Obrazy na stronie
PDF
ePub

déjà conclure de tout l'ensemble du récit, qu'il ait été compagnon de saint Paul, aura pu tenir ces détails de saint Paul lui-même, disciple de Gamaliel? S'il fallait sacrifier l'un ou l'autre, en bonne critique on ne saurait guère hésiter; mais cela n'est pas indispensable. Rien ne marque, dans les circonstances des deux récits, qu'il s'agisse du même homme, (rien que le nom. Or, serait-il bien étrange qu'il y ait eu deux séditieux de ce nom dans un temps si fécond en mouvements de cette sorte? Dans Josèphe même on en trouve cinq du nom de Simon, trois du nom de Judas, Judas le Galiléen, Judas fils d'Ézéchias, et Judas fils de Saphorée. Il y a plus: Usher a remarqué que le Jehudah des Hébreux est le Theudah des Syriens, et que ces deux formes du même nom s'échangent quelquefois dans la langue de la Palestine (ainsi l'Apôtre Jude de saint Luc est le Thaddée de saint Marc); et il en a conjecturé que le Theudas des Actes des Apôtres pourrait bien être le Judas, fils d'Ézéchias, dont il est parlé dans Josèphe. Du reste, rien n'empêche qu'il ne soit un des nombreux rebelles que l'historien a pu omettre dans son récit. Il n'y a donc pas lieu d'opposer l'un à l'autre, ni d'accuser ici d'erreur, soit saint Luc, soit Josèphe.

En est-il autrement de l'imposteur Égyptien dont il est parlé au chapitre xx1 des Actes, quand le tribun romain, qui a soustrait saint Paul aux mains des Juifs, lui demande : « N'êtes-vous pas cet Égyptien qui, dans ces derniers temps, a excité une sédition, et entraîné au désert quatre mille sicaires (v. 38)? »

Josèphe a deux récits de cet événement. Dans la Guerre des Juifs (II, viii, 5) il raconte que cet Égyptien, se donnant comme prophète, entraîna jusqu'à

:

trente mille hommes et les amena du désert au mont des Oliviers, menaçant d'envahir Jérusalem et de s'y établir. Mais Félix vit tout le peuple se joindre aux Romains pour le combattre. L'Égyptien s'enfuit avec peu de monde la plupart de ses compagnons furent tués, quelques-uns pris, et le reste dispersé. Dans les Antiquités (XX, ví, 6), il est dit que le prétendu prophète séduisit la multitude et lui persuada de venir avec lui jusqu'au mont des Oliviers, promettant que les murs de Jérusalem tomberaient en sa présence. Mais, tandis qu'on attend le miracle, Félix attaque les séditieux, quatre cents sont tués, deux cents faits prisonniers, et l'Égyptien prend la fuite.

Voilà ce que dit Josèphe. Mais avant de l'opposer à saint Luc, il serait bon de le mettre d'accord avec luimême : les trente mille hommes dont la plupart sont tués, dans le premier récit, vont assez mal avec les quatre cents qui sont tués, dans le second. Il serait même beaucoup plus facile de concilier saint Luc avec Josèphe que les deux récits de Josèphe l'un avec l'autre. Le nombre du livre des Actes répond mieux que celui de la Guerre des Juifs, au nombre des hommes tués ou pris dans cette déroute, selon les Antiquités. Disons, d'ailleurs, qu'il ne contredit pas le nombre de ceux qui suivaient l'Égyptien, selon le premier récit de Josèphe car saint Luc, parlant des sicaires, désigne les brigands enrôlés par l'Égyptien; Josèphe, dans les trente mille hommes du premier récit, comprend évidemment la multitude qui vint se joindre à leur troupe. Pour tout le reste, l'accord est parfait. Cet Égyptien, qui n'est nommé ni dans l'un ni dans l'autre des deux auteurs, fit sa tentative sous le gouverne

ment de Félix, nous dit Josèphe : c'est aussi sous Félix que saint Paul est arrêté; et l'on voit que l'autre événement était tout récent encore (ante hos dies). Josèphe dit. que l'Égyptien échappa: cela résulte aussi du récit de saint Luc, puis que le tribun demande à saint Paul s'il n'est pas cet Égyptien ; et la fureur que le peuple montrait contre lui, venait à l'appui de cette conjecture, puisqu'on sait par Josèphe que le peuple, contre son habitude, s'était montré hostile à ce faux prophète '.

On a relevé encore dans les Actes un mot de saint Paul, quand, repris pour la vivacité avec laquelle il s'était récrié contre la violence du grand-prêtre Ananias, il répond: « Mes frères, je ne savais pas qu'il fût grand-prêtre (xxIII, 5). » Est-ce une erreur de l'historien ou une mauvaise excuse de saint Paul? Il semble difficile de justifier l'un sans charger l'autre ; et comment admettre que saint Paul n'ait pas su qui était le grand-prêtre en ce temps-là ?- Ananias, fils de Nébédée, était investi de cette dignité quand Hélène, reine de l'Adiabène, envoya du blé aux Juifs dans une famine. Saint Paul, qui vint alors à Jérusalem (Act. xv), le devait donc savoir. Mais après le premier concile de Jérusalem, Ananias fut dépossédé et envoyé prisonnier à Rome par Quadratus, gouverneur de Syrie, en même temps que le procurateur Cumanus recevait l'ordre d'aller rendre compte de ses actes 3. Ananias fut relâché presque immédiatement, sans doute : car Claude

1 Voy. sur Theudas, Casaub. Exercit. in Baron. 11, 18, p. 196 et suiv. et sur les deux questions, Michaelis, II, 12; Lardner, II, vii et viii, t. I, p. 425-439; Paley, l. 1. § 3, 39 et 40; Tholuck, p. 178-180 et 396-400. 3 Ant. XX, vi, 2 et B. Jud. II, xu, 6.

2 Ant. XX, v, 2.

1

donna tort à ses accusateurs ; mais après son départ, il avait eu un successeur.- Comment donc, s'il n'est plus grand-prêtre, joue-t-il le rôle qui lui est attribué dans les Actes? - Jonathan, successeur d'Ananias dans le pontificat, avait été tué par l'ordre de Félix, avant la révolte de l'Égyptien, et, par conséquent, avant le retour de saint Paul; et la place resta inoccupée jusqu'à l'avénement d'Ismaël, nommé par Agrippa, vers la fin du gouvernement de Félix 2. En ces circonstances, Ananias, ancien grand-prêtre et qui, comme on le par la suite, avait gardé une grande considération dans Jérusalem, avait pu être appelé à remplir certaines fonctions du grand-pontificat. Cela explique sa place à la tête du conseil où comparaît saint Paul; mais saint Paul, sans discuter son titre, n'en avait pas moins le droit de dire qu'il ne savait pas qu'il en fût revêtu.

voit

Ainsi, sur tous ces points encore, l'objection se tourne en preuve, et les difficultés, en provoquant un examen plus attentif, font saisir des traits si déliés et si exacts, qu'il est impossible de n'y pas voir la marque du temps.

L'authenticité des Actes établie, on pourrait, comme on l'a fait pour les Épîtres, en tirer directement des conséquences qui dispenseraient de pousser plus loin la discussion. On demande un témoin des faits. L'auteur des Actes, un contemporain, un témoin lui-même peut-être, et assurément un homme qui a vécu dans le commerce des témoins les plus directs, commence par raconter l'Ascension, c'est-à-dire la Résurrection au degré de l'apothéose, s'il est permis de prendre ici

1

Ant. ibid. 3; B. Jud. ibid. 7. - Ant. VIII, v, 8. 3 Ibid. IX,

-

2.

cette expression païenne, la preuve sensible non-seulement que Jésus-Christ est ressuscité, mais qu'il est, ce qu'il avait dit, le Fils de Dieu; et dans la suite, retraçant la première prédication de l'Évangile, il nous garde les discours où saint Pierre, saint Paul, affirmaient, avec la Résurrection, les principaux fondements de la Foi. Voilà donc un témoin, un témoin exact et bien informé : car tous les moyens imaginés pour ébranler l'authenticité de son témoignage n'ont servi qu'à prouver sa véracité en même temps. Et qui d'ailleurs ne serait frappé du ton de sincérité qui respire dans cette histoire? Nulle emphase, aucun de ces artifices de langage qui tendent à donner plus de relief aux événements. Prenez cette partie du livre où l'auteur, par les formes mêmes de son récit, se donne comme témoin direct : je veux dire ce qui regarde saint Paul. Qu'est-ce que saint Paul dans les Actes? un grand Apôtre, un homme de Dieu : mais est-ce un homme dont chaque parole soit une prophétie, chaque action un prodige? Nullement : saint Paul y est tel qu'on le voit dans les Épîtres, attestant sa mission, mais ayant de l'homme ses nécessités, même ses ignorances. Il y a des choses que saint Paul ignore, il a même des pressentiments qui sont trompés, comme au temps où, revenant à Jérusalem, il exprimait aux Romains l'espoir de les aller voir, en passant pour se rendre en Espagne 2. Durant sa captivité, quand les Juifs conspirent contre lui, comment se préserve-t-il de leur complot? Par des moyens tout naturels. C'est le fils de la sœur de saint Paul qui l'apprend, qui le lui dé

1 Voy. Michaëlis, II, II, 11 et Paley, l. 1. § 21.

2 Act. xx, 22; cf. Rom. xv, 24.

« PoprzedniaDalej »