nées, & à flatter encore fon amour propre par un aveu plaintif de fa foibleffe. Mais malgré ce ton de compaffion, il fait toujous mêler dans fon difcours les expreffions du ton avantageux. A l'abri, eft vain & orgueilleux dans la bouche du Chêne. Du feuillage dont je couvre le voifinage. De mon feuillage, eût été trop fuccinct & trop fimple; mais dont je couvre, cela étend l'idée & fait image. Le voifinage, terme jufte, mais qui n'eft pas fans enflure. Je vous défendrois de l'orage. Je.... qu'il y a de plaisir à se donner foi-même pour quelqu'un qui protege ! Mais vous naiffez le plus fouvent Sur les humides bords des royaumes du vent. haute poéfie ce qui ne méfied pas dans la bouche du Chêne. La Nature envers vous me semble bien injufte. C'eft la conclufion, que le Chêne prononça, fans doute en appuyant, & avec une pitié défobligeante, quoique réelle & véritable. On attend avec impatience la réponse du Rofeau. Si on pouvoir la lui infpirer, on ne manqueroit point de l'affaifonner, La Fontaine qui a fu faire naître l'intérêt, ne fera point embarraffé pour le fatisfaire. La réponse du Rofeau fera polie, mais féche : & on n'en fera point furpris. Votre compaffion, lui répondit l'Arbufte, C'eft précisément une contre vérité. Lé Rofeau n'a pas voulu lui dire qu'elle partoit de l'orgueil; mais feulement il lui fait fentir qu'il en avoit examiné & vu le principe: c'étoit au Chêne à comprendre ce difcours. Tout ce qui fuit eft fec, & même menaçant. Mais quittez ce fouci, Les vents me font moins qu'à vous redoutables, Je plie & ne romps pas. Vous avez jusqu'ici Contre leurs coups épouvantables Réfifté fans courber le dos; Mais attendons la fin. Le propos n'eft pas long, mais il eft énergique. Les acteurs n'ont plus rien à fe dire c'eft au Poëte à achever le récit. Il prend alors le ton de la matiere. Il peint um orage furieux: Comme il difoit ces mots, Du bout de l'horifon accourt'avec furie Le plus terrible des enfans Que le Nord eût porté jusque-là dans fes flancs. Le vent part de l'extrêmité de l'horifon : fa rapidité s'augmente dans fa courfe : il y a image. Au lieu de dire un vent de Nord, on le perfonnifie, & la périphrase donne de la nobleffe à l'idée, & de l'efpace pour placer l'harmonie. L'arbre tient bon: le Rofeau plie. Voilà nos deux acteurs en fituation pa rallele. Le vent redouble fes efforts, Et fait fi bien, qu'il déracine Celui de qui la tête au ciel étoit voisine, Et dont les pieds touchoient à l'empire des morts. Ces vers font beaux, nobles; l'antithefe & l'hyperbole qui regnent dans les deux derniers les rendent fublimes. Le Poëte, comme on le voit, a fuivi les idées que le fujet préfente naturelle-ment. C'est ce qui fait la vérité de fon récit. Mais il a fu revêtir ce fonds de tous lés ornemens qui pouvoient lui convenir. C'eft ce qui en fait la beauté. Ses penfées, fes expreffions, fes tours, forment un accord parfait avec le fujet. Toutes les parties en font affòrties & liées, audedans par la fuite & l'ordre des pensées, au-dehors par la forme du ftyle, & nous préfentent par ce moyen un tableau de l'art où tout eft grace & vérité. Joignez à cela le fentiment qui regne par-tout, qui anime tout d'un bout à l'autre : cette piece a tout ce qu'on peut défirer pour être parfaite. Les Animaux malades de la Pefte. Un mal qui répand la terreur, Mal que le Ciel en fa fureur Ils ne mouroient pas tous; mais tous étoient frappés A chercher le foutien d'une mourante vie; Ni Loups ni Renards n'épioient Plus d'amour, partant plus de joie. Se facrifie aux traits du céleste courroux: Ne nous flattons donc point, voyons fans indulgence Pour moi fatisfaifant mes appétits gloutons, Que m'avoient-ils fait ? nulle offense: Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi: Et quant au berger, l'on peut dire Du Tigre ni de l'Ours, ni des autres puiffances Tous les gens querelleurs, jufqu'aux fimples Mâtins, La faim, l'occafion, l'herbe tendre, & je penfe Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Un Loup quelque peu clerc prouva par fa harangue Ce pelé, ce galeux, d'où venoit tout le mal, |