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les pièces qu'ils produisaient pour la défense de leur cause. C'était des lettres missives de Mensurius, évêque de Carthage, prédécesseur de Cécilien, et de Second de Tigisi, par lesquelles ils prétendaient prouver que Mensurius avait livré les saintes Écritures, pendant la persécution de Dioclétien; mais ces lettres ne le prouvaient pas. Ils lurent aussi les actes du concile tenu à Carthage, où ils avaient condamné Cécilien quoique absent, comme ayant été ordonné par les traditeurs. Les catholiques de leur côté rapportèrent les actes du concile de Cirthe, où présidait le même Second de Tigisi, par lesquels il était prouvé que cet évêque et plusieurs autres du concile de Carthage, où Cécilien avait été condamné, étaient eux-mêmes traditeurs. Les donatistes objectaient contre ce concile, que la date en prouvait la fausseté, puisque les conciles n'en devaient point avoir, à quoi ils ajoutaient qu'il ne pouvait avoir été tenu, puisqu'on n'en tenait point pendant la persécution. On leur répondit que les conciles des catholiques avaient toujours été datés du jour et de l'année; et on leur prouva par des Actes des martyrs, que le peuple fidèle ne laissait pas de tenir les Collectes ou assemblées ecclésiastiques pendant la persécution; et qu'ainsi douze évêques avaient bien pu s'assembler dans une maison particulière. A l'égard du concile de Carthage que les donatistes voulaient faire valoir, les catholiques répondirent qu'il ne devait pas faire plus de préjudice à Cécilien, que le concile des maximianistes en avait fait à Primien leur évêque, qui avait été condamné absent par le parti de Maximien, comme Cécilien avait été autrefois condamné absent par le parti de Majorin. Après quelques aatres contestations, on acheva la lecture du concile de Rome, qui avait absous Cécilien; et le Commissaire pressa les donatistes de dire quelque chose, s'ils pouvaient, contre ce concile. Ils dirent que Melchiade, qui y avait présidé, était lui-même traditeur; mais les actes qu'ils produisirent, en preuve de ce fait, ne prouvaient rien. On lut ensuite le jugement de l'empereur Constantin, c'est-à-dire sa lettre à Eumalius, vicaire d'Afrique, où il témoignait qu'il avait trouvé Cécilien innocent, et les donatistes calomniateurs. Les donatistes, pressés de répon

1 In Append., tom. IX, pag. 69.

dre à cette lettre, lurent un passage d'Optat de Milève, qui ne prouvait rien, et dont la suite montrait au contraire que Cécilien avait été déclaré innocent. Ils firent lire encore d'autres pièces, dont une donna occasion à la lecture des actes de la justification de Félix d'Aptonge, ordinateur de Cécilien.

8. Le tribun Marcellin, voyant que les donatistes n'avaient rien de bon à opposer, pria tous les évêques présents de sortir, afin que l'on pût écrire la sentence qui prononçât sur tous les chefs. Lorsqu'il l'eut dressée, il fit rentrer les parties, et leur en donna la lecture. Il y déclarait que, comme personne ne doit être condamné pour la faute d'autrui, les crimes de Cécilien, quand même ils auraient été prouvés, n'auraient porté aucun préjudice à l'Église universelle; qu'il était prouvé que Donat était l'auteur du schisme; que Cécilien et son ordinateur Félix d'Aptonge, avaient été pleinement justifiés. Ensuite il ordonnait que les magistrats, les propriétaires et locataires des terres empêcheraient les assemblées des donatistes, dans les villes et en tous lieux ; et que ceuxci délivreraient aux catholiques les églises qu'il leur avait accordées pendant sa commission; que tous les donatistes qui ne voudraient pas se réunir à l'Église, demeureraient sujets à toutes les peines des lois; et que pour cet effet tous leurs évêques se retireraient incessamment chacun chez eux; enfin que les terres où l'on retirerait des troupes de circoncellions, seraient confisquées.

Suite, pag. 579.

Livre aux Donatistes de

rence.

9. Quoique le tribun Marcellin n'eût fait que suivre dans sa sentence, ce que les puis la confé. donatistes avaient jugé contre eux-mêmes, soit par les pièces qu'ils avaient données, soit par la défiance qu'ils avaient témoignée de leur cause, ils ne laissèrent pas d'en appeler, sans s'arrêter à ce qu'on leur représenta, que leurs propres paroles les condamnaient. Ils signèrent toutefois les actes de la troisième conférence, comme ils avaient signé ceux des deux premières, ajoutant, que c'était sans préjudice de leur appel. On ne sait si leur acte d'appel est l'écrit qu'on disait avoir été signé par les évêques donatistes après la conférence. Saint Augustin parle de cet écrit, et il y a apparence que c'est celui qu'il refute dans le livre intitulé, aux Donatistes après la conférence 2. Ils y répétaient les passages de l'Écriture qu'ils

2 August., post. coll., cap. XXVI, 11 et 10.

Analyse de ee livre, pag. 682.

avaient employés dans la lettre qui fut lue dans la conférence, et auxquels les catholiques avaient répondu. Ils tâchaient d'y expliquer ce qu'ils avaient avancé dans la séance du troisième jour, qu'une affaire1 ou bien une personne ne fait point de préjuge contre une autre affaire ou une autre personne; maxime qui favorisait les catholiques, et dont ils avaient même coutume de se servir contre les donatistes, pour montrer que les crimes de Cécilien, quand ils auraient été prouvés, ne tiraient point à conséquence contre ses successeurs et les autres évêques d'Afrique, et beaucoup moins contre l'Église universelle. Les donatistes disaient encore que Donat, accusateur de Cécilien, n'était pas celui de Carthage, mais l'évêque des CasesNoires. Enfin, ils s'y plaignaient de ce que la sentence avait été prononcée durant la nuit; qu'on les avait tenus enfermés comme dans une prison, et qu'on ne leur avait pas permis de dire tout ce qu'ils auraient voulu, parce que Marcellin, qui était catholique, favorisait ceux de sa communion. Ce sont-là les calomnies que saint Augustin entreprit de réfuter dans le livre qu'il adressa aux donatistes laïques.

10. Il y relève tous les avantages que les évêques catholiques avaient eus dans la conférence, et le bien qui en était revenu à l'Église les vains efforts des donatistes pour empêcher qu'elle ne se tint; les chicanes dont ils avaient usé pour ne point entrer en matière, et les plaintes qu'ils avaient faites. qu'on les y faisait entrer malgré eux. Comme ils y avaient été convaincus par leurs propres paroles et par les pièces mêmes qu'i u'ils y avaient produites, saint Augustin en prend occasion d'avertir ces donatistes laïques de ne plus se laisser séduire par leurs évêques, vaincus dans la conférence de Carthage par leurs propres armes. C'est ce qu'il justifie par le narré de ce qui se passa dans cette conférence. Venant ensuite à cette maxime qu'ils y avaient avancée, qu'une affaire ne fait point de préjugé contre une autre affaire, ni une personne contre une autre personne « Combien, dit saint Augustin, aurions-nous donné de montagnes d'or pour leur faire faire cette réponse qui décide entièrement notre différend?» En effet, il suivait de là que quand même Cécilien aurait été coupable, son crime n'aurait point taché

1 Lib. II, cap. xix.

ceux qui étaient demeurés dans sa communion. Il détruit après cela tout ce qu'ils disaient dans le public et dans divers écrits contre le jugement rendu par Marcellin, et s'arrêtant sur l'affectation qu'ils firent paraître d'empêcher qu'on ne vint au fond de l'affaire, et à allonger par leurs discours superflus les actes de cette conférence : « Je ne sais, dit-il, s'ils ont fait cela par un tour d'adresse, ou parce qu'ils étaient abandonnés de la vérité; mais, assurément, c'est tout ce qu'ils ont pu faire en faveur d'une si méchante cause, qu'ils eussent encore mieux fait d'abandonner. Si ceux de leur parti les accusent de s'être laissés corrompre par nous, pour fortifier notre cause et infirmer la leur propre, par tant de choses qu'ils ont dites et produites contre eux-mêmes dans le procès, je ne sais pas comment ils pourraient mieux se justifier, qu'en représentant que s'ils avaient été gagnés par nous, ils auraient bientôt terminé une si méchante cause, qu'eux et nous avons si bien montré être insoutenable. Néanmoins, c'est à Dieu que nous en rendons grâces, et non à eux, puisque la charité ne les a pas portés à nous rendre ce service, mais que la vérité les y a forcés. » Il donne le nom de frères à ces donatistes laïques, remarquant que les évêques de leur parti avaient trouvé mauvais dans la conférence qu'on leur donnât ce

nom.

§ VIII.

Du Discours ou de la conférence en présence d'Émérite.

1. Au sortir de Carthage, saint Augustin D fut obligé, en 418, d'aller en Mauritanie pour quelques affaires que le pape Zosime lui avait recommandées et à quelques autres évêques d'Afrique. Comme ils étaient à Césarée, on vint dire à saint Augustin qu'Émérite, l'un des évêques donatistes qui s'étaient signalés dans la conférence de Carthage pour la défense de son parti, y était aussi. Ce saint alla aussitôt au-devant de lui, et l'ayant trouvé dans la place publique, il le pria, après qu'ils se furent salués, de venir à l'Église. Émérite n'en fit aucune difficulté, en sorte que saint Augustin croyait qu'il était tout disposé à embrasser la communion catholique. Dès qu'il y fut entré, saint Augustin commença à parler au peuple; il s'étendit surtout sur la charité, la

paix et l'unité de l'Église catholique. Dans son discours, tantôt il adressait la parole au peuple, et tantôt à Émérite. Le peuple, charmé de l'entendre, l'interrompit en témoignant à haute voix souhaiter qu'Émérite se réunit sur-le-champ sans attendre davantage. Saint Augustin dit qu'il le souhaitait aussi, et réitéra les offres faites par les catholiques dans la conférence, de recevoir les évêques donatistes en qualité d'évêques, et il le promit de la part d'Euthérius, évêque catholique de Césarée. Comme plusieurs des donatistes qui étaient présents, mais qui n'étaient pas bien instruits, trouvaient à redire que l'on reçût dans l'Église catholique ceux qui quittaient le schisme ou l'hérésie, sans les baptiser ou les ordonner de nouveau, saint Augustin en prit occasion de montrer qu'on ne pouvait réitérer ni le baptême ni l'ordination. « Le baptême, dit-il, n'est point des hérétiques ni des schismatiques, mais de Jésus-Christ, et, lorsqu'on ordonne un évêque, on invoque sur sa tête en lui imposant les mains, non le nom de Donat, mais le nom de Dieu. Le soldat qui déserte est coupable de crime de désertion, mais le caractère qu'il porte n'est pas le sien, c'est celui de l'Empereur. Si, Donat après avoir fait schisme, avait baptisé en son nom, je ne recevrais point ce baptême, je l'aurais en horreur; mais ce déserteur a imprimé à ceux qu'il a baptisés le sceau de son prince, c'est à-dire de Dieu. Nous ne devons donc point haïr en eux ce qui est de Dieu, c'est-à-dire le baptême, ni les haïr eux mêmes, parce qu'en tant qu'hommes, ils sont de Dieu, comme c'est aussi de Dieu qu'ils ont l'Évangile et la foi. Si vous me demandez ce qu'ils n'ont pas, ayant le baptême et la foi de JésusChrist, je vous répondrai qu'ils n'ont pas la charité, sans laquelle l'Apôtre dit que tous les dons de Dieu sont inutiles. La marque du salut est la charité; sans elle vous pouvez avoir le sceau du Seigneur, mais il ne vous servira pas. On peut donc, hors de l'Église, avoir l'honneur de l'épiscopat et le sacrement de baptême; on peut chanter Alleluia et répondre Amen; on peut savoir l'Évangile, avoir la foi et la prêcher au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit; mais on ne pourra jamais trouver le salut que dans l'Église catholique. Il y a plus, celui qui répand son sang plutôt que d'adorer les idoles, ne peut recevoir la couronne, s'il est hors de l'Église parce que

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Jésus-Christ a dit, que ceux-là seuls sont bien- Matth. V. 10. heureux qui souffrent persécution pour la justice. »

Il finit son discours en témoignant qu'il espérait de la miséricorde de Dieu la conversion d'Émérite, et invite les assistants à la demander par leurs prières. Cet évêque ne se convertit pas néanmoins après ce discours; mais comme saint Augustin n'en désespérait pas tout à fait, on lui donna du délai.

en présence

418, pag. 626.

2. Deux jours après, c'est-à-dire le 20 Conférence septembre 418, Euthérius, évêque de Cé- d'Emérite, en sarée, avec Alypius de Thagaste, Augustin d'Hippone, Possidius de Calame, Rustique de Cartenne, Pallade de Sigabite, et les autres évêques, étant venus dans une salle en présence des prêtres, des diacres, de tout le clergé et d'un peuple nombreux, en présence aussi d'Emérite, évêque du parti de Donat, Augustin, évêque de l'Église catholique, dit : « Mes frères, vous qui avez toujours été catholiques, et vous qui êtes revenus de l'erreur des donatistes, ou qui doutez encore de la vérité, écoutez-nous, nous qui cherchons votre salut par une charité pure.»> Il raconta ensuite ce qui s'était passé deux jours auparavant, comment il avait invité Émérite à venir à l'Église, ce qu'il avait dit en sa présence sur la paix, la charité et l'unité de l'Église, et les marques d'obstination que cet évêque avait données, et ajouta : << Puisqu'il se trouve ici avec nous, il faut que sa présence soit utile à l'Église, ou par sa conversion, comme nous le souhaitons, ou du moins pour le salut des autres. » Il remarqua que, depuis la conférence de Carthage, presque tous les donatistes de l'un et de l'autre sexe s'étaient convertis; et fit voir la fausseté de ce qu'on leur avait dit que, dans la conférence, les catholiques avaient acheté la sentence du Commissaire, et qu'ils n'avaient pas permis aux donatistes de dire tout ce qu'ils voulaient. Puis, s'adressant à Émérite « Vous avez, lui dit-il, assisté à cette conférence; si vous y avez perdu votre cause, pourquoi êtes-vous venu ici? si vous ne croyez pas l'avoir perdue, dites-nous par où vous croyez la devoir gagner? Si vous croyez n'avoir été vaincu que par la puissance, il n'y en a point ici. Si vous sentez que vous avez été vaincu par la vérité, pourquoi rejetez-vous encore l'unité? » Émérite répondit : « Les actes montrent si j'ai perdu ou gagné, si j'ai été vaincu par la vérité ou

Pug. 28.

opprimé par la puissance. » Saint Augustin le pressa beaucoup de dire pourquoi il était venu, et voyant qu'après une réponse fort équivoque, il s'obstinait à ne plus parler, il s'adressa au peuple, à qui il fit remarquer le silence de cet évêque donatiste. Il recommanda à Euthérius de faire lire tous les ans dans son Église les actes de la conférence, tout au long, pendant le carême à l'imitation des Églises de Carthage, de Thagaste, de Constantine, et de toutes celles qui étaient les mieux réglées.

3. Saint Alypius lut ensuite la lettre que les évêques catholiques avaient adressée au tribun Marcellin avant la conférence. Elle était signée au nom de tous par Aurèle de Carthage et par Sylvain de Summe, doyen et primat de Numidie. Ces évêques y témoignaient que leur dessein dans la conférence était de montrer que l'Église, répandue par toute la terre, ne peut périr, quelque péché que commettent ceux dont elle est composée; que l'affaire de Cécilien était terminée, puisqu'il avait été déclaré innocent et ses accusateurs reconnus pour calomniateurs; que tous les autres aussi que les donatistes accusaient, étaient innocents, ou que leurs fautes ne pouvaient porter de préjudice à l'Église. Ils y déclaraient aussi que si les donatistes pouvaient prouver que l'Église est réduite à leur communion, ils se soumettraient absolument à eux sans prétendre rien conserver de la dignité épiscopale; et que si les catholiques montraient au contraire, comme ils l'espéraient, que les donatistes avaient tort, ils leur conserveraient l'honneur de l'épiscopat; en sorte que dans les lieux mêmes où il se trouveraient un évêque catholique et un donatiste, ils seraient alternativement assis dans la chaire épiscopale, l'autre demeurant un peu plus bas auprès de lui, qui était la place que l'on donnait aux évêques étrangers; ou bien que l'un aurait une église, et l'autre une autre, et cela jusqu'à ce que l'un des deux étant mort, l'autre demeurât seul évêque selon l'ordre ancien; ou que si les peuples avaient trop de peine à voir deux évêques dans une église, tous les deux se démettraient, et ceux qui seraient trouvés sans compétiteurs, en ordonneraient un autre. << Pouvons-nous, en effet, ajoutaient ces évêques catholiques, faire quelques difficultés d'offrir ce sacrifice d'humilité au Sauveur qui nous a rachetés? Il est descendu du ciel,

et a pris un corps semblable à nous, afin que nous fussions ses membres, et nous ne voudrions pas descendre de nos chaires pour

ne pas laisser ses membres se déchirer par un cruel schisme! Il nous suffit pour nousmêmes d'être des chrétiens fidèles et soumis à Jésus-Christ. C'est ce que nous devons être aux dépens de toutes choses. Que si nous sommes évêques, c'est pour le service du peuple chrétien. Usons donc de notre épiscopat en la manière qui est la plus utile au peuple, pour y établir l'union et la paix de Jésus-Christ. Si nous cherchons le profit de notre Maitre, pouvons-nous avoir de la peine qu'il fasse un gain éternel, aux dépens de nos honneurs passagers? La dignité de l'épiscopat nous sera bien plus avantageuse, si en la quittant nous réunissons le troupeau de Jésus-Christ, que si nous le dissipions en la conservant. Et serions-nous assez impudents pour prétendre à la gloire que Jésus-Christ nous promet dans l'autre vie, si notre attachement à la gloire du siècle est un obstacle à la réunion des fidèles ?>>>

Saint Augustin interrompit la lecture de cette lettre pour faire part à ceux qui étaient présents d'une chose bien agréable et bien consolante qui lui était arrivée. « Avant la conférence, dit-il, nous nous rencontrâmes un jour quelques évêques ensemble, et nous nous entretenions de cette vérité : Que c'est pour la paix de Jésus-Christ et le bien de l'Église qu'il faut être évêque, ou cesser de l'être. Je vous avoue, ajoute-t-il, qu'en jetant les yeux sur les uns et les autres de nos confrères, nous n'en trouvions pas beaucoup qui nous parussent être disposés à faire ce sacrifice d'humilité au Seigneur. Nous disions, comme cela se fait ordinairement en ces sortes de rencontres: Celui-ci le pourrait faire, celui-là n'en est pas capable. Un tel le voudrait bien un tel n'y consentira jamais. En cela nous suivions nos conjectures, ne pouvant voir leurs dispositions intérieures. Mais quand on vint à le proposer dans notre concile général, qui était composé de près de trois cents évêques, tous l'agréèrent d'un consentement unanime, et et s'y portèrent même avec ardeur, prêts à quitter l'épiscopat pour l'unité de JésusChrist, croyant non le perdre, mais le mettre plus sûrement en dépôt entre les mains de Dieu même. Il n'y en eut que deux à qui cela fit de la peine; l'un qui était fort âgé et qui ne craignit pas de l'avouer; et

l'autre qui marqua sur son visage ce qu'il pensait dans son cœur. Mais tous nos confrères s'étant élevés contre ce vieillard, il changea aussitôt de sentiment, et l'autre changea aussi de visage. »

Saint Augustin expliqua ensuite ce qui s'était passé entre les donatistes à l'occasion du schisme de Maximien qui avait duré environ trois ans, faisant remarquer comment après avoir persécuté avec cruauté Félicien et Prétextat, tous deux maximianistes, ils les avaient reçus pour collègues dans l'épiscopat; et tous ceux qu'ils avaient baptisés dans le schisme, sans les baptiser de nouveau. Comme Émérite était un des chefs des primianistes, et que c'était lui qui avait dicté la sentence du concile de Bagai contre Maximien et ses sectateurs; il l'interpella de le démentir, s'il avançait quelque chose contre la vérité. Mais Émérite s'opiniâtra dans son silence, malgré les instances de ses concitoyens qui le pressaient de répondre, et il ne voulut jamais reconnaître pour frère l'évêque Deutérius, quoiqu'il fut d'ailleurs son parent.

§ IX.

Des deux livres contre Gaudence.

1. Vers l'an 420, Dulcitius, tribun et notaire de l'Empereur, se trouvant en Afrique pour faire exécuter les lois contre les donatistes, et travailler à leur réunion, en écrivit à Gaudence, évêque de Thamugade, qui avait été un de leurs commissaires dans la conférence de Carthage. Ceux de Thamugade étaient plus opiniâtres que les autres dans le schisme, et Gaudence, leur évêque, y était si fort attaché, qu'il menaçait de se brûler lui-même et les siens avec son église, en cas qu'on voulût les contraindre à se réunir. Dulcitius, qui avait beaucoup de douceur, n'omit rien dans sa lettre pour détourner Gaudence de se brûler lui-même, et d'entraîner avec lui des misérables dans une mort si funeste, à laquelle peut-être ils n'étaient nullement disposés. Il lui représente aussi qu'il serait étrange qu'il eût brûlé un aussi bel édifice qu'était leur église, où il avait si souvent invoqué le nom de Dieu; que, s'il se croyait innocent, il devait plutôt s'enfuir, suivant le précepte de Jésus-Christ,

1 August., lib. II Retract., cap. LIX et lib. III cont. Gaudent.

que de se brûler. Gaudence ayant reçu cette lettre, y répondit à l'heure même, mais en peu de mots, de peur, disait-il, de retarder ceux qui devaient porter sa réponse. Il y déclarait que pour lui il était résolu, si on lui faisait violence, de finir sa vie par le feu avec son église; mais que pour les autres, il ne pensait nullement à les contraindre à un semblable genre de mort; qu'au contraire, il avait exhorté tous ceux qui en auraient de l'éloignement à le dire publiquement sans craindre, et à l'éviter. Le lendemain il écrivit une seconde lettre à Dulcitius, mais plus longue, où pour justifier sa fureur par l'autorité des Écritures, il alléguait, entre autres, l'exemple de Razias, dont la mort est rapportée dans le second livre des Macchabées. Le tribun envoya ces deux lettres à saint Augustin, le priant d'y répondre lui-même. Ce saint s'en excusa d'abord par une lettre où il se dit accablé d'occupations, ajoutant qu'il avait déjà réfuté les vains discours des donatistes dans plusieurs autres ouvrages. Toutefois il lui promet sur la fin de sa lettre, de réfuter les deux de Gaudence à son premier loisir.

2. Il fit pour cela un livre dont il parle luimême dans ses Rétractations. Il met d'abord le texte de Gaudence, et ensuite sa réponse, afin que les moins intelligents ne pussent douter qu'il n'eût répondu à tout. Il avait suivi la même méthode en répondant à Pétilien, et avait mis à chaque article: Pétilien a dit; et ensuite: Augustin a répondu. Mais Pétilien l'avait accusé de mensonge, soutenant qu'il n'avait jamais disputé avec lui de vive voix. Afin donc que Gaudence ne lui fit pas un semblable reproche, il met Paroles de la lettre; et ensuite, Réponse. Comme Gaudence n'avait rien dit de nouveau en faveur de son parti, saint Augustin lui répond aussi à peu près de la même manière qu'aux autres donatistes. Il fait voir à l'occasion de Gabinus, qui était passé du parti de Donat à l'Église catholique, que l'on ne doit point rebaptiser les hérétiques qui reviennent à l'unité, et qu'ils n'ont besoin que d'être purifiés par la charité de l'unité de l'Église; que les lois des empereurs qui tendent à empêcher le désordre, ne sont point contraires à la liberté; que pour souffrir avec quelque mérite les persécutions de la part des hommes, il faut les souffrir pour la justice; que l'on peut user d'une espèce de contrainte pour engager les hommes à faire

Analyse u premier livre, pag. 635.

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