qui est réunis n'ont d'autre pouvoir sur moi que la force , & la force De fait pas le droit; leurs volontés réunies ne sont pas une loi pour moi, à moins que je ne les envisage comine l'organe de la volonté de Dieu, mon seul Supérieur. Quand, par une supposition impossible, tous les hommes se réuniroient pour m'ac. corier un droit contraire à la volonté de Dieu , ou à la loi qu'il a portée, leur volonté générale n'auroit aucun effet , & ce prétendu droit Teroit absolument nul. D'autres disent que le droit naturel est ce qui eft conforme au bien général de l'humanité ; nous admettons volontiers cette notion; mais elle ne suffit pas pour que les autres hommes aient droit d'exiger quelque chofe de moi, il faut qu'il y ait une loi qui m'oblige à leur rendre ce devoir, & cette loi n'auroit point de force, si elle n'étoit revêtue d'une sanction. L'égalité physique n'existe point entre les hommes ; l'égalité morale ne peut donc y avoir lieu qu'en vertu d'une loi. Dieu, père de tous, & qui veut le bien général de tous, na donné à aucun particulier le droit de procurer son propre bien aux dépens du bien de ses semblables; ce feroieni deux volontés contradictoires. Telle est l'égalité morale que Dieu a établie entre tous les hommes, & de laquelle il faut partir pour avoir des notions exactes du droit , de l'équité, de la justice. Il est évident que le bien général de la société n'a pas pu être absolument le même dans les divers états par lesquels le genre humain a dû nécessairement passer , par conséquent le droit naturel n'a pas toujours été le même non plus; c'est-àdire, que la loi naturelle n'a pas dû commander' ou défendre les mêmes choses dans ces différentes circonstances. Lorsque la race humaine étoit encore bornée à une seule famille, son intérêc étoit l'intérêt général ; tout ce qui contribuoit au bien-être de cette famille lui étoit permis, puisqu'il ne pouvoit nuire à personne. Lorsque plusieurs familles formerent différentes peuplades, l'une ne pouvoit légitimement procurer son bien, en nuisant à celui d'une autre, parce que chacune avoit un droit naturel de jouir en paix de son bien-être ; mais chacune pouvoit , sans blesser la loi naturelle, le permettre ce qui ne portoit aucun préjudice aux autres. Enfin, dès le moment que plusieurs peuplades eurent formé ensemble une société civile & nationale, certains usages, qui n'avoient point nui au bien de chaque peuplade séparée, ont pu devenir nuisibles à la fociété civile, & dès-lors ont cessé d'être. conformes au droit Raturel. Ainsi, le mariage des frères avec leurs fæurs, qui étoit non-seulement permis, mais nécessaire dans la famille d'Adam, a celié de l'être dans les générations suivantes, lorsqu'il a été uile au bien commun de former les alliances entre les différentes familles, Ainsi la polygamie , qui étoit utile dans les peuplades séparées, a ceflé de l'être dans les sociétés nombreuíts; les inconvéniens qu'elle a entraînés pour lors l'oac rendue contraire au droit nalurel. Il n'a donc pas été nécessaire que Dieu dispensât les Patriarches de la loi naturelle, pour leur permettre d'épouser leurs fæurs ou leurs proches parentes, ou d'avoir plusieurs femmes; dans les circonitances où ils l'ont fait, il n'en résultoit aucun inconvénient contraire à l'intérêt général, par conséquent la loi naturelle ne le défendoit pas. Voyez POLYGAMIE. De même certains usages ont pu être conformes à l'intérêt d'une société nationale, & devenir ensuite contraires au bien de la sociéré universelle, & au droit des gens. Dans ces trois états si différens, le droit respectif des deux époux, le pouvoir des pères sur les enfans, l'autorité des maîtres sur les esclaves, ont nécessairement varié; il ont dû être plus ou moins érendus, selon le besoin des sociétés. On aura beau dire que le droit naturel eft immuable, cela demande une explication. Quoique la nature humaine soit toujours essentiellement la même, les besoins, les intérêts, ses droiis, ses meurs, changent & sont relatifs au degré de civiq lisation ; la loi naturelle ne peut donc pas prescrire absolument les mêmes choses dans les différens états. Autrement les loix civiles , pour être justes, devroient aussi être invariables; tout changement dans ces loix seroit contraire au droit naturel. Voilà ce que les Philosophes ne se sont jamais donné la peine de considérer; on ne doit donc pas être surpris si les anciens ont si mal raisonné sur le droit naturel; il n'en est pas un seul qui n'ait approuvé des usages qui y étoient évidemment contraires. Les modernes ne réustifient pas mieux, lorsqu'ils s'obstinent à fermer les yeux à la lumière de la révélation. Ce qui nous est permis, ou ne nous est pas défendu par la loi naturelle , peut nous être interdit par une loi positive. Comme l'état de société civile ne peut subsister sans loix positives, Dieu , en nous destinant à cet état, nous a imposé l'obligation d'obéir aux loix établies pour le bien commun, quoique ces loix gênent, en plusieurs choses, notre liberté naturelle. La raison est que les avantages qui résultent de l'état de société, sont pour nous un plus grand bien qu'une liberté illimitée de faire ce qui nous plaît. Faute de saisir ces principes, on a déraisonné de nos jours fur l'inégalité, qui est une suite nécessaire de l'état de societé. Selon les maximes posées par de profonds raisonneurs, il semble que Dieu ait péché dės la création contre le droit naurel, en mettant de l'inégalité entre l'homme & la femme, entre le père & les enfans. Pour conduire cette belle morale à la perfection, il a fallu soutenir sérieusement que l'état de societė eft contraire à la nature de l'homme; qu'il est moins vicieux & plus heureux dans l'état sauvage, parce qu'il est alors plus rapproché de l'état des brutes. Dieu, en accordant à l'homme les fruits & les plantes pour nourriture, ne parla point de la chair des animaux; dans le Paradis rerreftre, il lui défendit de toucher à un fruit particulier , & le punit pour en avoir mangé. Après le déluge, il permit à Noé & à ses enfans la chair des animaux, mais il leur défendit d'en manger le sang. Gen. c. 9, N. 4. Quand nous ne pourrions donner aucune raison de ces défenses positives qui genoient la liberté naturelle de l'homme, nous ne ferions pas teniés de les regarder comme des attentats commis contre les droits. Plusieurs Déistes ont soutenu cependant que Dieu ne peut pas nous imposer des loix positives, que ces loix seroient contraires à la loi naturelle. Ils n'ont pas vu qu'en raisonnant sur ce faux principe, il s'ensuivroit que toute loi civile est autsi un attentat conire le droit naturel. Droit des Gens. C'est ce qu'une nation peut exiger d'une autre pacion, en vertu de la loi naturelle. L'état de guerre entre deux peuples ne leur ôte point la qualité d'homme; la guerre n'autorile donc pas un peuple à violer le droit général de l'humanité. Le droit d'attaque & de défense ne donne point celui de commettre des violences & des cruautés superflues, qui ne peuvent contribuer en rien au succès de l'attaque ni de la défense. Tels sont les principes sur lesquels Dieu avoit réglé les loix militaires chez les Juifs. Deut. c. 20. Mais les Chananéens devoient être exterminés sans miséricorde. Voyez CHANANÉENS. Avant la publication de l'Evangile, le droit naturel & le droit des gens ont été très-mal connus ; il n'est aucun des anciens Lé. gislateurs, aucun des Philosophes, qui n'ait établi à ce sujet des maximes injustes & fausses. S'il arrive encore souvent aux nations chrétiennes de violer l'un ou l'autre de ces droits, c'est que les passions exaltées ne connoissent & ne respectent aucune loi; mais ce désordre eft infiniment moins commun parmi nous, que chez les peuples infidèles. Nos Philosophes modernes , très-persuadés de la supériorité de leurs lumières , ont décidé que jusqu'à présent le bien général, ou l'intérêt général, n'a pas été Tuffisamment connu, que de-là sont nées toutes les erreurs dans lesquelles on est tonbé en fait de morale & de politique. De-là même nous concluons qu'ils le connoissent eux-mêmes très-mal, puisque personne n'a enseigné une morale ni une politique plus détestable que la leur. Nous pensons encore que le bien général ne sera jamais mieux connu qu'il l'eft, parce que les passions empêcheront toujours les hommes de voir les choses telles qu'elles sont, de distinguer leur intérêt solide & durable, d'avec leur intérêt pré Sent & momentané. Toute nation se regardera toujours comme le centre de l'univers , & préférera son intérêt particulier à celui du genre humain tout entier. Nous ajoutons que quand les peuples & les gouvernemens péchent en morale & en poliaque, ce n'est pas ordinairement par défaut de connoiffance. Un homme, placé à la tête des affaires, ne peut pas voir les objets du même veil qu'un Philosophe qui rêve tranquillement dans son cabinet; celui-ci , mis à la place du premier, ne manqueroit pas, à la première occasion, de contredire les pompeuses maximes qu'il écrit. Aussi tant de livres dėja faits sur ces matières, n'ont pas encore produit beaucoup de fruit , & ceux qui se font aujourd'hui en produiront encore moins. Les Philosophes qui se flattent de reformer l'univers avec des brochures, sont des enfans qui croient enseigner l'architecture en bâtisfant des châteaux de cartes. L'Evangile, l'Evangile ! ... voilà le code de morale & de politique de toutes les nations & de tous les siècles; quiconque n'en écoute pas les leçons, eft incapable de profiter d'aucune autre. DROIT DIVIN POSITIF. Par là on n'entend pas le droit de Dieu , ou fon fouverain domaine sur les créatures, mais les droits qu'il a donnés aux hommes les uns envers les autres par les lois positives qu'il leur a intimées, soit dans les premiers ages du monde, soit par le ministère de Moïse , soit par la bouche de Jésus-Chrift & des Apôtres. Ainsi la soumission des enfans, à l'égard de leurs parens, n'est pas seulement de droit naturel, elle est encore de droit divin pofuif, puisqu'elle est formellement commandée par cette loi : honore ton père & la mère , &c: Exod. C. 20, V. 12. Deut. c. 5, W. 16. L'autorité des Parleurs sur les fideles eft de druit divin positif, ou établi par Jésus-Christ luimême, puisqu'il a établi Tes Apôtres juges & conducteurs du troupeau. Mull. C. 19, V. 28, &c. Quand on considère la multitude des erreurs dans lesquelles les Philosophes & les Législateurs , sont tombés à l'égard du droit naturel, on comprend combien il a été nécessaire que Dieu le fit connoitre par la révélation, & les instruisit par des loix pofuives. Il est donc absolument faux que celles-ci soient contraires au droit naturel, puisqu'elles tendent au contraire à le fáire mieux connoître & mieux observer. On ne niera pas sans doute que le Polythéisme & l'idolâtrie ne soient contraires à la loi naturelle ; où sont, parmi les sages du Paganisme, ceux qui ont compris cette vérité ? Voyez LOI POSITIVE. DROIT ECCLÉSIASTIQUE OU CANONIQUE. De même que le droit civil eft le recueil des loix portées par les Souverains pour la police de leurs états, le droit ecclesiastique ett le recueil des loix que les premiers Pasteurs ont faires en différentes occasions pour maintenir l'ordre, la décence du culte divin, & la pureté des moeurs parmi les fidèles; ce sont les décrets des Papes & des Conciles qui regardent la discipline, les maximes des saints Pères , & les usages qui ont acquis force de loi. Nos Politiques incrédules ont travaillé de leur mieux à sappers jes Pasteurs de l'Eglise n'ont point le droit de faire des loix ; per par le fondement tout droit ecclésiastique, en enfeignant que que le pouvoir législatif, même en fait de religion, appartient exclusivement au Souverain seul; nous prouverons le contraire à l'art. LOIX ECCLÉSIASTIQUES. S'il existe, disent-ils, un droit canonique dans l'Eglise chrétienne, c'est dans l'Ecriture-Sainte seule qu'il auroit dû être puis sé; toute autre source est fausse ou suspecte. On fait assez quel relpect ces déclamateurs ont pour l'Ecriture-Sainte; s'ils l'avoient lue, ils y auroient vu que Jésus-Christ a promis à fes Apôtres de les placer sur douze fièges pour juger les douze tribus u'líraël ; que le Saint-Esprit a établi les Parteurs pour gouverner l'Eglise de Dieu; que S. Paul exhorte les Evêques non seulement à enseigner, mais à commander ; que dans le Concile de Jérusalem les Apôtres ont porté des loix ; que quand le Séna: des Juifs, qui jouifToit encore de l'autorité civile, leur défendit de prêcher l'Evangile, ils répondirent qu'ils devoient obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Quand on consulte l'Histoire, on voit que pendant près de trois siècles l'Eglise chrétienne a gémi fous le joug des Empereurs Païens, qui en avoient juré la destruction. Elle avoit besoin de loix de discipline , aussi en a-t-elle fait dans ces tems-là, & en grand noinbre; il est absurde de prétendre qu'elle devoir les recevoir des Empereurs Païens, & qu'elle a commis un atrenrat contre leurs droits , en dressant une législation. Il est à prélumer que le premier Empereur qui embrassa le Christianisme, connoiiloit les droits de la souveraineté, & qu'il éroit jaloux de les conserver ; or, loin de trouver mauvais que les Paiteurs fiffent des loix de discipline, il les appuya souvent de son autorité, & ses successeurs ont fait de même, Julien, quoique Païen & Philosophe, trouva cette disciplinie si sage , qu'il auroit voulu l'introduire parmi les Prêtres du Paganisme. Cent ans auparavant, Aurélien, qui n'étoit pas plus Chrétien que lui, ne voulut pas décider à qui devoit appartenir la maison Episcopale de Paul' de Samosare ; il renvoya cette décision au Pape & aux Evêques d'Italie. Il est étonnant que des hommes, élevés dans le sein du Christianisme , entreprennent de dépouiller l'Eglise d'un pouvoir que des Souveraios Païens & despotes ont trouvé bon de lui laister. Au cinquième siècle, l'Eglise tomba sous la puissance des Goths, des Bourguignons, des Vandales , qui professoient l'Arianisme; étoit-ce de ces Souverains hérédiques qu'elle devoit attendre une législation ? Il y a plus; ces mêmes Politiques, qui déclament contre les loix |