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La Judée asservie, et ses remparts fumants,
De cette noble ardeur éternels monuments,
Me répondaient assez que votre grand courage
Ne voudrait pas, seigneur, détruire son ouvrage ;
Et qu'un héros, vainqueur de tant de nations,
Saurait bien, tôt ou tard, vaincre ses passions.

TITU S.

Ah! que sous de beaux noms cette gloire est cruelle!
Combien mes tristes yeux la trouveraient plus belle,
S'il ne fallait encor qu'affronter le trépas !
Que dis-je ? cette ardeur que j'ai pour ses appas,
Bérénice en mon sein l'a jadis allumée.
Tu ne l'ignores pas : toujours la renommée
Avec le même éclat n'a pas semé mon nom;
Ma jeunesse, nourrie à la cour de Néron,
S'égarait, cher Paulin, par l'exemple abusée,
Et suivait du plaisir la pente trop aisée.

Bérénice me plut. Que ne fait point un cœur

Pour plaire à ce qu'il aime, et gagner son vainqueur ?
Je prodiguai mon sang : tout fit place à mes armes:
Je revins triomphant. Mais le sang et les larmes
Ne me suffisaient pas pour mériter ses vœux:.
J'entrepris le bonheur de mille malheureux.
On vit de toutes parts mes bontés se répandre;
Heureux, et plus heureux que tu ne peux comprendre,
Quand je pouvais paraître à ses yeux satisfaits,
Chargé de mille cœurs conquis par mes bienfaits!
Je lui dois tout, Paulin. Récompense cruelle !
Tout ce que je lui dois va retomber sur elle.

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Pour prix de tant de gloire et de tant de vertus,
Je lui dirai : Partez, et ne me voyez plus,

PAUL IN.

Hé quoi ! seigneur! hé quoi! cette magnificence
Qui va jusqu'à l'Euphrate étendre sa puissance,
Tant d'honneurs dont l'excès a surpris le sénat,
Vous laissent-ils encor craindre le nom d'ingrat?
Sur cent peuples nouveaux Bérénice commande.

TITUS.

Faibles amusements d'une douleur si grande !
Je connais Bérénice, et ne sais que trop bien
Que son cœur n'a jamais demandé que le mien.
Je l'aimai; je lui plus. Depuis cette journée,
(Dois-je dire funeste, hélas! ou fortunée ?)
Sans avoir, en aimant, d'objet que son amour,
Etrangère dans Rome, inconnue à la cour,
Elle passe ses jours, Paulin, sans rien prétendre
Que quelque heure à me voir, et le reste à m'attendre
Encor si, quelquefois un peu moins assidu,

Je passe le moment où je suis attendu,
Je la revois bientôt de pleurs toute trempée :
Ma main à les sécher est longtemps occupée.
Enfin, tout ce qu'amour a de nœuds plus puissants
Doux reproches, transports sans cesse renaissants,
Soin de plaire sans art, crainte toujours nouvelle,
Beauté, gloire, vertu, je trouve tout en elle.
Depuis cinq ans entiers chaque jour je la vois,
Et crois toujours la voir pour la première fois.
N'y songeons plus. Allons, cher Paulin, plus j'y pense

Plus je sens chanceler ma cruelle constance.

Quelle nouvelle, ô ciel ! je lui vais annoncer!
Encore un coup, allons, il n'y faut plus penser.
Je connais mon devoir, c'est à moi de le suivre":
Je n'examine point si j'y pourrai survivre.

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De vos nobles projets, seigneur, qu'il vous souvienne;

Voici le temps.

TITUS.

Hé bien, voyons-la. Qu'elle vienne.

SCENE I V.

BÉRÉNICE, TITUS, PAULIN, PHÉNICE.

Ne vous offensez

B.ÉRÉNICE.

pas si mon zèle indiscret

De votre solitude interrompt le secret.

Tandis qu'autour de moi votre cour assemblée
Retentit des bienfaits dont vous m'avez comblée,

Est-il juste, seigneur, que, seule en ce moment, Je demeure sans voix et sans ressentiment? Mais, seigneur, (car je sais que cet ami sincère Du secret de nos cœurs connaît tout le mystère) Votre deuil est fini; rien n'arrête vos pas, Vous êtes seul enfin, et ne me cherchez pas. J'entends que vous m'offrez un nouveau diadême, Et ne puis cependant vous entendre vous-même. Hélas! plus de repos, seigneur, et moins d'éclat: Votre amour ne peut-il paraître qu'au sénat? Ah Titus! (car enfin l'amour fuit la contrainte De tous ces noms que suit le respect et la crainte) De quel soin votre amour va-t-il s'importuner? N'a-t-il que des états qu'il me puisse donner? Depuis quand croyez-vous que ma grandeur me touche Un soupir, un regard, un mot de votre bouche, Voilà l'ambition d'un cœur comme le mien. Voyez-moi plus souvent, et ne me donnez rien. Tous vos moments sont-ils dévoués à l'empire? Ce cœur, après huit jours, n'a-t-il rien à me dire? Qu'un mot va rassurer mes timides esprits! Mais parliez-vous de moi, quand je vous ai surpris? Dans vos secrets discours étais-je intéressée, Seigneur? Etais-je au moins présente à la pensée ?

TITU S.

N'en doutez point, madame; et j'atteste les dieux
Que toujours Bérénice est présente à mes yeux.
L'absence ni le temps, je vous le jure encore,
Ne vous peuvent ravir ce cœur qui vous adore.

BÉRÉNICE.

Hé quoi! vous me jurez une éternelle ardeur,
Et vous me la jurez avec cette froideur!
Pourquoi même du ciel attester la puissance?
Faut-il par des serments vaincre ma défiance?
Mon cœur ne prétend point, seigneur, vous démentir,
Et je vous en croirai sur un simple soupir.

Madame....

TITU S.

BÉRÉNICE.

Hébien, seigneur? Mais quoi! sans me répondre Vous détournez les yeux, et semblez vous confondre! Ne m'offrirez-vous plus qu'un visage interdit? Toujours la mort d'un père occupe votre esprit? Rien ne peut-il charmer l'ennui qui vous dévore?

TITU S.

Plût aux dieux que mon père, hélas! vécût encore!
Que je vivrais heureux!

BÉRÉNICE.

Seigneur, tous ces regrets

De votre piété sont de justes effets.

Mais vos pleurs ont assez honoré sa mémoire ;
Vous devez d'autres soins à Rome, à votre gloire :
De mon propre intérêt je n'ose vous parler.
Bérénice autrefois pouvait vous consoler:
Avec plus de plaisir vous m'avez écoutée.
De combien de malheurs, pour vous persécutée,
Vous ai-je, pour un mot, sacrifié mes pleurs?
Vous regrettez un père: hélas! faibles douleurs!

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