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gênait son système, comme l'histoire de la naissance et les généalogies. Mais, pour lui, il ne s'en était point tenu à un seul Évangile. Il avait pris les quatre et les avait réunis en un seul corps, d'où le nom de Diatessaron (dià TEGGάpov, selon les quatre), donné à son travail '. Ce travail prouve qu'il les admettait tous les quatre avec la même autorité; et il paraît que ses altérations étaient assez peu nombreuses ou assez habilement dissimulées, pour que son Évangile ait eu cours non-seulement parmi ceux de sa secte, mais même dans plusieurs communautés fidèles, séduites par l'avantage de trouver les quatre récits réunis en un seul. Théodoret, évêque de Cyr, en recueillit dans les seules églises de son diocèse, plus de deux cents exemplaires qu'il supprima pour les remplacer par les quatre Évangiles 2. Au temps d'Eusèbe, on en faisait encore

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Si l'on excepte les Aloges qui, pour des raisons toutes dogmatiques, niaient que le quatrième Évangile fût de saint Jean et le rapportaient à Cérinthe, il faut descendre jusqu'aux Manichéens pour trouver une attaque directe contre l'authenticité de nos Évangiles, et même jusqu'au manichéen Faustus, l'adversaire de saint Augustin. Mais Faustus n'avait aucun titre pour cela. Il ne savait pas le grec; et son grand argument contre saint Matthieu, c'est que l'auteur y parle de soi à la troisième personne : Faustus aurait dû com

1 Euseb. Hist. eccles. IV, 29.

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2 Theod. Hæret. Fab. 1, 20; cf. Epiph. Hæres. XLVI, 1.

3 Euseb. Hist. eccles. iv, 29. Voy. la note III à la fin de ce volume. Epiph. Hæres. LI,3 et 4.

5 Et quis ergo de se scribens, dicit: Vidit hominem et vocavit eum et secutus est eum; nisi quia constat hæc Matthæum non scripsisse, sed

mencer par supprimer les Commentaires de César. Disons-le donc. La chrétienté tout entière et par les Pères qui continuent la tradition de l'Église, et par les hérésiarques qui s'en étaient séparés, témoigne, dès le second siècle, en faveur de nos Évangiles. Que si l'on veut un complément de preuves, il ne faut pas s'arrêter aux hérétiques, il faut aller jusqu'aux païens. Celse, vers le milieu du e siècle, tient un rang élevé parmi ces adversaires de la religion chrétienne. Il avait composé un livre qu'il appelait Discours véritable (Xóyos ans), et il y mettait en scène un Juif qui disἀληθής), cutait contre Jésus se faisant un jeu de les combattre l'un par l'autre pour les accabler ensuite l'un et l'autre '. Ce livre, malheureusement, s'est perdu dans le triomphe du christianisme : mais une partie en est restée, grâce à la réfutation d'Origène 2; et ce qu'il en garde suffirait, les Évangiles eussent-ils été perdus, pour que l'histoire évangélique pût s'y

retrouver tout entière.

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Celse parlait et de la génération éternelle de JésusChrist en saint Jean, quand il reproche aux Chrétiens de prétendre qu'il est le Verbe de Dieu ; et de sa génération humaine selon saint Luc et selon saint Matthieu, quand il attaque l'outrecuidance de ceux qui

alium nescio quem sub ejus nomine? (Faustus, ap. Aug. c. Faust. xvii, 1.) Voy. aussi Michaël. I, 11, 3.

1 Orig. c. Cels. Præf. § 4, t. I, p. 317.

2 Origène se demande, en commençant (c. Cels. I, præf. § 1), pourquoi, lorsque Jésus-Christ s'est tu devant ses accusateurs, on l'invite, lui, à parler contre ceux qui calomnient encore le Sauveur. Il le fait, pourtant, afin de répondre au désir d'Ambroise; il le fait, non pour les fidèles, mais pour les infirmes dans la foi voilà l'objet et la raison de son livre. Il en explique aussi le plan. Celse n'avait suivi aucun ordre dans ses attaques. Pour ne pas être accusé d'omettre celles qu'il ne pourrait pas réfuter, il promet de le suivre pied à pied. (Ibid. 1, 41, t. I, p. 357.)-3 Ibid. 11, 31.

le font descendre du premier homme et des rois juifs : « Comme si, disait-il, la femme d'un charpentier eût pu ignorer qu'elle fût de cette origine. » On peut noter en passant que cette généalogie donnée dans les deux Évangélistes au nom de Joseph, Celse n'ignore pas que les Chrétiens la rapportent à Marie. Il parle plus au long de la naissance de Jésus-Christ. Il en parle, il est vrai, pour en fausser l'histoire par des interprétations malignes : « par quoi, dit Origène, il reconnaît bien que Jésus-Christ n'est pas né d'un mariage ordinaire 2, » ou, du moins, il prouve que le récit des Évangélistes ne lui était pas inconnu. Il parlait d'ailleurs expressément du mystère de l'Incarnation, quand il disait que « Dieu, pour envoyer son Esprit, n'avait pas besoin de le faire descendre dans le sein d'une femme 3. » Il touchait plus expressément au récit des deux Évangélistes qui ont révélé ce mystère, d'abord en un lieu où, sous les formes grossières de son ironie, on retrouve une allusion aux paroles de la Salutation angélique : « Vous avez trouvé grâce devant Dieu. >> puis quand il parlait des deux anges envoyés à Joseph, l'un pour lui annoncer la grossesse de Marie, l'autre pour lui commander de fuir avec l'enfant. Celse n'omettait aucun des détails de la sainte Enfance, selon saint Matthieu : l'adoration des Mages, la fureur d'Hérode, le massacre des Innocents, la fuite en Égypte. Il citait le baptême, la colombe des

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opus fuit ut illum in
Ibid. 1, 39.
esse gravidam. Alter

'Orig., c. Cels. 11, 32. -2 Ibid. 1, 28 et 32. 3 Si volebat ex seipso Spiritum emittere, quid fœminæ uterum inspiraret? (Orig. c. Cels. vi, 73.) Alter adhuc angelus fabrum admonuit Mariam etiam jussit, accepto puero, fugam capessere. (Orig. c. Cels. v, 52; ef. 1, 66.) — Ibid. 1, 58 et 66.

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cendant du ciel pour se reposer sur la tête de Jésus et la voix d'en haut qui le proclame Fils de Dieu '; la tentation 2, et en somme les principaux traits de la vie publique du Sauveur, actes et enseignements : les Apôtres pris parmi de simples pêcheurs, même entre les publicains ; les boiteux guéris, les aveugles recouvrant la vue, les morts ressuscités : tout cela, on s'en doute bien, pour dire que les magiciens en ont fait davantage. Il notait même certains détails particuliers, le miracle refusé aux Juifs, les cinq ou les sept pains qui suffisent à nourrir la foule et dont on emporte les restes 5. Il relevait cette parole de Jésus à ses disciples, en saint Jean (xiv, 12), « qu'ils feraient de plus grands miracles et cette prédiction, « que des imposteurs viendraient en son nom. » Il signalait les malédictions prononcées contre les Pharisiens pour en conclure qu'il n'avait donc pu les convaincre. Il citait plusieurs traits du Sermon sur la montagne et des autres enseignements de Jésus contre l'amour des richesses, de la domination, de la science, de la gloire: ne se point inquiéter de la nourriture plus que les corbeaux, ou de l'habit plus que les lis des champs ne pas se venger, mais plutôt, si l'or. est frappé à une joue, tendre l'autre : sentence qu'il trouvait fort rustique et beaucoup mieux tournée dans Platon'; comme aussi cette parole: « Qu'il est plus facile à un cha

'Orig. c. Cels. 1, 41.

5 Ibid. 68 et 71.

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2 Ibid. vi, 42. 6 Ibid. 11, 49.

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3 Ibid. 1, 62. — Ibid. 11, 48. 7 Ibid. 76.

Ejus vero filius, homo ille Nazaræus, fert leges contrarias, omnem ad Patrem aditum præclusum iri diviti, amanti dominationem, sapientiam, gloriam; hominibus non magis quam corvis cibum et penu curæ esse debere; minus eis curandum esse de vestitu quam liliis; ei qui semel percussit, se percutiendum rursus præbere oportere. (Orig. c. Cels. vii, 18.) 9 Ibid. vII, 58.

meau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux'. » En somme il trouvait que les Évangélistes parlaient assez mal du royaume de Dieu 2; et il eût volontiers accusé de lèsemajesté envers les rois de la terre cette sentence : « Nul ne peut servir deux maîtres 3.

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Mais c'est surtout pour la Passion et la Résurrection que l'on retrouve dans Celse tous les détails de nos Évangélistes. Celse leur reprochait d'avoir avancé que Jésus avait prédit tout ce qui lui devait arriver; et il faisait tout spécialement une allusion outrageuse à la prédiction de sa passion et de sa mort. Il insistait en particulier sur la Cène et sur la double déclaration faite à l'avance de la trahison de Judas et du reniement de saint Pierre. Il ne lui semblait pas possible que Jésus eût prévu et accepté la trahison des siens et la mort : homme, comment n'aurait-il rien fait pour s'y soustraire; Dieu, comment ne l'aurait-il pas empêché? Celse le déclare complice du déicide o. Il prétendait du reste que Jésus, condamné par les Juifs, avait cherché à se cacher faisant allusion, sans doute, à sa retraite au jardin de Gethsémani après la Cène. Il a lu tous les détails de l'agonie et il en triomphe: «S'il a souffert afin d'accomplir la volonté de son Père, s'écrie-t-il, « que veulent dire ces plaintes

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1 Orig. c. Cels. vi, 16: Platoni dictum et a Jesu interpolatum. 2 Ibid. 17. 3 Ibid. VIII, 2.

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Ibid. 11, 13 et 11, 44 : « C'est comme si quelqu'un avait l'impudence de dire d'un brigand ou d'un homicide livré aux supplices: Ce n'était pas un brigand mais un Dieu, car il a prédit à ses compagnons de brigandage qu'il souffrirait ce qu'il a souffert. »>

5 Deus erat qui prædixit : proinde omnino necessarium fuit ut quæ prædicta fuerant, acciderent. Deus ergo suos ipsius discipulos et prophetas, quibuscum cibum potumque sumebat eo adegit. (Ibid. 11, 20.) Ibid. 11, 9. - Ibid. 24 et 25.

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