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ros qui par mille travaux s'établit en Italie; toutes les traverses qu'effuie ce héros pour cet établiffement font du fujet du Poëte.

Il n'y a au monde aucune matiere abfolument ifolée, aucune action qui ne tienne à la maffe totale des caufes & des : actions humaines : le monde moral eft comme le monde phyfique, tout d'une feule piece. Ce qu'on en peut extraire n'eft donc que partie. Pour faire de cette partie un tout; pour la terminer en tout fens, il faut la féparer de tout ce qui eft attenant, trancher toutes les liaifons c'est ce qui fe fait par la propofition. L'auteur dit: Je vais raconter la colere d'Achille là commence l'ac<tion. Quand cette colere fera chantée, le Poëme fera fini. Si Homere eût voulu chanter la prife de Troie, il le pouvoit fans perdre le mérite de l'unité. Il n'y auroit pas eu plus d'événemens dans fon Poëme qu'il n'y en a dans fon Iliade. S'il ne l'a point choifie, c'eft fans doute -parce que la prife d'une ville eft moins intéreffante pour l'humanité, qu'une paffion humaine; ou que ce tout, quoique un, auroit paru trop grand pour être embraffé d'une feule vue. Cette derniere raifon qui eft d'Ariftote, eft entié

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rement contre Virgile; puisqu'à proprement parler, l'action d'Enée est la conquête de l'Italie, l'établissement d'un peuple dans une terre étrangere

L'unité dépend donc de l'intention exprimée par la propofition que fait le Poëte en commençant; & c'eft pour cela qu'elle eft effentielle dans tout Poëme, & qu'elle ne l'eft point dans un Roman.

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Mais, dira-t-on, fi la propofition fuffit pour donner l'unité à un fujet, qui diroit en commençant: Je chante les actions du peuple Romain, auroit donc unité de fujet? Oui fans doute; mais ce n'eft pas feulement l'unité du fujet, c'eft l'unité d'action que nous demandons. Un fujet peut être un, & contenir mille actions cela eft évident par l'exemple qu'on objecte. Mais nous parlons ici de fujet poëtique. On convient que ce doit être une action unique, & nous difons que cette unité eft fixée & déterminée par l'unité de point de vue. oq oler

L'unité d'action n'empêche point l'ufage des Episodes, pourvu qu'il foit for bre & adroit..

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CHAPITRE IV.

Des Epifodes.

N entend en général par Episodes, certaines petites actions fubordonnées à l'action principale, & qui femblent jouer autour d'elle, pour délaffer le lecteur par une variété étrangere à celle du fujet même. Car tout lecteur aime à changer d'objet, au moins pour un moment. Telle eft l'aventure de Cacus racontée par Evandre, celle d'Acheménide, celle de Nise & d'Euriale. Ces morceaux pourroient être détachés que l'Enéïde n'en feroit pas moins un Poëme épique.

Le terme d'Episode dans fon origine, fignifioit les récits dont on entrelaçoit les chants lyriques faits en l'honneur des dieux. Ces récits étoient d'abord tirés de l'hiftoire de la divinité mê-. , me qu'on célébroit. Enfuite on les tira. : indifféremment de toutes les autres fables, avec une telle liberté, qu'ils n'avoient fouvent nul rapport les uns avec les autres. Bientôt on s'avifa de les lier ensemble, de maniere que les différentes parties étant réunies, ils faifoient up

corps de récit fuivi; ce fut, pour le dire en paffant, ce qui fit naître la Tragédie. Il arriva alors qu'on prit plus de plaifir à ces récits qu'on n'en prenoit aux chants des hymnes, & que le récit qui avoit été épifodique, devint fujet principal. Réciproquement le chant des hymnes, qui auparavant avoit été l'objet principal, devint épifodique. Cependant ces deux parties retinrent leur prémier nom, au moins dans le fpectacle mêlé de chants. On y appella toujours épisodes les récits, à caufe de leur origine & le chant des hymnes retint le nom de choeur. C'eft ce qui nous fait trouver de la confufion & de l'embarras dans ce que les Anciens ont écrit fur le Choeur & les Episodes..

Mais le terme d'Episode n'ayant changé de fens qué dans les drames, hors de ce genre, il doit être pris dans fon fens originaire. Et comme alors il fignifioit une piece d'attache, il doit fignifier encore la même chofe dans l'Epopée. Ainfi, aujourd'hui fur-tout, que ce mot eft rendu par l'usage même à fa premiere fignification, nous prendrons le terme d'épisode pour fignifier une partie qui aide à l'action principale; mais qui pourroit s'en détacher, fans l'empêcher d'ar river à sa fin..

Les épisodes, dans le Poëme épique, doivent être amenés par les circonftances. Il y a des liens invifibles qui attachent entr'elles une infinité de choses. Il ne s'agit que de faire fentir ces liaisons. Enée va demander du fecours à Evandre. Il le trouve faifant un facrifice ; il ;i étoit naturel qu'Evandre lui racontât l'origine de ce facrifice; d'autant plus que c'eft l'action d'un héros, d'Hercule, qui a purgé le pays d'un fcélérat qui en en troubloit la tranquillité, & que d'ailleurs il parle à un héros.

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L'Episode doit être court, à propor tion que fa matiere eft éloignée du fujet tel eft celui dont nous venons de parler. La raison eft qu'en pareil cas, ce n'est qu'un délassement accordé en paf fant, pour renouveller l'efprit plutôt que pour le diftraire.

Il doit offrir des objets différens de ceux qui le précedent & qui le fuivent. La raifon en eft fenfible on ne l'emploie que pour la variété. Si après une defcription de combats, on préfentoit un Episode où il fût parlé de guerre; ce feroit aller contre le but même de l'Episode.

Il doit être cependant du ton général de l'ouvrage. Virgile ne décrit point les

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