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ancienne tradition au consulat des deux Géminus (C. Fufius Géminus et L. Rubellius Géminus), en l'an de R. 782 (29 de l'È. V). Mais Sanclemente, qui adopte pourtant cette tradition sur le temps de la Passion du Sauveur, n'hésite pas à repousser une interprétation aussi forcée du texte de saint Luc. En considérant l'usage universel et les circonstances de l'avénement de Tibère, il lui paraît impossible d'entendre l'empire de ce prince autrement que de son avénement au pouvoir après la mort d'Auguste. Qu'on en jugé par les textes

mêmes.

Tacite, il est vrai, dit que Tibère fut le collègue d'Auguste dans l'imperium et dans la puissance tribunitienne, collega imperii, consors tribunitiæ potestatis ' : mais ce dernier titre n'exprime qu'un des pouvoirs d'Auguste dans la ville, et l'autre son pouvoir hors de la ville; ce que Velléius explique en disant « qu'il reçut les mêmes droits qu'Auguste et dans les provinces et dans les armées 2; » et Suétone : « le droit d'administrer les provinces en commun avec Auguste 3. » Or ces pouvoirs, parfaitement définis, ne lui conféraient point encore cette chose que la prudente politique du fondateur de l'Empire avait laissée vague à dessein, et qui n'en était pas moins le rang suprême chose nouvelle,

'Drusoque pridem exstincto, Nero solus e privignis erat: illuc cuncta vergere filius, collega Imperii, consors tribunitia potestatis adsumitur, omnisque per exercitus ostentatur. (Ann. I, 3.)

2 Senatus populusque Romanus (postulante patre ejus) ut æquum ei jus in omnibus provinciis exercitibusque esset, quam erat ipsi, decreto complexus... (Vellei. II, 121.)

3 A Germania in urbem, post biennium regressus, triumphum, quem distulerat, egit... Ac non multo post, lege per Consules lata, ut provincias cum Augusto communiter administraret, simulque censum ageret, condito lustro, in Illyricum profectus est. (Suet. Tib. 20, 21.)

1

ou si l'on veut, renouvelée, qui, ne pouvant se définir que par un titre odieux, se cacha d'abord, et se perpétua depuis sous ce nom de respect, accepté par l'ancien triumvir, quand il abandonna son nom d'Octave pour se laisser appeler Auguste. Tacite a-t-il jamais pu entendre que Tibère ait, dès ce moment, commencé de régner? Mais alors pourquoi voit-on dans son récit le peuple romain, pendant les derniers jours d'Auguste, partagé entre les espérances du changement et la crainte des nouveaux maîtres dont on était menacé ? Pourquoi voit-on Livie, redoutant pour son fils le jeune Agrippa, relégué dans l'exil; « la même renommée apprenant qu'Auguste est mort et Tibère maître du pouvoir 2; » Agrippa mis à mort,« premier crime du nouveau principat3; » les sénateurs se ruant dans la servitude, et composant leur visage, « de peur de paraître joyeux de la mort du dernier prince, ou trop tristes en ce commencement; » ne læti excessu principis, neu tristiores PRIMORDIO; Tibère écrivant aux armées comme s'il avait reçu le principat, mais se conduisant tout autrement à l'égard du sénat, << parce qu'il voulait qu'on dît qu'il avait été appelé au pouvoir par le choix de la république, et non qu'il s'y était glissé par les intrigues d'une femme auprès de son mari, et par l'adoption d'un vieillard ? Et la scène qui se passe dans le sénat entre Tibère et les membres de cet ordre, prouve bien que personne, pas plus que lui, ne se croyait en l'an 3 de son règne. On le presse, il refuse il dit que le génie seul du divin Auguste a pu

:

1 Tac. Ann. I, 4. 2 Ibid. 5.

› Primum facinus novi principatus, ibid. 6. - Ibid. 7.

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fire à un tel fardeau; que lui-même, appelé à partager ses soins, a pu apprendre par expérience combien difficile et soumise à la fortune était la charge de tout régir; que dans un État soutenu de tant de noms illustres, ils feraient bien de ne pas tout remettre à un seul. Alors gémissements, larmes et prières des sénateurs qui n'ont qu'une peur, c'est de paraître le comprendre. L'un s'écrie « Si vous ne voulez de la république tout entière, dites quelle part vous en voulez; » et il s'empresse de couvrir cette hardiesse par des paroles serviles. Un autre : « Jusques à quand souffrirez-vous que la république demeure sans tête? » Enfin, las de ces cris et de ces prières, il cède peu à peu, sans déclarer qu'il accepte l'empire, cessant plutôt de le refuser '. Quoi de plus expressif que ce tableau, si ce n'est peut-être la manière dont Velléius Paterculus et Suétone le résument : « Il y eut pourtant, dit Velléius, un combat dans la ville, le sénat et le peuple luttant contre César, pour le contraindre à succéder au rang de son père. « Enfin, dit Suétone, il reçut l'Empire comme cédant à la force, et gémissant d'une si pénible et si pesante servitude 2. »

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Pour clore par des preuves décisives toute cette argumentation, Sanclemente invoque l'autorité des médailles. Tibère avait la puissance tribunitienne pour la seizième fois quand mourut Auguste sur toutes les médailles qui précèdent, il porte le titre de César et de fils d'Auguste; sur celles qui suivent seulement, il prend pour lui-même le nom d'Auguste qui est, nous l'avons

1 Tac. Ann. I, 11-13.

2 Tandem quasi coactus et querens, « miseram et onerosam injungi sibi servitutem,» recepit imperium (Suet. Tib. 24). Una tamen veluti luctatio civitatis fuit, pugnantis cum Cæsare senatus populique romani, ut stationi paternæ succederet (Vell. II,124).

vu, le signe de l'empire '. De plus, dit encore Sanclemente, de toutes les médailles latines ou syriennes du règne de Tibère, il n'y en a pas une qui lui donne un autre commencement que la mort d'Auguste, et plusieurs établissent expressément celui-là. Ainsi des médailles frappées à Antioche et à Séleucie sous le gouvernement de Silanus, portent les nombres A EM, I ZM c'est-à-dire 1 et 45; 3 et 47. Le premier chiffre est l'année de Tibère; le deuxième, celle de l'ère actiaque. Or, la bataille d'Actium datant de l'an 723 de R., la quarante-cinquième année, liée sur la médaille à la première de Tibère, commencera en l'année 767 de R., ou 14 de l'È. V., qui est l'année où mourut Auguste. C'est donc bien de la mort d'Auguste que datent les années de Tibère pour les provinces comme pour Rome, et notamment pour la Syrie d'où était saint Luc2.

L'an 15 de Tibère doit donc être entendu au sens vulgaire de sa quinzième année depuis la mort d'Auguste, du 19 août 781 au 19 août 782 de Rome., (28-29 de l'È. V. )3 ; et l'interprétation doit porter sur

1 1 Comparez, par exemple, ces deux médailles : l'une, de l'année qui précéda la mort d'Auguste, portant: TI. CÆSAR AUG. F. TR. POT. Xv et de l'autre côté: Cæsar Augustus divi f. pater FATRIÆ; l'autre, de l'année suivante, Auguste étant mort: TI. CÆSAR DIVI AUG. F. AUGUSTUS; et, au revers: IMP. VII TR. POT. XVI; et toutes les médailles antérieures ou postérieures à cette époque, ap. Eckhel, D. Num. t. VI, p. 184-198.

2 Sanclemente, de Anno Dom. pass. append. p. 515, et la note xxxIV à la fin de ce volume.

3 Le P. Patrizzi qui, en datant la rentrée triomphale de Tibère à Rome et le commencement de son association du commencement de l'an de R. 765, prétend que l'on compta ses années de la néoménie de Tisri 764 chez les Juifs ou de la néoménie de Dius 764 à Antioche (de Evang. III, xxxix, no4), avait pourtant reconnu que, postérieurement à la mort d'Auguste jusqu'à la mort d'Adrien, on comptait les années des Empereurs du jour de leur avénement, et que c'était notamment la coutume d'Antioche (ibid. XIX, n 28).

ce que dit saint Luc, à savoir que Jésus-Christ avait, quand il fut baptisé, « environ trente ans. »

Cette expression se doit prendre au sens le plus large c'est de droit pour les nombres décimaux, selon Képler; et, à son avis, les mots « environ trente ans, » peuvent se dire d'un homme qui a plus de vingt-cinq ans et moins de trente-cinq '. Ajoutons que, selon quelques interprètes, le véritable objet de saint Luc, en ce passage, est, non de fixer une époque dans la rigueur des termes, mais d'établir que Jésus-Christ, en commençant son ministère, avait passé l'âge sacerdotal qui était de trente ans 2. En l'an 15 de Tibère, c'est-àdire, l'an de Rome 781-782, Jésus-Christ aurait donc eu de trente-quatre à trente cinq ans si on le suppose né le 25 décembre 747 et de trente-deux à trente-trois ans s'il est né seulement en l'an de Rome 749. Nous inclinerions de préférence vers le terme qui s'éloigne le moins du nombre rond donné par l'Évangéliste; mais puisque le témoignage de Tertullien, puisque le passage de Josèphe sur le serment prêté par toute la nation, passage où l'on s'accorde à voir une allusion au recensement, nous reporte au gouvernement de Saturninus, il convient peut-être, saint Luc n'étant pas un obstacle, de se déterminer avec Sanclemente et la plupart des chronologistes les plus modernes, pour le 25 décembre 747. Nous ne parlons pas du système de

1 De Anno nat. Chr. XII, p. 140-141. Il en serait tout autrement s'il avait dit environ vingt-neuf ans : ici l'approximation ne comporterait que des mois; cf. Magnan, de Anno nat. Chr. prop. iv, cor. 17, p. 358.

2 Huschke, Ueber den Census, etc. II, p. 98; Casaubon rappelle aussi que l'âge sacerdotal était de trente ans, et que saint Luc, par son terme d'approximation (woɛì) semble marquer plus de trente ans (Exerc. in Baron. XIII, 9, p. 250).

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