons de << cette croyance, disait-on, que de tous « côtés on la contredit. >>

Nous regrettons de ne pouvoir citer davantage, car le style de M. de Champagny est vraiment original, lui appartient en propre et ne ressemble à aucun autre, ce qui est déjà un grand mérite aujourd'hui où il y a tant de fausses prétentions à l'originalité; ce style d'ailleurs a des qualités éminentes: il est vif, pressé, ardent comme une improvisation; il a du trait et du mordant sans manquer d'abondance et de facilité, et sait dans les replis ondoyans de sa période resserrer une foule d'idées accessoires qui viennent se grouper avec art autour de l'idée principale; il est souple et varié dans ses formes, va et vient, s'élève et s'abaisse sans effort, en sorte qu'il se prête merveilleusement à tous les caprices du sujet. Mais il a aussi quelques défauts (et ce sont les défauts de ses qualités), la nouveauté de l'idée va quelquefois jusqu'au paradoxe; la hardiesse du mot ou de la phrase jusqu'au néologisme ou l'incorrection; le mordant jusqu'à l'épigramme, ce qui compromet le caractère de la muse historique qui, même dans ses allures les plus libres, doit conserver de la réserve et de la gravité. Il y a tel rapprochement entre des faits. anciens et de petites circonstances contemporaines, tel mélange de mots anglais, français, latins, italiens qui accusent le tact, ordinairement si sûr, de l'écrivain. Ainsi je n'aime pas qu'on me parle de la société Aide-toi, à propos des brigues du Forum; qu'on appelle des Robert-Macaire les chevaliers romains qui s'occupent d'agiotage, etc. Enfin, et pour en finir avec la critique, on pourrait signaler quelques redites inutiles, et dans certaines parties de l'ouvrage un peu de confusion qui provient sans doute de ce que, destiné d'abord à être inséré par fragmens dans une reque, il a été difficile de lui donner ensuite un

tielles, légères, qui n'ôtent rien au mérite incontestable d'une composition qu'attend un succès durable, et qu'on ne saurait confondre avec ces œuvres sans portée qui de nos jours naissent, prospèrent et meurent avec la même rapidité.

Un reproche plus grave, parce qu'il touche au fond même du sujet, ce serait de n'avoir consacré dans deux volumes sur les Césars que quelques pages à l'avénement et aux progrès du christianisme; mais l'auteur est allé lui-même au devant de ce reproche. C'est une sorte de pudeur morale et religieuse qui l'a empêché de mêler la pureté du christianisme naissant aux impuretés du paganisme expirant, et de souiller la blanche robe du néophyte dans la fange impériale; il faut lui savoir gré de ce sentiment délicat. Voici, au reste, comment il s'exprime à la fin de sa préface:

« Le siècle des Césars n'est pas ici tout entier. Il faudrait encore, à côté des <corruptions du paganisme, montrer le christianisme déjà tout parfait dans sa ( nouveauté. Ici, par le spectacle de ce «qu'était le monde quand le christianisme lui manquait, on a cherché à montrer l'utilité sociale du christianisme et les bienfaits que les hommes ‹ lui doivent ; là, dans l'histoire même du « christianisme, on trouverait la preuve « de sa vérité, et ce point de vue est plus (important encore; car si l'on veut juger une religion, c'est sa vérité qu'il << faut démontrer par dessus tout. Dans ‹ ce nouvel essai, l'écrivain trouverait <une compensation à tous les dégoûts et « à toutes les tristesses qu'a offerts à ses yeux la décrépitude du monde païen, il se reposerait à cette lumière admi‹rable de Dieu qui est la ́voie, la vérité ‹ et la vie au milieu de tout ce qui est << divin, de tout ce qui est saint, de tout (ce qui est pur. Mais un tel travail ne

saurait être l'œuvre de quelques jours, <et comme nous dit l'Apôtre ‹ nous igno<< rons ce qui sera demain, » nous devons « dire: Si le Seigneur le veut, nous fe«rons ceci ou cela. »

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Ainsi, l'omission que nous avons si

gnalée n'est point une lacune, c'est une promesse ; nous l'acceptons, et nous ne doutons pas qu'elle ne soit remplie avec conscience et talent. Si nous avons eu tant à louer dans les vues du philosophe et de l'historien, que ne devons-nous pas espérer des inspirations du chrétien! C'est au Vatican qu'il doit aller deman

der les révélations du passé et les oracles de l'avenir. Attendons et prions pour que le pélerin revienne de la terre sainte avec cette lumière admirable de Dieu, invoquée par lui, et qu'il la fasse briller à nos yeux dans son œuvre future. LUDOVIC GUYOT.

HISTOIRE ET TABLEAU DE L'UNIVERS,

PAR M. DANIELO (1).

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exceptés, qui puisse être comparé aux Védas pour la vaste profondeur, pour la hardiesse de structure des pensées et des conceptions. Cette remarque fait d'autant plus regretter que les missionnaires aient négligé cette littérature pour concentrer presque exclusivement leurs études sur celle des Chinois. Si les Jésuites de l'Inde, dit M. Daniélo, avaient été aussi forts en sanscrit que les Jésuites de la Chine en langue chinoise; s'ils avaient pénétré dans le fond des doctrines et des lettres indiennes, comme leurs frères ont pénétré dans celles des mandarins; s'ils avaient fait sur les Védas, les Pourânas et les poèmes épiques, les mêmes travaux qu'ont faits les autres sur les Kings, sur les histoires et les livres de la littérature chinoise;

Grâce aux savans travaux des missionnaires, la Chine, sous le rapport historique et moral, commençait à être bien connue de l'Europe dès le milieu du 17e siècle; tandis que dans le siècle suivant, elle n'avait que de rares et confuses notions de l'Inde. C'est au point que Voltaire, supposant une haute antiquité à l'Ezour-Védam, dont la prétendue traduction fut attribuée à M. de Sainte-❘ Croix, proclama étourdiment que les doctrines chrétiennes avaient été empruntées au paganisme asiatique. Or, ce livre, composé en 1621 par le jésuite Robert de Nobilis, était destiné à faciliter la connaissance de notre religion aux Hindous ; cela est si vrai que le manuscrit original, en sanscrit et en français, existait vers ce temps dans la bibliothèque des Jésuites de Madras. Et pour-s'ils avaient fait des comparaisons et des tant l'Inde avait des titres au moins égaux à ceux de la Chine pour mériter d'être étudiée avec soin; car elle paraît avoir été dotée des avantages de la civilisation en des siècles fort rapprochés de ceux où se développa la civilisation de cette dernière. Il s'ensuit que l'Inde a dû aussi, de bonne heure, en exprimer les résultats dans les évolutions de l'intelligence, dans les créations de la fantaisie contemplative qui caractérise l'esprit de ses habitans. Suivant M. d'Eckstein, dans son Mémoire sur les rapports entre l'Inde et l'Europe, il n'y a rien dans la littérature d'aucun peuple, les livres saints

(1) 3 et 4 volumes ; chez Gaume frères, éditeurs, rue du Pot-de-Fer, 5. Prix: 20 fr. les 4 volumes.

rapprochemens profonds, attentifs et suivis entre tous ces livres, entre ces deux doctrines et ces deux littératures; s'ils nous avaient fait connaître les travaux de Vyasa, de Kapila et de Gautama, comme ils nous ont fait connaître ceux de Koung-fou-tsé, de Meng-tseu et de Lopi; s'ils avaient même mis en rapport le Père de Nobilis et le Père Gaubil, le P. Bouchet et le P. Amyot, le P. Pons et le P. Cibot, ils en auraient su beaucoup plus, et nous en eussent beaucoup plus appris, les uns sur leurs Indes, les autres sur leur Chine chérie, qu'ils ne nous en ont appris et n'en ont su en isolant leurs travaux, en ne les mettant point en regard, en contact, et en n'en tenant pas réciproquement assez de compte. › Ajou

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