Obrazy na stronie
PDF
ePub

1.

entendre à Alypius ce qui m'était arrivé. » Alypius désira de voir le passage, en fit remarquer la suite à saint Augustin, qui n'y Tom., xiv, avait point pris garde: Assistez celui qui est faible dans la foi, et s'appliqua à lui-même ces paroles. Ils rentrèrent dans la maison, et vinrent dire à sainte Monique de quelle manière tout s'était passé, sachant bien que rien ne pouvait lui faire plus de plaisir. En même temps Augustin résolut de renoncer au mariage et à toutes les espérances du siècle, et de commencer par abandonner son école de rhétorique. Il voulut néanmoins le faire sans éclat; et comme il ne restait que trois semaines environ jusqu'aux vacances que l'on donnait pour les vendanges, il remit à ce temps-là à se déclarer. Sa conversion arriva donc dans le mois d'août ou de septembre de l'année 386.

II se retire à la campagne. Ses occupations.

12. Le jour des vacances arrivé, il se retira en un lieu nommé Cassiaque ou Cassiciaque, dans la maison d'un ami nommé Vérécundus, citoyen de Milan, et professeur de grammaire. Il y fut suivi de sa mère, de son frère Navigius, de son fils Adéodat, d'Alypius, de Nébridius, et de deux jeunes hommes, ses disciples, Trygétius et Licentius, dont le dernier était fils de Romanien. Pendant cette retraite, saint Augustin composa divers ouvrages le premier, contre les Académiciens; le second, de la Vie heureuse; le troisième, de l'Ordre, et le quatrième, les Soliloques. On y voit de quelle manière ils vivaient ensemble dans cette campagne. Quoique sainte Monique fût chargée des soins du ménage, saint Augustin ne laissait pas d'entrer dans quelques détails des affaires domestiques, et il était quelquefois occupé des journées entières ou à écrire des lettres, ou à régler des affaires. Il ne se levait pas ordinairement avant le jour; mais il s'était accoutumé depuis longtemps à veiller près de la moitié de la nuit, pour méditer sur les difficultés qu'il rencontrait. Après s'être levé, il rendait à Dieu ses vœux ordinaires, et répandait tous les jours devant lui les humbles plain

1 Lib. IX Confess., cap. III, num. 5. 2 Lib. Il Acad., cap. v, num. 13.

3 Lib. I Acad., cap. v, num. 15, et lib. II, cap. IV, num. 10. Ibid., lib. II, cap. xt, num. 25, et lib. III, cap. II, num. 2.

[blocks in formation]

tes de son ignorance et de sa misère". De là il allait se promener à la campagne avec ceux de sa compagnie . Mais lorsqu'il faisait mauvais, ils allaient s'entretenir dans des bains qui étaient assez beaux. Il ne prenait de nourriture dans ses repas qu'autant qu'il en fallait pour apaiser la faim 10, sans rien diminuer de la liberté de l'esprit, et ne se couchait qu'après avoir prié Dieu". Mais il était quelquefois longtemps à méditer et à s'entretenir avec lui-même. Trygétius et Licentius couchaient dans la même chambre que lui. Comme il avait pour eux une extrême affection, il prenait un très-grand soin 12 de former leurs mœurs et de les instruire dans les belles-lettres. Il y réussit si bien, que ceux qui les avaient connus auparavant, avaient peine à concevoir 13 qu'ils fussent devenus si ardents à approfondir les vérités les plus relevées, et qu'étant si peu avancés en âge, ils eussent ainsi déclaré la guerre aux voluptés. Depuis que saint Augustin eut commencé à se donner à Dieu, la lecture des psaumes le touchait sensiblement ", et il séchait de douleur en pensant aux écrits que les manichéens opposaient à ces divins cantiques. Ce fut dans le même temps 15 qu'il comprit combien le parjure est dangereux, et qu'il entreprit de se défaire de la mauvaise coutume qu'il avait prise de jurer. « J'ai combattu 16, dit-il, cette habitude, et non-seulement je l'ai combattue, mais j'ai prié le Seigneur de m'aider à la surmonter. Il m'a accordé son secours, et présentement rien ne m'est plus facile que de ne pas jurer; car, en combattant un vice, on le lie pour ainsi dire, et on le resserre : en le liant, on le rend languissant la langueur le fait enfin mourir et l'on acquiert une bonne habitude, en se corrigeant d'une mauvaise.» Ce fut aussi dans sa retraite qu'il éprouva le secours de Dieu dans un mal de dents si violent 18, que jamais il n'avait ressenti de si vives douleurs. Quand le mal fut arrivé à un tel excès qu'il ne pouvait plus parler, il lui vint en esprit d'avertir ses amis qui étaient présents de prier Dieu pour lui. 10 Lib. II Acad., cap. vi, num. 14. 11 August., Epist. 3, pag. 6.-12 August., lib. I de Ordin., cap. x, num. 29, et cap. VIII, num. 24.

[ocr errors]

13 Lib. Il de Ordin., cap. x, num. 29.

1 Lib. IX Confess., cap. IV.

15 August., Serm. 180, cap. Ix, num. 10.

16 Serm. 307, cap. IV, num. 5.

17

17 Serm 180, num. 10. 18 Lib. IX Confess. cap. IV, num. 12.

Il reçoit

à Milan, en

387.

Pour leur faire entendre sa pensée, il l'écrivit sur des tablettes qu'il leur donna à lire : et aussitôt qu'ils se furent mis à genoux, la douleur s'évanouit. Cet effet si miraculeux grava profondément dans le cœur de saint Augustin le pouvoir de la volonté de Dieu, et sa foi lui en donnant de la joie, il loua le saint nom du Seigneur. Mais cette foi ne lui permettait pas d'être sans inquiétude dans le souvenir de ses péchés qui ne lui avaient pas encore été remis par le saint baptême.

2

1

13. Le temps étant donc venu pour se mettre au nombre des compétents et se préparer à recevoir ce sacrement, il quitta la campagne et revint à Milan avec Alypius et son fils Adéodat, qui voulaient participer à la même grâce. C'était au commencement du carême de l'an 387. Il nous apprend luimême dans quelle disposition il était alors, dans un ouvrage qu'il composa longtemps après, et où il parle de lui et des autres en ces termes : «Faisons-nous si peu d'attention sur nous-mêmes, que nous ne nous souvenions pas avec quelle application, quel soin et quel respect nous écoutions les instructions de ceux qui nous enseignaient les principes de la religion, lorsque nous demandions à être admis au baptême, et que pour cette raison, on nous appelait compétents. >> Il reçut ce sacrement des mains de saint Ambroise, la veille de Pâques, qui, cette année 387, se rencontra le septième des calendes de mai, c'est-à-dire le 25 d'avril. Aussitôt * qu'il eut été baptisé, l'inquiétude que lui donnait le souvenir de sa vie passée s'évanouit, et il ne pouvait en ces premiers jours se rassasier de la consolation singulière qu'il recevait, en considérant quelle est la profondeur des conseils de Dieu en ce qui regarde le salut des hommes. Il renonça plus que jamais à tout ce qu'il eût pu espérer dans le siècle, et se résolut à ne servir, lui et les siens, que Dieu seul.

14. Ayant examiné en quel lieu il pourrait exécuter plus aisément son dessein, ils se résolurent, lui et les siens, de retourner en Afrique avec un jeune homme nommé Evodius, qui était aussi de Tagaste. Arrivés à Ostie, ils s'y reposèrent du long chemin.

6

[blocks in formation]

8

qu'ils avaient fait depuis Milan, et se préparaient à s'embarquer. Un jour, étant appuyé sur une fenêtre avec sa mère qui regardait le jardin de la maison où ils logeaient, ils s'entretinrent ensemble avec une extrême consolation sur la félicité éternelle, oubliant tout le passé pour ne s'occuper que des biens à venir. Alors sainte Monique lui dit : «Mon fils, pour ce qui me regarde, je n'ai plus aucun plaisir en cette vie. Je ne sais ce que je fais encore ici, ni pourquoi j'y suis. La seule chose qui me faisait souhaiter d'y demeurer, était de vous voir chrétien catholique avant de mourir. Dieu m'a donné plus: je vous vois consacré à son service, ayant méprisé la félicité temporelle. » Au bout de cinq jours elle tomba malade de la fièvre, et mourut au bout de neuf. Saint Augustin lui ferma les yeux et se sentit en même temps frappé d'une douleur qui voulait se répandre au dehors par des ruisseaux de larmes : mais il les retenait avec une extrême violence. On porta le corps, et on offrit pour défunte le sacrifice de notre rédemption. On fit encore des prières auprès du sépulcre, suivant la coutume, en présence du corps, avant de l'enterrer. Saint Augustin, écrivant dans la suite toutes les circonstances de cette mort, priait les lecteurs de se souvenir au saint autel de son père Patrice et de Monique, sa mère. Elle avait elle-même demandé cette grâce un moment avant sa mort, en disant à son fils 10 et à Navigius : << Mettez ce corps où il vous plaira, et ne vous en inquiétez point: je vous prie seulement de vous souvenir de moi à l'autel du Seigneur, quelque part que vous soyez. >> Saint Augustin était alors dans la trente-troisième année de son âge 11: ainsi il faut mettre la mort de sa mère vers le commencement du mois de novembre de l'an 387.

la

15. Soit que la saison fùt trop avancée, soit qu'il n'ait plus trouvé d'occasion favorable pour s'embarquer, soit enfin qu'il appréhendât les troubles qu'avait causés en Afrique l'invasion de Maxime, saint Augustin ne partit d'Italie qu'après la mort de ce prince, c'est-à-dire au mois d'août ou de septembre de l'an 388. Il passa tout ce temps à Rome, comme il nous en assure lui-même, et l'em

[blocks in formation]
[blocks in formation]

2

ploya1 à composer divers livres, savoir celui des Mœurs de l'Eglise catholique, et celui des Mœurs des manichéens ; celui de la Grandeur de l'âme, et les trois du Libre arbitre. Il aborda à Carthage et s'y arrêta quelque temps avec Alypius, logeant chez un nommé Innocent, qui avait exercé la charge d'avocat au siége du vicaire de la Préfecture. Les chirurgiens traitaient alors Innocent de certaines fistules qu'il avait en grand nombre en la partie où viennent les hémorrhoïdes. Ils Ꭹ avaient déjà appliqué le fer, et prétendaient le guérir par des remèdes extérieurs. Mais il était demeuré une fistule qu'ils n'avaient point aperçue d'abord; en sorte qu'ayant manqué à l'ouvrir, les autres étant guéries, celle-là demeurait toujours. Après bien du temps, on fut d'avis qu'il fallait en venir à une seconde incision.

Le malade la craignait comme une mort certaine, et toute la maison était dans une extrême affliction. « Dans cette extrémité, nous nous disposâmes à prier, dit saint Augustin, nous nous mîmes à genoux, et nous nous prosternâmes en terre, comme c'est la coutume; Innocent s'y jeta lui-même avec tant d'impétuosité, qu'il semblait que quelqu'un l'eût poussé rudement. Il commença à prier mais qui pourrait exprimer de quelle manière, avec quelle ardeur, quel transport, quel torrent de larmes, quels gémissements et quels sanglots? Tous ses membres en étaient agités, et il pouvait à peine respirer. Je ne sais si les autres priaient, et si ce spectacle ne les en détournait point. Pour moi, je ne le pouvais faire, et je disais seulement en moi-même: Seigneur, quelles prières de vos serviteurs exaucerez-vous, si vous n'exaucez celles-ci? car il me semblait qu'il ne s'y pouvait rien ajouter, sinon d'expirer en priant. Nous nous levâmes donc; et après avoir reçu la bénédiction de l'évêque qui était présent, nous nous retirâmes. Le lendemain les médecins revinrent: on mit le malade sur son lit, on ôta les bandages, on découvrit l'endroit, et le chirurgien, tenant le rasoir, regardait, cherchant de l'œil et de la main la fistule qu'il devait ouvrir. Mais, après avoir bien regardé et bien cherché, il trouva une cicatrice

1 Lib. I Retract., cap. vII, num. 1, cap. VIII, num. 1, et cap. IX, num. 1.

2 August., lib. XXII de Civit., cap. VIII, num. 3. 3 Possid., in Vita, cap. III, et lib. IX Confess., cap. v, num. 13.

très-ferme et le mal entièrement guéri. »

3

De Carthage, saint Augustin passa à Tagaste, et se retira avec ses amis dans les terres qu'il avait près de cette ville. Il y demeura environ trois ans, dégagé de tous les soins du siècle, ne vivant que pour Dieu, s'y exerçant au jeûne, à la prière et aux bonnes œuvres, méditant nuit et jour la loi du Seigneur, et instruisant les autres par ses discours et ses écrits. Il vendit même ses terres et en distribua l'argent aux pauvres, ne se réservant rien du tout, afin de servir Dieu dans une entière liberté. On voit par les ouvrages qu'il composa dans cette retraite, soit pour expliquer l'Écriture sainte, soit pour défendre la doctrine de l'Église, qu'il y étudiait avec grand soin, non-seulement les Livres saints, mais encore les écrits des auteurs ecclésiastiques qui, avant lui, avaient traité les matières dont il souhaitait de s'instruire. Il y pratiquait aussi avec ses amis tous les exercices de la vie religieuse.

5

en 3

16. Tandis qu'il s'occupait ainsi, et qu'il fait ne songeait qu'à vivre inconnu et dans la d'ip dernière place, le Seigneur l'engagea dans le ministère ecclésiastique, pour lequel il avait tant d'éloignement . Voici quelle en fut l'occasion: un agent de l'empereur à Hippone, ville maritime du voisinage de Tagaste, homme vraiment chrétien et craignant Dieu, ayant été informé de sa vertu et de son savoir, souhaita fort de le voir et d'entendre la parole de Dieu de sa bouche. Il assurait même que les instructions qu'il recevrait de lui pourraient le faire renoncer à toutes les vanités et à toutes les prétentions du siècle. Saint Augustin, espérant de le gagner à Dieu et de l'engager même à venir demeurer avec lui dans sa retraite, vint à Hippone, eut plusieurs entretiens avec lui, et le pressa extrêmement d'accomplir ce qu'il avait promis à Dieu. Mais il ne put lui persuader de l'exécuter alors. Valère gouvernait en ce temps-là l'Église d'Hippone ". C'était un homme de piété et plein de la crainte de Dieu, mais Grec de naissance, de sorte qu'il avait peine de s'énoncer en latin. Se voyant donc par là moins utile à son Église, il demandait souvent à Dieu de

[blocks in formation]

3

lui donner un homme capable d'édifier son peuple par sa parole et par sa doctrine. Un jour qu'il parlait aussi à son peuple du besoin qu'il avait d'ordonner un prêtre pour son Église, le peuple qui connaissait la vertu et la doctrine de saint Augustin, et qui l'aimait1, ayant appris comment il avait abandonné son bien pour se consacrer à Dieu, se saisit de lui au milieu de l'église où il était venu sans se douter de rien, et le présenta, selon la coutume, à l'évêque, le priant tous unanimement et avec beaucoup d'empressement de l'ordonner prêtre. Saint Augustin fondait en larmes dans la vue des dangers et des traverses auxquels le gouvernement d'une Église allait l'exposer. Quelques-uns de ceux qui s'aperçurent de ses larmes, et qui n'en pénétraient point la cause, lui disaient pour le consoler, comme s'il eût été affligé de n'être que prêtre : « Il est vrai que vous méritez une plus grande place, mais la prêtrise approche de l'épiscopat. » Le désir du peuple fut accompli, et saint Augustin ordonné prêtre malgré sa résistance, vers le commencement de l'an 391. Il reconnaît dans une de ses lettres que l'Église d'Hippone avait eu le droit de l'arrêter et de le faire prêtre, parce que celle de Tagaste où il était né, ne l'avait point chargé du ministère ecclésiastique. Il est vrai que, dans un concile de Carthage en 349, il fut ordonné que l'on pourrait imposer les mains à un laïque d'un autre diocèse, sans l'aveu de son évêque; mais ce canon ne fut pas si tôt observé; et dans les autres conciles, on s'était contenté de défendre d'ordonner ceux qui étaient déjà clercs dans quelque Église.

[blocks in formation]

prêtres. Mais Valère fit très-souvent prêcher saint Augustin en sa présence, ne craignant point de passer par-dessus cette pratique, que saint Jérôme appelle une très-méchante coutume, parce qu'elle donnait motif de croire que les évêques portaient envie à la réputation de leurs prêtres, ou qu'ils dédaignaient de les écouter et d'apprendre quelque chose d'eux. Quelques évêques en murmurèrent mais ce sage et vénérable vieillard, qui savait qu'il était ordinaire, dans les Églises d'Orient, de voir les prêtres prêcher en présence des évêques, crut devoir se mettre moins en peine de ces murmures, que du service qu'il rendait à son Eglise, en lui donnant par un prêtre les instructions qu'il ne se voyait pas en état de lui faire par lui-même. Bientôt d'autres évêques 10 suivirent l'exemple de Valère, et chargèrent les prêtres d'annoncer aux peuples la parole du Seigneur.

12

Il établit un monas

tère à flip

17. Saint Augustin, depuis son ordination, conserva l'amour de la retraite et se résolut de vivre à Hippone dans un monastère, pone. comme il avait fait auprès de Tagaste. Valère ", le voyant dans cette disposition, lui donna un jardin de l'église, où il rassembla diverses personnes qui avaient, comme lui, le désir de se donner entièrement à Dieu. Il y menait avec eux la même vie 1 que les premiers chrétiens à Jérusalem du temps des Apôtres. Ceux d'entre eux qui avaient du bien le vendaient et en distribuaient le prix aux pauvres 13, ne se réservant d'autre fonds que Dieu même. On met au nombre de ses disciples, Alypius, Evodius, Possidius, et plusieurs autres qui furent depuis tirés de ce monastère pour être élevés à l'épiscopat. Saint Augustin y recevait aussi des enfants 1, des esclaves 15 et de simples catéchumènes. La continence était observée de tous 16. Il fit pour les vierges la même chose qu'il avait faite pour les hommes, et établit pour elles un monastère à Hippone, dont sa sœur fut supérieure ", et qu'elle gouverna longtemps et jusqu'à sa mort, servant Dieu dans une sainte viduité. Les filles 18 de son frère et

[blocks in formation]
[ocr errors]

12 Possid., in

1 August., lib. XII de Gen. ad litt., cap. XVII, num. 37. 15 Lib. de Oper. monach., cap. XXI, num. 35.

16 August., de Grat. et lib. arbit., cap. VII.
17 Possid., in Vita, cap. XXVI.
18 Ibid.

Aurèle de

sujet des a apes.

de son oncle y étaient aussi. C'est aux reli

gieuses de ce monastère qu'il adressa sa deux cent onzième lettre.

Il écrit à 18. Aurèle, qui n'était que diacre de CarCarthage au thage lorsque saint Augustin revint d'Italie en 388, en fut fait évêque après la mort de Généthlius, vers l'an 392. Aussitôt après son ordination, il en écrivit 1 à saint Augustin, avec qui il était depuis longtemps lié d'amitié il se recommandait à ses prières, et se réjouissait de ce qu'Alypius demeurait avec lui. Saint Augustin, ravi de cette lettre, parce qu'il y voyait les marques d'une affection. véritablement sincère et cordiale, fut néanmoins longtemps sans savoir comment y répondre. Enfin, s'abandonnant à l'esprit de Dieu, dans l'espérance qu'il le rendrait capable de répondre à cet évêque ce qui convenait, il l'assura d'abord des prières que lui et ses frères offraient à Dieu, afin qu'il fit sentir à son Église, par son ministère, les effets de sa miséricorde. Il l'exhorta ensuite à réformer l'abus de certains festins qui se faisaient en Afrique dans les cimetières et sur les tombeaux des martyrs, sous prétexte de religion. « Quand ce désordre, lui disaitil, régnerait par toute la terre, aussitôt que l'Afrique commencerait à l'abolir, son exemple mériterait d'être suivi de tous les autres pays. Mais puisqu'on ne le voit ni dans la meilleure partie de l'Italie, ni dans la plupart des Églises d'outre-mer, dans les unes parce qu'il n'y a jamais eu de lieu, et dans les autres parce que de saints évêques l'ont ou étouffé dès sa naissance, ou arraché des lieux où il était le plus enraciné, hésitons-nous encore sur les moyens de corriger cet abus? »> Il parlait aussi dans cette lettre sur la vanité et le désir des louanges, moins pour l'instruction d'Aurèle, que pour s'encourager lui-même à combattre cet ennemi, dont on ne connaît la force que quand on lui a déclaré la guerre. « Je lui résiste, dit-il, autant que je puis, et toutefois, il me fait souvent des plaies, ne pouvant m'empêcher de ressentir de la joie dans les louanges que l'on me donne. » On ne sait point si ce saint évêque fut assez heureux pour arrêter les débauches qui se commettaient dans les cimetières des martyrs à Carthage; mais saint Augustin nous apprend dans une lettre qu'il écrivit, n'étant encore que prêtre, par conséquent en 395 au plus tard, que cette an

1 Apud August., Epist. 22, num. 4.

née-là même cet abus fut aboli à Hippone2. Cet événement eut lieu un mercredi, second jour de mai, veille de la fête de l'Ascension. Comme on avait lu ce jour-là l'endroit de l'Évangile où il est dit: Ne donnez point le Saint aux chiens, il s'en servit pour montrer combien il était honteux de commettre dans l'église des excès pour lesquels ceux qui s'en étaient rendus coupables dans l'intérieur de leur maison, méritaient d'être privés de la communion des saints mystères. Son discours fut applaudi, mais comme il y avait eu peu de monde, il reprit la même matière le lendemain. Il accompagna son discours des marques de la plus vive douleur, et, mêlant ses larmes aux menaces, aux reproches et aux prières, il vint à bout d'abolir cette mauvaise coutume. Saint Augustin ne fit en cela que se conformer à la disposition du concile d'Hippone qui, en 393, avait ordonné par son canon 31°, que l'on détournerait le peuple de ces sortes de festins, autant qu'il serait possible. Quelques-uns disaient : Pourquoi abolir maintenant cette coutume? à quoi saint Augustin répondait : «< Abolissons du moins à présent ce que l'on aurait dù abolir il y a si longtemps. » Néanmoins, de peur qu'il ne semblât accuser ceux qui l'avaient soufferte, il fit entendre au peuple qu'on avait eu des raisons d'user de cette condescendance; que ces raisons étaient, vraisemblablement, qu'après la paix rendue à l'Église, les païens qui se convertissaient en foule, ayant peine à renoncer aux festins qu'ils faisaient aux jours de fêtes en l'honneur de leurs idoles, on avait eu égard à leur faiblesse, et on leur avait permis de célébrer les fêtes des martyrs par des festins, en attendant qu'ils fussent capables des joies purement spirituelles. On lui objectait encore l'exemple de l'église de saint Pierre à Rome, où ces festins se célébraient tous les jours. Saint Augustin répondit qu'il savait qu'on les avait souvent défendus, et que ce qui avait empêché qu'on ne vint à bout d'arrêter un si grand désordre, c'est que le lieu où il se commettait était fort éloigné du logement de l'évêque; que, dans une si grande ville, il y avait une quantité d'hommes charnels, et que le nombre en augmentait par cette foule d'étrangers qui abordaient sans cesse à Rome, et qui s'attachaient d'autant plus opiniâtrement à cette malheureuse coutume,

2 August., Epist. 29, num. 2 et seq.

« PoprzedniaDalej »