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CHAPITRE II.

EXAMEN DES OBJECTIONS. -LES MIRACLES.

Les objections faites aux récits des évangiles se peuvent ramener à trois classes. Les unes que j'appellerai de fantaisie : car elles reposent sur des convenances dont chacun se fait juge; d'autres qui procèdent du rationalisme; d'autres enfin qui relèvent de l'histoire.

Les premières ne sont pas les moins nombreuses, et elles s'appliquent aux faits naturels aussi bien qu'aux faits surnaturels. On n'épargne point les questions : Pourquoi l'ange punit-il Zacharie, qui lui demande un signe ? Paulus trouve qu'il l'aurait dû bien plutôt louer de cet esprit d'examen '. A quoi bon l'apparition des anges aux bergers? A publier la naissance de Jésus? mais on n'en sait rien à Jérusalem, quand viennent les Mages. A la faire connaître de ces pauvres gens? on ne paraît pas croire qu'ils en vaillent la peine 2. L'étoile des Mages, indépendamment du débat qu'elle doit soulever, provoque des questions de même sorte. Pourquoi Hérode s'enquiert-il aux Mages du temps de son apparition? Pour juger de l'âge de l'enfant, sans doute; mais cela est trop simple et ne souffrirait pas de ré

1 Paulus, Exeget. Handbuch über die drei ersten Evangelien, § 2, t. I, p. 77 (1842).

2 Strauss, Vie de Jésus, § 32, t. I, p. 244-245.

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peu

plique. On prétend qu'Hérode ne l'a pu faire que dans la pensée de massacrer les innocents, et alors on conclut qu'il ne l'a pas fait la pensée du massacre n'ayant dû lui venir qu'après que les Mages eurent trompé ses desseins. Mais comme son plan était mal habile et digne de son esprit de ruse! si, pour prendre Jésus, il eût suivi l'une des voies qu'on lui trace, combien l'œuvre de nos critiques eût été simplifiée! Toutefois ne les accusons point d'en vouloir eux-mêmes à la vie de l'enfant. Ils ne conspirent point avec Hérode; ils s'en prennent bien plutôt à l'étoile : si elle avait mené les Mages directement à Bethlehem, les innocents étaient sauvés 2 !

Les scènes toutes simples et naturelles de la Présentation au temple et de la Purification ne sont pas mieux accueillies car on y voit le vieillard Siméon, on y voit Anne la prophétesse; et l'on demande à quoi bon une manifestation si bornée, et s'il convient à l'intervention divine de susciter de pareils témoins dont la voix ne sort pas du temple! Humbles témoins, sans doute, (et quels autres a cherchés le Sauveur?) mais leur voix, recueillie par l'Évangile, retentit encore chaque jour sur tous les points de l'univers. Dans le voyage de Jésus enfant à Jérusalem, on trouve que Marie et Joseph n'auraient point dû le perdre. Strauss repousse le reproche, et ne voit rien d'absolument invraisemblable

Strauss, § 33, t. I, p. 258. 2 Ibid. t. I, p. 260. 3 Ibid. § 37, t. I, p. 295.

4 << On trouvera, dit-il, naturel et juste que des parents n'aient pas tenu continuellement sous les yeux, avec une attention inquiète, un garçon de douze ans, ce qui, dans l'Orient, est autant que chez nous un garçon de quinze, et aussi formé de caractère que Jésus avait déjà dù se montrer.» (Vie de Jésus, § 39, t. I, p. 313.) Le docteur Strauss a une manière de défendre qui fait regretter ses attaques.

dans la scène de Jésus assis parmi les docteurs. Mais comment Jésus a-t-il déjà le sentiment qu'il est le Christ? Comment Marie ne comprend-elle pas sa réponse? Si un chrétien n'a pas de peine à s'expliquer la première chose, l'autre, on le veut croire, le doit mettre dans un grand embarras. Les chrétiens sont moins embarrassés qu'on ne le pense de ces difficultés; car ils trouvent dans l'Évangile des enseignements de plus d'une sorte. Si l'Évangile leur apprend des faits, il leur enseigne aussi des devoirs et des vertus: « Marie, dit Bossuet sur ce passage, concevait sans doute ce qu'il disait à Dieu son Père, parce que l'Ange lui en avait appris le mystère ce qu'elle ne conçut pas aussi profondément qu'il le méritait, c'étaient ces affaires de son Père, dont il fallait qu'il fût occupé. Apprenons que ce n'est pas dans la science, mais dans la soumission que consiste la perfection. Pour nous empêcher d'en douter, Marie même nous est représentée comme ignorant le mystère dont lui parlait ce cher Fils. Elle ne fut point curieuse ; elle demeura soumise : c'est ce qui vaut mieux que la science'. » Mais voilà une réponse qui fera sourire nos savants. Ils se croiront plus que jamais le droit de ne tenir aucun compte de Bossuet sur ces matières. Vous trouverez en effet, parmi ceux qu'on cite dans cette discussion, des noms fort estimables, bien qu'ignorés de la plupart des hommes; mais de Bossuet, pas un mot comme si, dans ses Élévations sur les mystères, il n'était pas assez profond, et dans ses Méditations sur l'Évangile, assez précis, assez lumineux! comme s'il n'avait pas confondu à l'avance la plupart de ces misé

1 Élévat. sur les Mystères, xx, 7.

rables arguties que l'on oppose à l'Évangile! Mais c'est peut-être une raison pour qu'on en parle moins. Il vaut mieux l'écarter du débat ou se tenir à distance. On fuit cette grande lumière. Ce n'est pas là, si l'on en croit l'Évangile, le signe de l'homme qui cherche la vérité Omnis enim qui male agit, odit lucem, et non venit ad lucem, ut non arguantur opera ejus. Qui autem facit veritatem venit ad lucem, ut manifestentur opera ejus, quia in Deo sunt facta (Joan. 111, 20 et 21).

Arrivons à la vie publique de Jésus. Elle s'ouvre par son baptême. Strauss y oppose ce dilemme : Ou l'acte est sérieux, et Jésus se reconnaît pécheur; ou il se croit impeccable, et l'acte n'est qu'une comédie. Jésus avait répondu à ce blasphème quand il disait à Jean pour vaincre sa résistance : « Laissez-moi faire maintenant, car c'est ainsi que nous devons accomplir toute justice; mais Strauss insiste, et pour trouver toute justice accomplie, il veut que Jésus se confesse à saint Jean-Baptiste. Le personnage de Jean lui-même est pour nos critiques le problème le plus difficile. On ne s'explique ni son langage ni sa manière d'agir; et cela n'est pas aisé, nous le reconnaissons, en dehors de la tradition évangélique. Pourquoi, si rien ne lui dit qu'il soit inférieur à Jésus, n'est-il pas jaloux des succès de Jésus ? Comment a-t-il entendu ce que les Apôtres n'entendaient pas avant la Résurrection: le caractère du Messie souffrant, du Christ immolé pour les hommes: « Voilà l'Agneau de Dieu ?? » On ne comprend pas davantage la vocation des Apôtres : comment ils ont pu

'Strauss, $ 47, t. I, p. 400. - Ibid. § 44, t. I, p. 373.

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suivre Jésus sur ce seul mot « Suivez-moi ', » ou comment, pour saint Matthieu, par exemple, « Jésus, qui l'avait observé depuis longtemps, n'a pas su trouver une occasion de l'attirer peu à peu et paisiblement à sa suite, au lieu de l'arracher avec tant de hâte à ses occupations 2. » Mais ce qu'on s'explique moins, c'est la conduite de Jésus envers Judas. Si Jésus, comme le dit saint Jean, savait dès le commencement qui le devait trahir, comment l'a-t-il pris pour apôtre? Eh quoi! « il avait démêlé en lui cette soif de l'argent qui le poussa au crime, et il en fait son caissier; il lui fournit l'occasion d'être voleur, et il nourrit, ce semble, à dessein en lui, tous les instincts qui devaient en faire un traître!.. Le laisser dans sa société en raison de la possibilité d'un amendement qu'il savait cependant ne devoir pas se réaliser, ce serait une inhumanité divine, mais ce ne serait pas la conduite d'un Dieu-Homme3. » Ainsi, Judas est la victime! De tout temps, il le faut dire, on a trouvé, chez les adversaires des saints Livres, une faveur toute particulière pour Judas. Déjà parmi les sectaires dont saint Irénée a fait le tableau, certains gnostiques qui prenaient parti pour les personnages sacrifiés, selon eux, par les Écritures, pour Caïn contre Abel, pour Saül contre David, etc. (on les nommait les Caïnites), disaient que Judas avait livré Jésus, sachant que, par sa mort, devait s'accomplir la rédemption* ; et parmi les théologiens rationalistes, plusieurs ont soutenu des opinions analogues. Si Judas a livré

'Strauss, § 68, t. I, p. 553. -2 Ibid. § 70, t. I, p. 572.

3 Ibid. § 105, t. II, p. 404 et 407.

Iren. c. Hæres. I, xxx1, 1; Epiphan. c. Hærés. xxxvIII, 3, et Strauss, S 116, t. II, p. 410.

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