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trois endroits où l'on trouve une analogie aussi complète suffisent assurément, en bonne critique, pour établir que l'un des textes est pris de l'autre ; et l'on ne prétend pas que l'Évangile soit pris de Justin. Il y a même cette particularité remarquable que de Wette a relevée aussi, et elle est décisive: c'est que Justin qui, citant l'Ancien Testament, donne partout ailleurs le texte des Septante, se sert, quand il le reproduit avec saint Matthieu, de la version propre à saint Matthieu '. On fait à saint Justin une dernière objection: c'est qu'il ne cite pas seulement nos Évangiles, et qu'on trouve dans ses ouvrages certains faits, certains mots rapportés à Jésus-Christ sans qu'ils soient consignés dans aucun des livres du Nouveau Testament. Norton a répondu qu'au temps où Justin vivait, on était assez voisin encore des temps apostoliques pour qu'il restât des traditions dignes de respect, bien qu'elles ne fussent pas consacrées par les livres saints. Telle est cette parole prêtée à Jésus-Christ : « Les choses où je vous surprendrai seront celles où je vous jugerai 2, » parole que saint Justin cite, peut-être, par erreur de mémoire, et qui d'ailleurs n'aurait rien de plus insolite que d'autres paroles citées de même par saint Irénée, par

δένδρον μὴ ποιοῦν καρπὸν καλὸν ἐκκόπτεται καὶ εἰς πῦρ βάλλεται. Cf. Matth. VII, 19. Comparez encore Apol. 1, 33, p. 64, où se trouvent combinés Matth. 1, 21 et Luc, 1, 35. Voy. de Wette, 1. 1. p. 76 et aussi Norton, 1. 1. Note addit. E, p. CCXIV et suiv., où il met particulièrement en regard les emprunts textuels faits au Sermon sur la montagne.

'Dial. 78, p. 175 D; cf. Matth. 1, 23 et Jerem. xxxvIII, 15 des Septante ou XXXI, 15 de l'hébreu. Dial. ibid.; cf. Matth. 11, 6 et Mich. v, 2. Apol. 1, 35, p. 65; cf. Matth. XXI, 5 et Zach. IX, 9. · Dial. 123, p. 217 A, et 135, p. 227 B; cf. Matth. XII, 18, 21 et Isaï. XLII, 1-4. — Voy. de Wette, p. 76 et Norton, S 4, p. CCXXXII.

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Χριστὸς εἶπεν· Ἐν οἷς ἂν ὑμας καταλάβω, ἐν τούτοις κατακρίνω. Dial. c. Tryph. 47, p. 143 D.

Clément d'Alexandrie et par Origène, à des époques plus éloignées des temps apostoliques et où l'on ne nie pas que le corps des Évangiles ne soit bien fixé ': Quant aux faits, plusieurs des exemples allégués ne sont guère qu'une forme différente ou une explication de ceux que donne l'Évangile. Ainsi il est dit dans le Dialogue avec Tryphon qu'on accusait Jésus d'être un magicien et un séducteur du peuple (§ 69, p. 168): n'est-ce pas ce que faisaient ceux qui, selon l'Évangile, disaient qu'il chassait les démons par Beelzebub?... — que Jésus-Christ faisait des charrues et des jougs (ibid. 88, p. 186): c'est la glose du texte de saint Marc (vi, 3), qu'il était charpentier;-que Jésus-Christ naquit dans une grotte près de Bethléem (ibid. 78, p. 175): les grottes servaient très-fréquemment d'étable, même d'abri pour les hommes en Orient; Origène ne parle pas autrement, tout en usant du texte des Évangiles (C. Cels. 1, 51). Une circonstance un peu plus importante, c'est que ces paroles :

es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui, » sont données comme prononcées à l'époque du baptême (Dial. C. Tryph. 88, p. 186). Mais ces paroles sont rapportées de même par Clément d'Alexandrie, par Méthodius et par Lactance qui se servaient bien assurément des Évangiles; et saint Augustin en donne l'explication en disant qu'on les lisait ainsi dans quelques manuscrits. On les trouve aujourd'hui encore

1 Iren. adv. Hæres. v, 33, § 3 et 4; Clem. Alex. Strom. 1, 28, p. 153 et 1, 24, p. 150; Orig. Comm. in Joan. xix, 2, Opp. t. IV, p. 289 C; in Matth. t. XIII, § 2, Opp. t. III, p. 172 A. Voy. Norton, 1. 1. p. 227 et de Wette, S 75. On n'a jamais prétendu que toutes les paroles et tous les actes de Jésus aient été consignés dans l'Évangile. On serait contredit par l'Évangile même, qui, plusieurs fois, indique les guérisons miraculeuses en masse, sans entrer dans le détail (Matth. iv, 23, etc.).

dans l'un des plus fameux qui nous restent, le manuscrit de Cambridge, et dans quelques manuscrits latins '. Reste un dernier fait qui n'a son fondement ni dans les récits de l'Évangile, ni dans aucun autre témoignage : c'est qu'au jour du baptême, quand Jésus sortait de l'eau, un feu s'alluma dans le Jourdain (ibid. 88, p. 185); tradition née peut-être d'une fausse interprétation de ce qui est dit en saint Matthieu et en saint Luc, que Jésus-Chrit nous devait baptiser dans le Saint-Esprit et dans le feu. Du reste, saint Justin n'allègue l'autorité de l'Évangile que pour la descente du Saint-Esprit ; et si, par une extension que la forme du texte ne justifie pas, on voulait l'entendre de tout le passage, on pourrait dire encore avec Norton qu'il y avait, en cet endroit, quelque interpolation dans son manuscrit.

En résumé on a le droit de dire qu'il faut compter saint Justin parmi les témoins les plus éminents des Évangiles 2. S'il ne les a point nommés par les noms de leurs auteurs, il n'a rien fait que n'aient fait après lui tous les apologistes: Tatien, son disciple, Athénagore, Théophile, Tertullien, Minutius Félix, Arnobe, Lactance; et l'on peut dire qu'il les a cités, comme aucun autre ne l'a fait après lui en ces sortes d'ouvrages. Tertullien lui-même, qui, partout ailleurs, reproduit si souvent les textes des Évangiles, n'en allègue presque rien dans cette défense de la foi, que plus tard, à son tour, il présenta aux gentils: ad Gentes 3. Autant saint Justin abonde en citations de

1 Voy. Norton, p. 220-226.

'C'est l'opinion qu'ont défendue, en Allemagne, Neander, Winer, de Wette, Olshausen, et, après eux, Lücke. Voy. aussi Tholuck, p. 83. ' Paley, Evidences of Christian. ix, 1, 16; Norton, p. 218.

l'Évangile, autant il est sobre de tout détail qui y soit étranger. Un fait et une parole, voilà tout ce qu'il ajoute à l'histoire du Sauveur, telle qu'elle nous est donnée par les livres canoniques : et quand il garde cette réserve en un temps si voisin des temps apostoliques, il faut bien reconnaître que, parmi toutes les traditions nombreuses encore, sans doute, et jusqu'à un certain point autorisées, le texte sacré avait pris un empire devant lequel s'effaçait tout le reste. On peut donc avec toute assurance prendre le temps de saint Justin, c'est-à-dire le milieu du n° siècle, pour l'époque où nos Évangiles sont expressément cités. Veut-on les noms? Qu'on descende de quelques années, jusqu'au troisième quart de ce même siècle, et l'on trouvera en des ouvrages d'un genre différent, les noms, et avec. les noms les textes qui prouvent que ces noms s'appliquent bien aux livres gardés jusqu'à nos jours.

Il y avait en effet dès le n° siècle, et il y eut surtout depuis, une multitude de livres apocryphes appelés Évangiles, et désignés soit par les noms de ceux à qui on les rapportait: l'Évangile des douze Apôtres, de saint Pierre, de saint Jacques, de saint Thomas, de saint Matthias; soit par les noms de ceux qui en faisaient usage: l'Evangile selon les Hébreux, selon les Égyptiens; soit enfin par les noms de ceux qui les avaient notoirement publiés : l'Évangile de Basilide, de Marcion, d'Apelles, etc. '. Les derniers devaient être rejetés comme ayant été mutilés, corrompus pour le besoin de l'hérésie. L'Évangile des Hébreux fut négligé, comme n'étant, selon toute apparence, que le

1 Πρὸς δὲ τούτους ἀμύθητον πλῆθος ἀποκρύφων καὶ νόθων φραφῶν, (Iren. c. Hæres. 1, 20, § 1). Voy. la note rre à la fin de ce volume.

texte hébreu de saint Matthieu, retenu par des sectaires de race juive, les Nazaréens et les Ébionites, qui eurent dès lors toute liberté de l'accommoder à l'esprit de leur secte; et l'on croit que l'Évangile des Égyptiens était aussi un de nos Évangiles, adopté puis altéré par des hérétiques de cette nation 2. Quant aux premiers, plusieurs étaient de nature, au contraire, à se faire accueillir de la multitude; et si l'imagination des fidèles eût été la seule source de l'inspiration des Évangiles, assurément ils auraient conquis leur rang dans le canon car ils contredisaient moins qu'ils ne complétaient l'histoire évangélique ; et ils la complétaient sur les points où la curiosité populaire devait être le plus vivement excitée : l'Enfance de Jésus et de Marie, la Passion et la Résurrection.

On en peut juger même par les apocryphes qui sont arrivés jusqu'à nous l'Évangile de la Nativité de Marie présenté comme une première partie tenue secrète de saint Matthieu ; le Protévangile de saint

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'In Evangelio juxta Hebræos quod Chaldaico quidem Syroque sermone, sed Hebraicis litteris scriptum est, quo utuntur usque hodie Nazareni, secundum Apostolos, sive ut plerique autumant, juxta Matthæum, quod et in Cæsariensi bibliotheca habetur., (Hieron. adv. Pelag. III, init. t. IV, p. 533; cf. in Matth. xxvII, 9 et 16, t. IV, part. 1, p. 134–135; Catal. script. eccl. 3 et 16, t. IV, part. II, p. 102 et 107, etc.) De Wette ($64) a recueilli et disposé par ordre la suite des témoignages de saint Jérôme sur cet Évangile. Papias et Hégésippe l'avaient cité selon Eusèbe (Hist. eccles. 111, 39 et iv, 22), et l'on en trouve encore diverses citations dans Clément d'Alexandrie (Strom. 1, 6, p. 191; 9, p. 194; 13, p. 200, (Sylb.); Origène, in Joan. t. II, 6, Opp. t. IV, p. 63. Voy. encore Eusèbe, Hist. eccles. 11, 15.

2 Il est cité par Clém. d'Alexandrie, Strom. 1, p. 194 et 210 (Sylb.) et par Épiphane, Hæres. LXII, 2. Voy. de Wette, § 69 et 74.

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Thilo, et après lui Tischendorf, en ont donné deux textes : l'un, qui se continue par l'histoire de l'Enfance de Jésus: et Tischendorf a pu accroître de plusieurs chapitres ce que Thilo en avait publié ; l'autre, qui s'arrête à la première partie et paraît une révision du premier apo➡ cryphe.

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