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CHAPITRE PREMIER.

DE L'ARTICLE.

Le peuple aime à désigner les choses de la vie commune d'une manière claire et précise; c'est, je pense, dans cet usage qu'il faut chercher l'origine de l'article, car il est impossible qu'on l'ait créé pour désigner le genre et le nombre, puisqu'il est aussi défectueux dans sa flexion que les autres mots'. On trouve en effet que les dialectes emploient souvent l'article là où la langue écrite ne l'admet pas.

Notre article déterminant dérive du pronom latin ille. Raynouard (Choix I, 39, 43) a prouvé que dès le VIe siècle ce pronom servait déjà souvent d'article; mais il y a tout lieu de croire que longtemps auparavant il remplissait cette fonction dans le langage du peuple. Voici ce qui me porte à le supposer: Plaute, Térence, Cicéron etc. emploient unus comme article non-déterminant; or on sait que partout 2 l'article déterminant a précédé le non-déterminant; il n'est donc pas probable que le latin ait suivi une marche différente dans la création de ses articles.

A. ARTICLE DÉTERMINANT.

Je passe à l'exposition des formes de l'article déterminant des dialectes bourguignon et normand au XIIIe siècle.

(1) La signification fondamentale de l'article est d'individualiser, et par conséquent de distinguer un objet d'autres objets de la même espèce, ou aussi une espèce entière d'autres espèces (p. ex. l'homme (l'espèce) est mortel). Cette individualisation peut être de deux sortes: on peut individualiser un objet déterminé, déjà connu; ou un objet indéterminé dont on indique seulement l'unité. De là deux articles: un article déterminant et un article non-déterminant.

(2) Dans le grec ancien, dans le gothique, p. ex.

SINGULIER.

MASCULIN.

Sujet : li, l'. .

del, deu, do, dou, du

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Régimes indirects: {al, au, ou, el, eu (u, o, on).

Régime direct: lo, lou, le, lu

Sujet : li.

Régimes indirects: J des : {as,

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PLURIEL.

as, es, aus (ens)

Régime direct: les (los)

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Le dialecte picard n'a point de formes distinctes pour les deux genres, le même article, comme le dit déjà Fallot, y est à la fois masculin et féminin.

ARTICLE PICARD POUR LES DEUX GENRES.

SINGULIER. Suj.: li, le. Rég. ind.: del, de le; al, à le, el. Rég. dir.: le.

PLURIEL. Suj.: li. Rég. ind.: des; as, es. Rég. dir.: les.

I. SINGULIER.

1. Li, à l'époque qui nous occupe, était la forme du sujet masculin singulier, du sujet masc. et quelquefois fém. plur.; mais il paraît qu'autrefois en Bourgogne même, li avait été aussi employé comme sujet fém. sing.: les Sermons de St. Bernard n'offrent guère que li pour les deux genres, et cet usage se retrouve encore dans les écrits et surtout dans les chartes de la seconde moitié du XIIIe siècle.

Ex. Nen est mies venuiz oysousement li sainz qui neiz est de Marie. (S. d. S. B. p. 542.)

Molt estoit petite li lumiere de la conixance de Deu, et li felonie estoit si habondeie, ke li charitez estoit assi cum tote refroidieie. (Ib. p. 527.) A tant desliad li prophetes sun chief e ostad la puldre de sun vis, e li reis le cunut. (Q. L. d. R. p. 329.)

Li feme à son baron ne porte loiaute,

Et li homs à sa feme ne amor ne bonte. (Rutb. I, 243.)

Par les usaiges de Borgoingne qui dient que li femme apres la mort de son mari doit avoir la moitie des biens du mari. (1261. H. d. B. II, XXVI.)

Raynouard (Gr. c. d. L. d. l'E. 1. p. 3-4. Obs. s. 1. R. d. Rou p. 44-45) dit que les articles el, lo (lou), le, ont été employés, bien que rarement, comme sujets sing., dans le vieux français.

Lo, forme du sujet de l'article provençal, se rencontre il est vrai employé de la même manière dans la langue d'oil, mais ce n'est que dans les provinces limitrophes de la langue d'oc. On doit regarder comme fautes de copistes les rares exemples de lo sujet, qu'on trouve dans des textes qui portent constamment li. P. ex.:

C'est lo crit (?) des tres gries lous et de la barbix qui entre ous bahaleivet. (S. Bernard. V. Roq. Bahaleiver.)

"

Tant fu lo chaitis deceus

Et forsenes et mescreus,
La loi laissa al saveor

Et si laissa la paienor. (Brut. 13941-44.)

Quant à el, que Raynouard établit même comme rég. dir. sing., M. Orell a déjà déclaré qu'il devait être réputé fort douteux dans l'un et l'autre cas. Je n'hésite pas à le rejeter tout à fait. Raynouard citait à l'appui de son opinion cet exemple pris de la chronique de Villehardouin: „Quant eles (les chartes) furent faites et seelees, si furent apportees devant le duc, el „gran palais, où el grant conseil ere et li petiz." (17. p. 12, ed. du Cange.) Mais, comme dit Fallot, cette leçon de l'édition de du Cange, que l'incorrection et le rajeunissement notoires de tout le texte suffiraient déjà pour rendre suspecte, a été reconnue fausse et corrompue; dom Brial a rétabli ainsi ce passage, d'après l'autorité des meilleurs mss.: devant le duc,

„el gran palais, où li grant conseil ere et li petiz." (Villh. 436b.) L'édition de Villehardouin publiée par M. P. Paris porte aussi : „Quant les chartres furent faites et seelees, si furent aporteės „au grant palais devant le duc, où li grans consaus estoit et li petis." (p. 9, XIX.)

Pour ce qui est de le, voy. III.

Li et son élision l', qu'on employait ordinairement devant une voyelle, sont donc jusqu'au XIIIe siècle les formes de sujet masc. sing. de l'article bourguignon et normand. Le chant d'Eulalie, qui remonte au commencement du Xe siècle, sert de preuve à ce que je viens de dire; les formes de l'article y sont: S. suj. li, rég. lo; Pl. suj. li, rég. les; fém. la. (Le pluriel manque.)

2. La forme primitive du rég. ind. formé au moyen de la préposition de, a été del; et elle est restée en usage dans le vieux français jusque vers la fin du XIIIe siècle.

Ex. Trespasserai ju chaitis el corps del maligne espirit, trenchiez del cors del Salvaor? (S. d. S. B. p. 562.)

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La joie del pere et del fil fut mult grant.

Raynouard (Gr. c. d. L. d. l'E. 1. p. 3, r deu comme intermédiaire entre del et du. Fall l'usage de deu à quelques localités, mais à a existé dans tous les dialectes; elle est très n'est plus naturel que le fléchissement de le cependant pas que deu soit une forme inter et du, c'est-à-dire que deu se soit contracté formé sur les confins de la Normandie et d d'où il a pénétré dans les autres dialectes; normande de dou, deu.

Ex. E d'une rien ne vos mervilliez
Si deu rei n'i faz mention

Qui en cel tens Charle aveit non. (Ber
Od ceus qu'il out en sa compaigne
Depart la presse deu tornei. (Ib. v. 541
A lui tramist li reis Guillaume
Por mostrer l'ovre deu reaume. (Ib. v.
Et Seneheus se rest molt afichie
Que s'ele voit deu soleil la raie

Au Borgignon iert s'amor envoie. (Rom
Dire vos doi deu Bourgignon Aubri. (I
Demande s'a novele oïe

Deu rei qui ert en Normendie,

Del ost de France, cum li vait,

S'a oi ce que l'em retrait. (Ben. v. 1690

Et si le dit Robert duc de Borgogne moroit sans tous li heritages ainsi que il a o auroit de la descend sion o deu don de nostre chier pere Hugues ... ret sans contredit à nostre chier frere Robert. (1276. H. Deu devant dit nostre pere. (Ib. ead.)

Et par mi chei est bone pais deu dit duc de Bra de ses aiwes de une part, et deu conte Guelre, des si d'autre part, de toute chose qui pour ceste werre est jour dui. (1284. J. v. H. p. 431.)

Les formes do, dou, sont composées de d première, qui est purement bourguignonne, se plus rarement que dou.

Ex. Le premier jor de mai, à l'entree do mois. (
Les langues do penon li batent à la manche.

Cil qui tenra la tor de la Fontaine Benoite se puet estendre de Fermet tant que à quarante piez do vergier au tresorier de Besançom. (1262. H. d. B. II,

28.)

Et s'il avenoit que

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li hom ou la feme qui venroit ester, disoit qu'il ne fut de mes viles, ou de mes fievez, ou de mes gardes, il seroit esclairie à ma volente do retenir ou do refuser. (1231. H. d. M. p. 127.) Il sera quite do serement et de la prisie de cele anee vers moy.

(Ib. ead.) Seignor, acompaignie estes à la meillor gent dou monde. (Villh. 440 e.) Ce dist dou leu e dou aignel. (M. d. F. II, p. 64.)

Et tuit li autre dou concile

Ont conmenciee la vigile. (Ren. II, v. 10101. 2.)
Bien le cuida adomagier

Par ses paroles et vengier

Dou col qui li fu estanduz

La où il fu par lui panduz. (Ib. II, v. 19407 - 10.)

Les formes del, dou, du se trouvent usitées simultanément dans les mêmes textes pendant tout le cours du XIIIe siècle, les deux dernières prévalant toujours sur la première.

Voici quelques exemples de du:

Qu'il n'ot vertu fors du bras destre. (Ren. II, v. 15024.)

Ki du conte de Flandres orent mult grant loier. (R. d. R. v. 2959.) Ci nus racunte du liun. (M. d. F. II, p. 296.)

Il me reste enfin à parler de la forme dau, pour do, qui est restreinte à quelques cantons du Poitou et commune au singulier et au pluriel, comme l'a déjà fait observer Fallot.

Ex. Ge, frere Foques de saint Michea, comanderes adonques dau maisons de la chevalerie dau Temple en Aquiaine. . . . ob l'otrei e ob la volunte dau freres de nostre maison . de frere P. dau Bois e daus autres freres de la dite maison ... qui est pres de la chenau dau II. molins. (Charte de 1250. Poitiers ou la Rochelle.)

Ces exemples sembleraient prouver que dau s'écrivait daus, au pluriel, devant les mots commençant par une voyelle.

Dau palefroi descent, ançois q'il la reqiere. (Ch. d. S. II, 87.)

Cette forme dau, si elle n'est pas une faute dans ce texte qui emploie souvent do, permettrait de tirer la conséquence que dau se prononçait simplement en voyelle à notre manière.

3. Le régime indirect formé au moyen de la préposition à, est al, qui a produit au, comme del, deu. Au a eu cours de très-bonne heure.

Ex. Meies saneiz vos mismes, car tels ockesons est cions al prelait, et molt granz perdicions az sosgeiz. Burguy, Gr. de la langue d'oïl.

molt gries dampna(S. d. S. B. p. 570.)

4.

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