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>> MEN. Recevez de moi ces pipeaux »fur lefquels je chantai la tendresse de » Corydon pour Alexis, &, Quel est, » Damétas, ce troupeau malheureux?

» MOPS. Recevez donc auffi à votre » tour, cette houlette ornée de bronze, » dont les nœuds font pareils. Antigene >> me l'a fouvent demandée, & tout ai>> mable qu'il étoit alors, il n'a pu l'ob>> tenir. <<<

Cette piece est toute dramatique. Elle commence par un dialogue de deux Bergers, qui enfuite font chacun leur récit. Le style eft par tout vraiment pastoral. Cependant on peut y diftinguer trois efpeces de nuances ou de degrés: le premier, dans le dialogue, ou entretien familier de deux acteurs, qui ne fe montrent que comme Bergers: c'est le ton de la comédie paftorale. Les deux autres degrés font dans les récits, où les Bergers fe montrent non-feulement comme Bergers, mais comme Bergers

Men. Hac te nos fragili donabimus ante cicutâ.
Hæc nos, formofam Corydon ardebat Alexim:
Hæc eadem docuit, Cujum pecus? An Meliboi?
Mopf. At tu fume pedum, quod me, cùm fæpe ro-
garet

Non tulit Antigenes ( & erat tum dignus amari : )
Formofum paribus nodis atque ære, Menalca.

poëtes

poêtes, & par conféquent infpirés : ils ont un ton plus élevé que dans ce qui précéde: le premier récit a le ton de l'Elégie; le fecond tient du lyrique.

Ce fut lui qui apprit, &c. C'eft l'éloge du Berger. Il n'eft point chargé de phrafes, il eft fans pompe, fans apprêt. Daphnis avoit appris trois chofes aux Bergers, on nomme ces trois chofes ; tout eft dit le refte de l'élégie eft confacré à la douleur & aux regrets. On parle à Daphnis comme s'il pouvoit entendre; on lui dit que tout eft changé dans la nature, depuis qu'il n'eft plus. Ainfi font faits les hommes. S'ils entendoient leur éloge funebre, il n'y a rien dont leur amour propre fût plus content que fi on leur difoit que tout s'eft détruit avec eux, & que l'ordre du monde étoit attaché à leur vie.

C'eft Daphnis, &c. Le dernier de ces deux vers, qui eft fi beau, eft très-difficile à traduire. Il y a des traducteurs qui ont efquivé la difficulté en traduifant en vers. D'autres en voulant ferrer la penfée l'ont biftournée. Peut-être qu'en voulant la rendre avec douceur, nous l'avons affoiblie.

Nous nous bornons à cette feule Eglogue de Virgile, parce que nous la Tome II.

F

croyons fuffifante pour donner une jufte idée de toutes les autres. On y voit un naturel affaifonné, une naïveté piquante, des images choifies des fentimens doux & tendres, des vers aifés, coulans, harmonieux, mais d'une harmonie femblable au murmure des ruiffeaux. Les expreffions font fimples, quelquefois riches, toujours vraies. Il y a cependant quelques endroits où ou voudroit plus d'ordre, plus de clarté, quelquefois même plus de délicateffe & d'affaifonnement. D'ailleurs, il y porte quelquefois des objets qui rappellent les embarras, les chaînes, les devoirs, les vices, & même les vertus de la ville. Ce qui n'empêche pas que ce poëte qui ne marche point toujours d'un pas égal avec Théocrite,ne le fuive au moins de fortprès.

Calpurnius & Némefianus fe diftinguerent par la Poéfie paftorale fous l'empire de Dioclétien. L'un étoit Sicilien, l'autre nâquit à Carthage. Après qu'on a lu Virgile, on trouve chez eux peu de ce moelleux qui fait l'ame de l'Eglogue. Ils ont de tems en tems des images gracieufes, des vers heureux ; mais ils n'ont rien de cette verve paftorale qu'infpiroit la Mufe de Théocrite.

Voilà à-peu-près l'hiftoire de l'Eglo

gue, à ne la confidérer que du côté de fes caracteres voilà quels furent fes degrés & fes différences chez les Anciens. Ceux des modernes qui font entrés dans la même carriere, n'ont fait que repréfenter dans d'autres tems les différens caracteres des premiers auteurs.

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Il faut cependant en excepter les Italiens, qui lui ont donné un caractere si nouveau qu'elle ne fe reconnoît plus chez eux. Elle eft étincelante de pointes, de jeux de mots, de penfées qui reviennent fur elles-mêmes, & qui fe tournent en antithefes. C'eft M. de Fontenelle qui porte ce jugement du Guarini, du Bonarelli, du Cavalier Marin. Selon lui, l'Aminte du Taffe eft ce que l'Italie moderne a de meilleur dans le genre paftoral; & il infinue que c'eft parce qu'il ne s'eft pas tant livré aux pointes de fon pays. Cependant, foit l'avantage particulier de la langue Italienne, foit le caractere même de ceux qui ont écrit, on trouve dans leurs Eglogues de la dou& de cette molleffe qui appartient à la paftorale. Quel dommage que l'ef prit l'ait gâté par fes ornemens !

ceur,

Nous ne parlerons point des Eglogues que Ronfard nous a données. Réglant tout, il brouilla tout, dans ce genre,

auffi-bien que dans le langage françois. Il fait parler fes Bergers, comme on parle au village. On fait les vers de Def préaux.

On diroit que Ronfard fur fes pipeaux ruftiques
Vient encor frédonner fes Idylles gothiques,
Et changer, fans respect de l'oreille & du fon
Licidas en Pierrot, & Philis en Toinon.

En effet, il appelle Henri II Henriot; Charles IX Carlin, Catherine de Medicis Catin, & c'eft prefque tout le paf toral qu'il y a dans fes Eglogues.

CHAPITRE VIIL

Eglogues Françoifes.

RACAN.

ONORAT de Bueil, Marquis de Racan qui mourut en 1670, & qui fut difciple de Malherbe, releva en France la gloire de l'Eglogue. Il avoit un génie fécond; par conféquent il ne lui manquoit rien pour être berger. Auffi retrouve-t-on dans fes Bergeries l'esprit de Théocrite & de Virgile, & il y a des morceaux qui peuvent être comparés avec ce que ces deux Poëtes ont de plus délicat. Nous ne citerons de lui que fes

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