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DERNIÈRE

X I I.

OBSERVATION.

S'il y a des mots synonymes.

Nous avons vu qu'un même mot peut avoir par figure d'autres significations que celle qu'il a dans le sens propre et primitif: voiles peut signifier vaisseaux. Ne suit-il pas de là qu'il y a des mots synonymes, et que voiles est synonyme à vaisseaux ?

A Paris,

ry, 1718,

Monsieur l'abbé Girard a déjà examiné cette question, dans le discours préliminaire qu'il a mis à la tête de son traité de la justesse de la langue françoise. Je ne ferai guère ici qu'un chez d'Houextrait de ses raisons, et je prendrai même la liberté de me servir souvent de ses termes, me contentant de tirer mes exemples de la langue latine. Le lecteur trouvera dans le livre de M. l'abbé Girard de quoi se satisfaire pleinement sur ce qui regarde le françois.

« On entend comunément par synonymes >> les mots qui ne diférant que par l'articulation » de la voix, sont semblables par l'idée qu'ils >> expriment. Mais y a-t-il de ces sortes de >> mots? Il faut distinguer :

» Si vous prenez le terme de synonyme dans Id. p. 26 et » un sens étendu pour une simple ressem-– 27. » blance de signification, il y a des termes » synonymes, c'est-à-dire, qu'il y a des mots >> qui expriment une même idée principale : »

P. 28.

Tite-Live,

ferre, bajuláre, portáre, tollere, substinére, gérere, gestáre, seront en ce sens autant de synonymes.

Mais si par synonymes vous entendez des mots qui ont « une ressemblance designification » ŝi entière et si parfaite, que le sens pris dans >> toute sa force et dans toutes ses circonstances » soit toujours et absolument le même, ensorte » qu'un des synonymes ne signifie ni plus ni » moins que l'autre ; qu'on puisse les employer >> indiférament dans toutes les ocasions, et qu'il » n'y ait pas plus de choix à faire entre eux » pour la signification et pour l'énergie, qu'entre >> les goutes d'eau d'une même source pour le >> goût et pour la qualité : dans ce second sens, >> il n'y a point de mots synonymes en aucune » langue ». Ainsi ferre, bajuláre, portáre, tollere, substinére, gérere, gestáre, auront chacun leur destination particulière en éfet, Ferre, signifie porter, c'est l'idée principale. Bajuláre, c'est porter sur les épaules ou sur

le cou.

Portáre se dit proprement lorsqu'on fait porter quelque chose sur des bêtes de some, sur des charètes ou par des crocheteurs. Portári dicimus ea quæ quis juménto secum ducit. Voyez le titre XVI du cinquantième livre du Digeste de verborum significatióne.

Tollere, c'est lever en haut; d'où vient le 1. XXXVIII, substantif tolléno, ónis, c'est une machine à v. Tolleno, tirer de l'eau d'un puits.

n. 5. Festus,

Corn. Nep. 14. 3.

Sustinére, c'est soutenir, porter pour empêcher de tomber.

Gérere, c'est porter sur soi : Galeam gérere in cápite.

Gestáre

Geståre vient de gérere, c'est faire parade de ce qu'on porte.

Malgré ces diférences, il arive souvent que dans la pratique on emploie ces mots l'un pour l'autre par figure, en conservant toujours l'idée principale, et en ayant égard à l'usage de la langue; mais ce qui fait voir qu'à parler exactement, ces mots ne sont pas synonymes, c'est qu'il n'est pas toujours permis de mètre indiférament l'un pour l'autre. Ainsi quoiqu'on dise morem gérere, on ne diroit pas morem ferre ou morem portáre, etc. Les Latins sentoient mieux que nous ces diférences délicates, dans le tems même qu'ils ne pouvoient les exprimer, nihil inter factum et gestum interest, licet L. licet. 58. videátur quædam subtilis differéntia, dit un Digest. de ancien jurisconsulte. D'autres ont remarqué significa que acta própriè ad togam spectant, gesta ad tione. militiam. Varron dit que c'est une erreur de confondre ágere, fácere et gérere, et qu'ils ont chacun leur destination particulière (1).

Nous avons quelques recueils des anciens grammairiens, sur la propriété des mots latins : tels sont Festus de verborum significatióne;

(1) Propter similitúdinem agéndi, et faciéndi, et geréndi, quidam error his qui putant esse unum : potest enim quis áliquid fácere et non ágere: ut poëta facit fábulam et non agit; contra actor agit et non facit, et sic à poëta fábula fit et non ágitur, ab actóre ágitur et non fit contra Imperátor qui dícitur res gérere, in eo neque agit, neque facit, sed gerit, id est sustinet: translatum ab his qui ónera gerunt quòd sústinent. VARR. de ling. lat. 1. v. sub finem. Tome III.

R

verbórum

Ep. 14.

Nonius Marcellus de várid significatióne sermónum. Voyez Grammátici véteres.

On peut encore consulter un autre recueil qui a pour titre : Autóres linguae latince. De plus, nous avons un grand nombre d'observations répandues dans Varron de lingua latiná, dans les comentaires de Donat et de Servius : elles font voir les diférences qu'il y a entre plusieurs mots que l'on prend comunément pour synonymes. Quelques auteurs modernes ont fait des réflexions sur le même sujet, tels sont le P. Vavasseur, jésuite, dans ses remarques sur la langue latine; Scioppius, HenriEtiène, de latinitáte falsò suspecta, et plu

sieurs autres.

On tire aussi la même conséquence de plusieurs passages des meilleurs auteurs; voici deux exemples tirés de Cicéron, qui font voir la diférence qu'il y a entre amáre et diligere. Cicer. Ep. Quis erat qui putaret ad eum amorem quem ad fam. 19. erga te habbam, posse áliquid accédere? Tantum accéssit, ut mihi nunc denique amáre videar, ánteà dilexisse. « Qui l'auroit pu >> croire, dit Cicéron, que l'afection que j'avois » pour vous eût pu recevoir quelque degré de plus? Cependant elle est si fort augmentée, » que je sens bien qu'à la vérité vous m'étiez » cher autrefois, mais qu'aujourd'hui je vous » aime tendrement.

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Et au livre 13, ép. 47, Quid ego tibi comméndem eum quem tu pse dil gis'; sed tamen, ut scires e m non à me diligi solum, verum étiam amár, ob eam rem tibi hæc scribo. « Vous l'aimez, mais je l'aime encore davan

»tage; et c'est pour cela que je vous le re>> comande ».

Voilà une diférence bien marquée entre

amáre et diligere; Cicéron observe ailleurs Tuscul. L qu'il y a de la diférence entre dolére et la-2, n. 15. boráre, lors même que ce dernier mot est pris dans le sens du premier : Interest áliquid inter labórem et dolorem; sunt finitima omnino sed tamen differt áliquid: labor est fúnctio quædam vel ánimi vel córporis, gravióris óperis vel múneris; dolor autem motus asper in córpore... áliud inquam est dolére, áliud laboráre. Cum várices secabántur Cn. Mário, dolébat ; cum æstu magno ducébat agmen,

laborábat.

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Les savans ont observé de pareilles diférences entre plusieurs autres mots, que les jeunes gens et ceux qui manquent de goût et de réflexion regardent come autant de synonymes. Ce qui fait voir qu'il n'est peut-être pas aussi utile qu'on le pense de faire le thème en deux facons.

prit.

M. de la Bruyère remarque « qu'entre toutes Caract. des » les diférentes expressions qui peuvent rendre ouv. de l'es » une seule de nos pensées, il n'y en a qu'une » qui soit la bone que tout ce qui ne l'est » point est foible, et ne satisfait pas un home » d'esprit ». Ainsi ceux qui se sont doné la peine de traduire les auteurs latins en un autre latin, en afectant d'éviter les termes dont ces auteurs se sont servis, auroient pu s'épargner un travail qui gâte plus le goût qu'il n'aporte de lumière. L'une et l'autre pratique est une fécondité stérile qui empêche de sentir la pro

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