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té. Tout y eft vif, tendre, tout y exprime la défolation.

Et moi, malheureuse que je fuis Cette pensée est belle, ou plutôt ce n'est pas une pensée, c'eft un fentiment qui exprime l'excès de l'amour de Vénus pour fon époux. Elle facrifieroit fa divinité pour le fuivre jufque chez les

morts.

Reine des enfers, &c. Qu'on imagine le ton de voix avec lequel Vénus défefpérée faifoit cette apoftrophe. Il y a une tendreffe mêlée de fublime.

Auffi pourquoi affronter les dangers... La douleur fe change en reproches tendres. Avec tant de charmes deviez-vous avoir la fureur d'attaquer les bêtes fauvages? Cela eft très-beau; il y a ici une antithefe douce, & qui n'eft prefque point fenfible.

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Vénus a verfé autant de larmes qu'Adonis de gouttes de fang. Ce calcul paroîtil affez noble? Il y a peu de grandeur à compter les larmes & les gouttes de fang. Il femble que ce foit de l'efprit tout pur. Et il n'en falloit point dans une piece toute confacrée à la douleur.

Couvrez le de fleurs; mais depuis qu'Adonis n'eft plus, elles font toutes flétries. Si on difoit que cela eft trop joli, on

pourroit répondre, que dans la douleur, on veut que rien ne furvive à ce que l'on a perdu. Mais ce qui fuit dans le texte, paroîtra outré affurément, d'autant plus que ce n'eft que la même figure pouffée, comme on dit, en termes d'art: Prodiguez vos parfums: à quoi vous ferviront-ils ? Puifque vous avez perdu celui qui étoit votre parfum.

Les Amours ont coupé leurs cheveux. C'étoit un figne de douleur chez les anciens on le voit dans Homere, par l'exemple d'Achille, qui coupe les fiens pour les jeter fur le corps de Patrocle & chez Sophocle par celui d'Orefte qui fait la même chose fur le tombeau de fon pere Agamemnon. Tout ce tableau est charmant, il eft gracieux, riant; & nous ne faurions être de l'avis de ceux qui trouvent qu'il l'eft trop, & qui difent qu'il reffemble plutôt à un jeu d'enfant, qu'à un devoir funebre ; d'autant plus que tout cet appareil n'eft que la représentation dont parle Théocrite. Tous ces Amours n'étoient qu'en figures; & le poëte ne les anime que parce que c'est l'ufage des poëtes de faire parler & agir toutes les figures dont ils font des defcriptions.

Songez que tous les ans, &c. Ces der

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niers vers nous annoncent affez clairement, que cet ouvrage a été compofé pour les fêtes funebres qui revenoient tous les ans.

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Ou nous pardonnera d'avoir parlé librement de ce qui nous a paru repréhenfible dans cet ouvrage. Qu'on fe rappelle, fi on le veut bien, notre but, qui eft d'aider les jeunes gens à fe former le goût. Les petits défauts de Bion font dans l'excès des ornemens; ceux de Théocrite font ordinairement dans l'excès oppofé. Si nous avions été obligés de parler des fautes de ce dernier nous l'euffions fait avec la même liberté. Cependant cela eût peut-être été moins nécessaire; parce que, dans le fiecle où nous sommes, on eft, du moins pour les ouvrages d'efprit, plus près d'approuver les défauts de Bion, que ceux de Théocrite:

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On peut par le moyen de cette piece, fi on le veut, fe former une idée jufte de l'expreffion des fentimens. On y voit d'abord beaucoup d'interjections, qui font le premier langage du festiment quand il eft feul enfuite des tours naïfs, tels que l'apostrophe, l'exclamatlon, &c. quand le fentiment eft lié à quelque penfée des penfées douces,

qui femblent porter en elles-mêmes le ton affectueux avec lequel on doit les prononcer; enfin une efpece de défordre dans les idées, qui fe fuccedent fans liaison, & fe choquent mutuellement. Rien n'eft moins régulier que les difcours de Vénus: elle faifit un objet, puis elle l'abandonne; puis elle y revient : elle réfléchit fur fa douleur : elle s'écrie: elle appelle Adonis : elle lui veut parler, & ne lui dit rien.

Si on veut rapprocher les caracteres de ces trois Poëtes, & les comparer en peu de mots, on peut dire que Théocrite a peint la nature fimple & quelquefois négligée ; que Mofchus l'a arrangée avec art; que Bion lui a donné des parures. Chez Théocrite Idylle eft dans un bois, ou dans une verte prairie : chez Mofchus, elle eft dans une ville : chez Bion, elle eft prefque fur un théâtre. Or quand nous lifons des Bergeries, nous fommes bien aifes d'être hors des villes. L'art eft charmant : rien ne plaît tant à l'efprit que la fymétrie & les proportions. Il y a néanmoins des inf tans où l'efprit aime à s'en débarraffer à fe trouver dans une efpece de défordre où il voit tout, fans que rien fet falle remarquer. C'est alors qu'il feng

proprement la folitude, & qu'il en jouit. On veut qu'une Eglogue amufe doucement, mollement: fi j'ofe parler ainfi ; que fa lecture folt pour nous comme un demi fommeil, où on ne penfe qu'autant qu'il le faut, pour fentir qu'on fe repose: & c'eft précisément ce que produit le ton & la marche de Théocrite. Mais difons plutôt que ce font trois efpeces différentes, & qu'aucune d'elles ne doit être la regle ni le modele des deux

autres.

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CHAPITRE VII.

EGLOGUES DE VIRGILE.

VIRGIL

[RGILE né à Mantoue, de parens de médiocre condition, fe fit connoître à Rome par fes poéfies paflorales. Il eft le feul poëte latin qui ait excellé dans ce gente, & il a mieux aimé prendre pour modele Théocrite que Mofchus, ni Bion. Il s'y eft attaché tellement, que fes Eglogues ne font prefque que des imitations du poëte grec. Ce font les mêmes fujets, les mêmes tours très-fouvent les mêmes penfées. Horace a peint le caractete de fes Eglogues dans ces vers fameux:

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