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pascal. Puis vient l'entrée triomphante à Jérusalem et la dernière semaine où tous se rencontrent désormais, se répétant sur plusieurs points ou se complétant par certains détails qu'il ne s'agit plus que de coordonner.

Voilà, dans ses traits généraux, la concordance de saint Jean et de saint Luc, et c'est le fondement de l'harmonie des Évangiles: car saint Marc suit le même ordre que saint Luc, dans un plan moins étendu ; et saint Matthieu ne s'astreint pas à un ordre chronologique : des expressions comme : « après cela, après cela, » non plus que les mots : « en ce temps-là, » ne doivent en aucune façon se prendre dans un sens précis et à la lettre. Ce sont des formules qui se peuvent appliquer à la suite du récit, comme l'entend l'auteur, aussi bien qu'à l'ordre des événements comme ils se sont accomplis'.

L'accord étant prouvé entre les deux systèmes de récit, entre les trois premiers Évangélistes et saint Jean, dans leurs traits généraux, nous ne nous arrêterons pas à montrer ici comment il peut s'établir dans les moindres détails : nous le faisons voir ailleurs, en mettant la preuve en action, dans un récit où sont combinés les quatre Évangiles. Nous sommes moins que personne disposé à nier la difficulté de ce travail : mais cette difficulté touche à la forme bien plus qu'au fond des choses. Le docteur Strauss croit triompher sans réplique, lorsqu'après avoir montré la suite des faits et leurs différences dans les différents récits, il demande comment se fera la conciliation et où l'un des récits doit s'enter sur l'autre. Les récits ne sont pas faits pour s'enter l'un sur l'autre, et c'est là le côté faible de toute

1 Ce sont des règles de critique généralement suivies et adoptées par Strauss lui-même, § 42, t. I, p. 342.

composition qui les prétend réunir. Mais ce n'est pas une raison pour que les faits ne se puissent pas ranger dans un ordre certain, et c'est, nous en avons la confiance, ce qui résultera de notre exposition.

Arrivons donc à la seconde objection. Y a-t-il discordance entre les deux systèmes, non plus quant à l'ordre des faits et au lieu de la scène, mais quant à la mise en scène et au caractère de Jésus?

Selon le docteur Strauss, tandis que les trois premiers Évangélistes sont remarquables par la simplicité du langage et par les paraboles qui sont la forme de leur enseignement, saint Jean se distingue par son caractère mystique et par le ton tout dogmatique des paroles qu'il prête à Jésus'. L'Évangile de saint Jean n'a pas assurément la même physionomie que les autres, et l'on y voit les marques d'une incontestable originalité. Mais peut-on dire que ce soit Jean lui-même qu'on trouve dans l'Évangile et non Jésus, comme dans les dialogues de Platon, par exemple, on trouve plus Platon que Socrate? Le docteur Strauss le voudrait bien prouver; et pour cela, il avance que l'Évangéliste fait parler le même langage et à Jésus et à Jean-Baptiste, alléguant deux passages, l'un sur la loi et la grâce (1, 1518), l'autre sur les caractères et les droits du Messie (III, 27-36).

Prenons garde toutefois de nous laisser tromper par de fausses apparences. Avant de porter un jugement, il faut savoir ce qui, dans ces paroles, est de Jean-Baptiste, et ce qui n'en est pas. Les anciens n'employaient pas, pour marquer les divisions de leurs discours, ces

Strauss, § 79 et 81, t. I, p. 675 et 693.

moyens en usage chez les modernes, les guillemets, les alinéa, etc. Ils comptaient sur le sens général et sur le jugement du lecteur; et quelquefois la confusion était possible. Ainsi, dans l'Épître aux Galates (11, 14), saint Paul rappelle une observation qu'il fit à saint Pierre ; puis il reprend son discours aux Galates, sans qu'il soit très-facile de dire si cette reprise est au verset 15 ou seulement au verset 16. On en peut dire autant des deux passages de saint Jean. Dans le premier, le témoignage de Jean-Baptiste, annoncé au verset 7, est exprimé au verset 15; mais au verset suivant, c'est l'Évangéliste qui reprend son exposition sur le même ton que le commencement de l'Évangile, et si l'on veut le témoignage du Précurseur plus au long, il faut aller aux versets 26-27 et 30-31: là, on le retrouvera, à peu près dans les termes où il était déjà en saint Matthieu, en saint Marc et en saint Luc'. Quant au second passage, le témoignage de saint Jean, allégué au verset 27, se continue jusqu'au verset 31. Va-t-il plus loin, ou le verset suivant nous montre-t-il l'Évangéliste ajoutant au récit les réflexions qu'il tire de l'enseignement de Jésus lui-même, comme on le voit en plusieurs autres endroits? On n'en peut juger que par le caractère du morceau. Le docteur Tholuck, pensant qu'il n'est pas dans l'esprit de JeanBaptiste, l'entend de l'Apôtre; le docteur Strauss, croyant de même que Jean-Baptiste n'a pu parler ainsi, l'entend de lui pourtant2: l'un cherchant l'harmonie, l'autre la contradiction dans le récit de l'Évangéliste. On jugera de quel côté est la bonne critique et la bonne foi. Pour nous, nous ne sommes pas fort éloigné d'admettre avec

1 Tholuck, p. 329.

2 Strauss et Tholuck, ibid.

le docteur Strauss que la suite du passage est encore de Jean-Baptiste, parce que nous sommes beaucoup moins convaincu que Jean-Baptiste n'ait pu parler ainsi. A quel titre affirmera-t-on que l'âme du Précurseur n'ait pu être illuminée d'un rayon de la lumière qu'il annonce; et comment celui qui tressaillait dans le sein de sa mère à la voix de la mère du Sauveur, n'aurait-il pu, au temps de la publique manifestation de Jésus lui-même, ressentir un mouvement de ce saint enthousiasme qui inspirait le cantique de son père? Aussi Bossuet n'hésite-t-il pas à commenter le passage tout entier comme étant de saint Jean'. Ce n'est là, si l'on veut, qu'une raison de sentiment; rien n'empêche de juger du caractère de ces paroles comme Strauss, mais à la condition de conclure comme Tholuck.

Voilà pour ce qui regarde Jean-Baptiste. Pour ce qui est de Jésus lui-même, sa figure, nous le voulons bien, n'est pas en saint Jean de la même touche que dans les autres Évangélistes. Mais est-ce à dire que ce ne soit pas sa figure, ses traits, son caractère; ou qu'elle exclue les autres? Non saint Jean ne fait que nous donner l'image qu'on devait attendre du disciple bien-aimé du Sauveur; si cette image a un éclat qui nous ravit et nous transporte, c'est que son âme plus pure était plus apte à réfléchir la divine lumière qu'il avait reçue. Il faut d'ailleurs observer qu'il ne raconte pas différemment les mêmes choses, et tenir compte aussi du but qu'il se propose et des scènes qu'il choisit. Comme Hug l'a remarqué, les lieux sont autres en général, et aussi ceux à qui il s'adresse. Les trois premiers Évan

1 Élévat. XXIII, 9-12.

gélistes se renferment communément dans la Galilée; saint Jean, dans Jérusalem: croit-on que Jésus ait dû tenir le même langage parmi les simples populations des campagnes, ou dans le temple au milieu des docteurs de la loi? En Galilée, il aime à se faire deviner par ses bienfaits; dans le temple, il se proclame hautement. Une seule fois, saint Jean le montre parlant de la même sorte en Galilée : c'est quand il y enseigne le mystère eucharistique. Du reste, dans les quatre Évangiles, c'est le même fond de doctrine en ce qui touche Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, l'accomplissement en Jésus-Christ des prophéties de l'Ancien Testament, la rédemption du monde par son sang, la régénération par la foi et par le baptême; l'unité et l'autorité de l'Église ; les devoirs de l'homme envers Dieu et envers le prochain; les effets de la grâce et de la justice de Dieu envers les hommes, la rémission des péchés, le jugement dernier, la résurrection des morts, la vie éternelle'. Le récit même, en saint Jean, quand les circonstances sont analogues, prend des formes qui se rapprochent du récit des trois premiers Évangélistes : témoin la scène de la Samaritaine : ce n'est point à l'élévation du langage, c'est à la révélation que Jésus lui fait des secrets de sa vie, qu'elle reconnaît en lui le Christ; témoin encore les rapports de Jésus avec ses disciples : c'est la même familiarité, la même sollicitude, la même tendresse, quand il leur donne, en saint Matthieu, ses instructions avant de les envoyer prêcher, ou lorsque, en saint Jean, après la Cène, il converse avec eux pour la dernière fois avant de mourir. Les paroles sont quelquefois les mêmes : Qui aime son âme

1 Hug, II, 57; Paley, Evid. of Christ. II, Iv.

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