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Tellement que du haut charmant d'abord les yeux,
Une femme superbe en un poisson hideux

Se termine.

A l'aspect d'un semblable délire, Pourriez-vous, mes amis, vous empêcher de rire ?

I! nous semble d'abord que ni l'une ni l'autre de ces deux traductions ne reproduit l'élégante précision de l'original, ni ne retrace exactement l'image bizarre présentée à dessein par le poète. Nous ajouterons que la traduction de M. de Sy nous paraît bien meilleure que la version pâle et incorrecte de M. Poupar. A l'humaine figure, dans un sens déterminé, ne rend point exactement humano capiti, et les mots : undique collatis membris, nécessaires à l'ensemble du tableau, ne se trouvent point traduits, à moins que l'on ne prétende que leur sens se trouve indiqué par ce vers de remplissage:

Qu'il joigne à ce caprice un caprice nouveau.

Je ne parlerai point du pourriez-vous, qui fait, dans la phrase, un véritable solécisme, et qui peut n'être qu'une faute d'impression.

La traduction de M. de Sy me semble, sinon beaucoup meilleure, du moins plus fidèle et plus correcte. Là, du moins, le traducteur a essayé de tout rendre, et, s'il n'a pas réussi à reproduire avec toute l'élégance désirable les idées de son auteur, on doit toutefois lui savoir quelque gré de l'avoir essayé. Mais, tout en rendant justice aux efforts de M. de Sy, nous ne saurions passer sous silence les négligences qu'on peut lui reprocher :

Et de maint animal

Emprunter quelque membre......

Ces deux demi-vers ne rendent nullement undique collatis membris, qui indique la réunion de plusieurs membres empruntés, non à maint animal, mais à divers animaux ; et de plus, dans ce passage, l'impropriété de l'expression rend l'idée tellement obscure ou incomplète, que le français ne saurait être compris qu'à l'aide du latin. A l'aspect d'un semblable délire.....

Nouvelle impropriété d'expression. Le délire s'entend généralement d'une aberration momentanée, qui ne saurait constituer un état permanent. En conséquence, le tableau dont parle le poète, pourrait bien être l'effet du délire, mais il ne saurait lui-même être un délire.

De peur de paraître trop sévère, nous n'insisterons pas sur les enjambemens assez hardis que se permet M. de Sy : ils annoncent un homme peu exercé à écrire en vers, et qui regarde comme une beauté ce qui n'est souvent qu'un défaut ridicule et choquant. Nos grands poètes se sont, en général, scrupuleusement interdit cette licence, ou n'en ont usé que dans des circonstances infiniment rares, et dans des cas où une exception de ce genre pouvait produire quelque effet. Nous observerons, en passant, que la traduction de M. Poupar, ou la première édition de M. de Sy, comme on voudra l'appeler, offre ce même abus de l'enjambement.

Nous venons de voir que les deux traducteurs n'ont pas beaucoup mieux réussi l'un que l'autre à rendre le début de l'Art poétique; mais il est juste d'avouer que ce début offre à un traducteur, et surtout à un traducteur en vers, des difficultés presque insurmontables, à cause de son extrême et inimitable précision. Nous allons exa

miner un morceau d'un autre genre, et juger si les imitateurs ont été plus heureux :

Ut silvæ foliis pronos mutantur in annos;
Prima cadunt: ita verborum vetus interit ætas,
Et juvenum ritu florent modo nata, vigentque.
Debemur morti nos nostraque; sive receptus
Terra Neptunus classes aquilonibus arcet,
Regis opus; sterilisvę diu palus aptaque remis,
Vicinas urbes alit et grave sentit aratrum;
Seu cursum mutavit iniquum frugibus amnis,
Doctus iter melius: mortalia facta peribunt;
Nedum sermonum stet honos, et gratia vivax.
Multa renascentur quæ jam cecidere, cadentque
Quæ nunc sunt in honore vocabula, si volet usus
Quem penes arbitrium est et jus et norma loquendi.
v. 60-72.

La traduction de ce morceau étant à peu près exactement la même dans les deux éditions, nous nous contenterons d'offrir ici la version de M. de Sy, et nous indiquerons en note les variantes que présente celle de M. Poupar :

Le feuillage aux forêts remplace le feuillage;

Tels nous voyons les mots rajeunir le langage (1).
Tout naît, vieillit et meurt; nos ouvrages et nous 9
La mort aux mêmes lois nous assujettit tous.
Soit qu'au sein de la terre introduisant Neptune (2),

(1) Ainsi l'on voit les mots....

(2) Soit que des élémens forçant la loi commune,
Jule au sein de la terre introduise Neptune,
Et, dans un vaste môle emprisonnant les flots,
Défende aux aquilons d'en troubler le repos ;
Soit que l'agriculture, en campagnes utiles,
Ait converti le sol des marais infertiles,
Ou qu'à changer de route.....

César des élémens force la loi commune,
Et, par un vaste môle emprisonnant les flots,
Contre les aquilons protége ses vaisseaux;
Soit que l'agriculture, alimentant les villes,
Change en un sol fécond des marais infertiles;
Soit qu'à changer de cours heureusement instruit,
Le Tibre ait à Cérès abandonné son lit,

Tout œuvre des mortels doit périr avec l'âge (1):
Et l'on veut que le temps respecte le langage!
Non! l'usage est son maître ; et, selon qu'il prescrit (2),
Le mot brille ou s'éteint, se fane ou refleurit.

Cette traduction, à quelques taches près qu'il eût été facile de faire disparaître, nous parait offrir une copie aussi élégante que fidèle de l'original. Presque partout les idées de l'auteur et ses expressions sont rendues avec exactitude, et l'on ne trouve point ici cette impropriété de langage, et ces enjambemens répétés qui font un si mauvais effet dans le premier morceau que nous avons cité; aussi le style y gagne-t-il beaucoup du côté du nombre et de la précision : le passage,

Seu cursum mutavit iniquum frugibus amnis,
Doctus iter melius......

nous paraît rendu très-heureusement par ces deux vers, qui présentent une image qu'Horace n'aurait pas désavouée :

Soit qu'à changer de cours heureusement instruit,

Le Tibre ait à Cérès abandonné son lit;

(1) Les œuvres des mortels périront.... (2) L'usage est son tyran.....

et le vers qui termine le morceau nous paraît également se distinguer par une heureuse précision :

Le mot brille ou s'éteint, se fane ou refleurit.

Dût-on nous accuser de pousser la critique jusqu'à la minutie, nous signalerons pourtant deux incorrections dans ce passage auquel nous avons payé un juste tribut d'éloges dans ce vers :

César, des élémens force la loi commune

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le mot force ne nous paraît pas rendre bien exactement la pensée de l'auteur: matrise eût été le mot propre, mais ne pouvait être remplacé par celui que M. de Sy a adopté, sans doute à cause de la mesure de son vers.

Et plus bas :

Non l'usage est son maître, et selon qu'il prescrit....

Nous ne pensons pas que le verbe prescrire puisse se prendre ainsi dans un sens absolu; nous croyons, au contraire, qu'il doit toujours être suivi d'un régime. Ces observations pourront sembler un peu rigoureuses ; mais nous les regardons comme fondées; on ne saurait, d'ailleurs, se montrer trop sévère à cet égard.

Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin
Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain.

Si nous comparions maintenant les deux traductions, nous prouverions sans peine la supériorité du travail de M. de Sy, qui ne semble qu'un perfectionnement de celui de M. Poupar, dans lequel se retrouvent, au reste,

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