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Une montre nous dit qu'il y a un ouvrier qui l'a faite; l'idée qu'elle fait naître en moi de cet ouvrier, quelque indéterminée qu'elle soit, n'est point l'idée d'un être abstrait, elle est l'idée d'un être réel qui doit avoir de l'intelligence et de l'adresse : ainsi l'univers nous aprend qu'il y a un créateur qui l'a tiré du néant, qui le conservé, qu'il doit avoir des perfections infinies, et qu'il exige de nous de la reconoissance et des adorations.

Les abstractions sont une faculté particulière de notre esprit, qui doit nous faire reconoître combien nous somes élevés au-dessus des êtres purement corporels.

Dans le langage ordinaire, on parle des abstractions de l'esprit come on parle des réalités; les termes abstraits n'ont même été inventés qu'à l'imitation des mots qui expriment des êtres physiques. C'est peut-être ce qui a doné lieu à un grand nombre d'erreurs où les homes sont tombés, faute d'avoir reconu que les mots dont ils se servoient en ces ocasions, n'étoient que les signes des afections de leur esprit, en un mot, de leurs abstractions, et non l'expression d'objets réels; de là l'ordre idéal confondu avec *Absit er- l'ordre physique; de là enfin l'erreur de ceux For opinán- qui croient savoir ce qu'ils ignorent, et qui quod nés parlent de leurs imaginations métaphysiques ciunt. Aug. avec la même assurance que les autres homes ad Laur. de parlent des objets réels.

tium se scire

in Enchirid.

*

Fide, Spe, et Les abstractions sont un pays où il y a encore Char, cap. bien des découvertes à faire, et dans lequel on 59. t. VIP feroit quelques progrès, si l'on ne prenoit pas 1685. pour lumière ce qui n'est qu'une séduction dé

218. Paris,

licate de l'imagination, et si l'on pouvoit se

rapeler, sans prévention, la manière dont nous avons aquis nos idées et nos conoisances dans les premières années de notre vie; mais cela n'est pas maintenant de mon sujet.

Réflexions sur les abstractions, par raport à la manière d'enseigner.

Come c'est aux maîtres que j'adresse cet ouvrage, je crois pouvoir ajouter ici quelques réflexions par raport à la manière d'enseigner. Le grand art de la didactique (1), c'est de savoir profiter des conoissances qui sont déjà dans l'esprit de ceux qu'on veut instruire, pour les mener à celles qu'ils n'ont point ; c'est ce qu'on apèle aler du conu à l'inconu. Tout le monde convient du principe, mais dans la pratique on s'en écarte, ou faute d'atention, ou parce qu'on supose dans les jeunes gens des conoissances. qu'ils n'ont point encore aquises. Un métaphysicien qui a médité sur l'infini, sur l'être en général, etc., persuadé que ce sont là autant d'idées innées parce qu'elles sont faciles à aquérir, et qu'elles lui sont familières, ne doute point que ces conoissances ne soient aussi familières au jeune home qu'il instruit, qu'elles le sont à lui-même; sur ce fondement, il parle toujours; on ne l'entend point, il s'en étone; il élève la voix, il s'épuise, et on l'entend encore moins, Que ne serapèle-t-il les premières années de son enfance? Avoit-il à cet âge des

(1) La didactique, c'est l'art d'enseigner. Adaxtinòs, aptus ad docéndum. Aidéoxa, dóceo.

conoissances auxquelles il n'a pensé que dans la suite, par le secours des réflexions, et après que son cerveau a eu aquis un certain degré de consistance? En un mot, conoissoit-il alors ce qu'il ne conoisoit pas encore, et ce qui lui a paru nouveau dans la suite, quelque facilité qu'il ait eue à le concevoir ?

Nous avons besoin d'impressions particulières, et, pour ainsi dire, préliminaires, pour nous élever ensuite, par le secours de l'expérience et des réflexions, jusqu'à la sublimité des idées abstraites: parmi celles-ci, les unes sont plus faciles à aquérir que les autres ; l'usage de la vie nous mène à quelques-unes presque sans réflexion, et quand nous venons ensuite à nous apercevoir que nous les avons aquises nous les regardons come nées avec nous.

Ainsi il me paroît qu'après qu'on a aquis un grand nombre de conoissances particulières dans quelque art ou dans quelque science que ce soit, on ne sauroit rien faire de plus utile pour soimême, que de se former des principes d'après ces conoissances particulières, et de mettre par cette voie, de la nèteté, de l'ordre, et de l'arangement dans ses pensées.

Mais quand il s'agit d'instruire les autres, il faut imiter la nature; elle ne comence point par les principes et par les idées abstraites : ce seroit comencer par l'inconu; elle ne nous done point l'idée d'animal avant que de nous montrer des oiseaux ; des chiens, des chevaux, etc. Il faut des principes: oui sans doute ; mais il en faut en tems et lieu. Si par principes vous entendez des règles, des maximes, des notions générales, des idées abstraites qui renferment

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des conoissances particulières, alors je dis qu'il ne faut point comencer par de tels principes. Quesi par principes vous'entendez des notions comunes, des pratiques faciles, des opérations aisées qui ne suposent dans votre élève d'autre pouvoir ni d'autres conoissances que celles que Vous savez bien qu'il a déjà ; alors, je conviens qu'il faut des principes, et ces principes ne sont autre chose que les idées particulières qu'il faut leur doner, avant que de passer aux règles et aux idées abstraites.

Les règles n'aprènent qu'à ceux qui savent déjà, , parce que les règles ne sont que des observations sur l'usage: ainsi comencez par faire lire les exemples des figures avant que d'en

doner la définition.

Il n'y a rien de si naturel que la logique et les principes sur lesquels elle est fondée; cependant les jeunes logiciens se trouvent come dans un monde nouveau, dans les premiers tems qu'ils étudient la logique, lorsqu'ils ont des maîtres qui comencent par leur doner,en abregé, le plan général de toute la philosophie; qui parlent de science, de perception, d'idée, de jugement, de fin, de cause, de catégorie, d'universaux, de degrés métaphysiques, etc. come si c'étoient là autant d'êtres réels, et non pures abstractions de l'esprit. Je suis persuadé que c'est se conduire avec beaucoup plus de méthode, de comencer par mètre, pour ainsi dire, devant les yeux quelques-unes des pensées particulières qui ont doné lieu de former chacune de ces idées abstraites.

de

J'espère traiter quelque jour cet article plus en détail, et faire voir que la méthode analy

tique est la vraie méthode d'enseigner, et que celle qu'on apèle synthétique ou de doctrine, qui comence par les principes, n'est bone que pour mètre de l'ordre dans ce qu'on sait déjà, ou dans quelques autres ocasions qui ne sont pas maintenant de mon sujet.

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