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res, ou dans la même efpece, & feulement par la différence des degrés : ainfi Ajax, Diomede, Achille, Hector, ont tous la valeur, mais ils ont des degrés différens; ou par l'addition d'une autre qualité qui, fans être dominante, altere l'efpece ainfi Ajax eft plus dur, Diomede plus brave, Achille plus violent, Hector plus humain, & cependant leur qualité dominante à tous, eft la valeur. Priam & Neftor font fages & prudens, mais le premier eft timide, tremblant; l'autre eft plus ferme. Enfin les mœurs font oppofées par la différence même de l'efpece. Mition donne tout; Demée refufe tout. L'un des deux caracteres tranche l'autre nettement. Ceux-ci font les moins difficiles à marquer. Ils ont d'a bord le brillant de l'antithefe; mais bientôt, comme elle, ils ont le fort des choses trop éclatantes ; ils touchent moins que les autres; parce que l'art y paroît trop, & que l'efprit connoiffant un côté, voit déja ce qu'il va y avoir dans l'autre.

CHAPITRE XV.

De la Forme de l'Epopée.

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Our ce que nous avons à dire fur cet article, fe réduit à l'explication des deux premiers termes de notre définition: l'Epopée 'eft un Récit poëtique.

Nous avons dit ailleurs (a) ce que c'eft que récit c'eft l'expofition claire d'une chofe arrivée. Ses qualités effentielles font, la briéveté, la clarté, la vraisemblance. Ses ornemens font dans les penfées, dans les expreffions, dans les tours, dans les allufions, les allégories, & dans les autres chofes qui font contenues principalement dans le terme poëtique, que nous allons développer dans un moment.

J'ajouterai ici que le récit épique par court les tems, les lieux, comme il lui plaît, qu'il peint, à fon gré, les objets de toute efpece, qu'ils foient horribles, hideux, dégoûtans même, il ne peint qu'à l'efprit & non aux yeux, qui, en ce genre, font plus délicats que l'efprit. Il emploie avec fuccès non-feulement le vrai, le vraisemblable, le poffible, (a) Ci-deffus, pag. 3 & fuiv.

mais l'impoffible même, qu'il présente d'une façon vague, & comme dans un nuage pour dérober à l'efprit la contradiction des idées: Segniùs irritant animos quæ funt demiffa per aurem. Horat. Art. Poët. (a)

Avant que le récit de l'Epopée commence, il y a ce qu'on appelle la Propofition du fujet, & enfuite l'Invocation.

La nature & le bon fens exigent que tout auteur entrant en matiere, propose ce dont il s'agit: ainfi Homere a dit: Je chante la colere du fils de Pelée : Virgile Je chante les combats & ce héros, &c. & Defpréaux:

Je chante les combats, & ce Prélat terrible, Qui par fes longs travaux, & fa force invincible, Dans une illuftre églife exerçant fon grand coeur Fit à la fin placer un Lutrin dans le choeur.

Nous avons dit ci-deffus ci-deffus, quelle étoit la raison & l'effet de la propofition c'eft elle proprement qui réduit l'action à l'unité.

Après la propofition, le Poëte invoque une divinité, de laquelle il obtient la révélation des caufes furnaturelles de l'événement qu'il va raconter. Il ne peut

(a) Voyez Arift. Poët. 24,

point favoir humainement ce qui s'eft paffé dans le ciel, à propos de l'établiffement d'Enée en Italie. Il prie donc quelque Mufe de l'en inftruire : Muse racontez-moi les caufes. Mufa, mihi caufas memora. Et Defpréaux :

Mufe, redis-moi donc quelle ardeur de vengeance
De ces hommes facrés rompit l'intelligence,
Et troubla fi long-tems deux célebres rivaux.
Tant de fiel entre-t-il dans l'ame des dévots!

Le Poëte fe fuppofant exaucé, commence d'un ton foutenu & prefque prophétique. On fent que c'eft un dieu qui parle «A peine ils fortoient des ports » de Sicile, les voiles s'enfloient au gré » des vents, l'onde écumoit fous le tran>> chant de l'aviron; quand Junon....>> Defpréaux entre en matiere avec la même fierté, quoique dans un fujet badin:

Parmi les doux plaifirs d'une paix fraternelle,
Paris voyoit fleurir fon antique Chapelle,
Ses chanoines vermeils & brillans de fanté,
S'engraiffoient d'une longue & fainte oifiveté.
Sans fortir de leurs lits plus doux que leurs hermines,
Ces pieux fainéans faifoient chanter matines,
Veilloient à bien dîner, & laiffoient en leur lieu,
A des chantres gagés le foin de louer Dieu;
Quand la Difcorde, &c.

La propofition doit être fimple, claire, fans apprêt, fans orgueil. C'eft le précepte d'Horace & de Defpréaux :

N'allez point dès l'abord fur Pégase monté, Crier à vos lecteurs d'une voix de tonnerre : Je chante le Vainqueur des vainqueurs de la terre. Que produira l'Auteur après tous ces grands cris La Montagne en travail enfante une fouris. L'Invocation peut être d'un ftyle trèsélevé c'eft une priere à un Dieu. On peut par conféquent y mettre beaucoup de chaleur, de force & de dignité : elle eft de foi lyrique.

Venons maintenant à la fignification du mot Poëtique. Qu'est-ce qu'un récit qui eft poëtique ?

Il y a des chofes qu'on ne connoît jamais fi bien que par leurs contraires. Qu'est-ce qu'un récit hiftorique ? C'eft un expofé fidelle de la vérité, fait en prose, c'est-à-dire, dans le ftyle le plus naturel & le plus uni. Le récit poëtique eft tout le contraire. C'eft l'expofé de menfonges & de fictions, fait en langage artificiel c'est-à-dire, avec tout l'appareil de l'art & de la féduction. Ainfi de même que dans l'Hiftoire les chofes font vraies, l'ordre naturel, le ftyle franc & ingénu, les expreffions fans art & fans apprêt, du moins apparent; il y a au contraire dans le récit poëtique artifice pour les chofes, artifice pour la narration, artifice pour le style, & pour les vers.

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