Par ses Manes, par vous, vous trop malheureux père, De nous aimer en vous, d'etre unis pour vous plaire, De former nos liens dans vos bras paternels. Seigneur , les échaffauts ont été nos autels. Mon amant, mon époux cherche un trépas funeste, Et l'horreur de ma honte est tout ce qui me reste. Voilà mon fort.
A R G I R E.
Eh bien ! ce sort est réparé ; Et nous obtiendrons plus que tu n'as espéré.
Partagez l'allégresse publique.
Jouissez plus que nous de ce prodige unique. Tancrède a combattu : Tancrède a dissipé Le reste d'une armée au carnage échapé. Solamir est tombé fous cette main terrible; Victime dévouée à nôtre Etat venge Au bonheur d'un pays qui devient invincible, Sur-tout à vôtre nom qu'on avait outragé.
La promte renommée en répand la nouvelle; Ce peuple yvre de joye, & volant après lui, Le nomme son héros , sa gloire , son appui , Parle même du trône où sa vertu l'appelle. Un seul de nos guerriers, Seigneur , l'avait suivi ; C'est ce même Aldamon qui sous vous a servi. Lui seul a partagé ses exploits incroyables ; Et quand nos Chevaliers , dans un danger si grand , Lui sont venus offrir leurs armes secourables , Tancrède avait tout fait ; il était triomphant. Entendez-vous ces cris qui vantent sa vaillance ? On l'élève au-dessus des héros de la France, Des Rolands , des Lysois, dont il est descendu. Venez voir mille mains couronner sa vertu. Venez voir ce triomphe, & recevoir l'hommage Que vous avez de lui trop longtems attendu. Tout vous rit, tout vous sert, tout venge vôtre outrage i Et Tancrède à vos væux est pour jamais rendu.
Ah ! je respire enfin ; mon cæur connait la joye. Ah! mon père, adorons le Ciel qui ne renvoye , Par ces coups inouis , tout ce que j'ai perdu. De combien de tourmens fa bonté me délivre! Ce n'est qu'en ce moment que je commence à vivre. Mon bonheur est au comble, hélas ! il m'est bien dû. Je veux tout oublier; pardonnez moi mes plaintes Mes reproches amers, & mes frivoles craintes.
Oppref
Oppresseurs de Tancrède, ennemis , citoyens, Soyez tous à ses pieds, il va tomber aux miens.
ARGIR E. Oui , le Ciel pour jamais daigne essuyer nos larmes, Je me trompe , ou je vois le fidéle Aldamon, Qui suivait seul Tancrède, & fécondait ses armes ; C'est lui , c'est ce guerrier si cher à ma maison. De nos prospérités la nouvelle est certaine. Mais d'où vient que vers nous il se traîne avec peine? Eft-il blessé ? ses yeux annoncent la douleur.
ARGIRE, AMENAIDE, ALDAMON ,
Par
Parlez, cher Aldamon, Tancrède est donc vainqu eur
Sans doute , il l'est, Madame,
A ces chants d'allégreffe, A ces voix que j'entends, il s'avance en ces lieux ?
AID Α Μ ο Ν. Ces chants vont se changer en des cris de tristesse.
A M E N A Ä D E. Qu'entens-je? Ah malheureuse !
F3
ALDAS
Un jour fi glorieux Est le dernier des jours de ce héros fidelle.
AMENA I DE.
ALD A MON.
La lumiére éclaire encor ses yeux, Mais il est expirant d'une atteinte mortelle;
vous apporte ici de funestes adieux. Cette lettre fatale , & de son sang tracée, Doit vous apprendre , hélas ! fa dernière pensée. Je m'acquitte en tremblant de cet affreux devoir.
O jour de l'infortune! ô jour du désespoir !
A ME N AÏDE (revenant à elle. ) Donnez moi mon arrêt, il me défend de vivre ; Il m'eft cher.... Ô Tancrede! ô maître de mon fort! Ton ordre, quel qu'il soit , est l'ordre de te suivre ; J'obéirai, ... Donnez vôtre lettre , & la mort.
A L D A M O N. Lisez donc, pardonnez ce triste ministère.
A M E N A ï D E. O mes yeux ! lirez-vous ce sanglant caractère ? Le pourrai-je ? il le faut, c'est mon dernier effort. ( elle lit. )
»
Je
Je ne pouvais survivre à vôtre perfidie; Je meurs dans les combats, mais je meurs par vos coups. J'aurais voulu , cruelle , en m'exposant pour vous,
Vous avoir conservé & la gloire & la vie. Eh bien, mon père! ( elle se rejette dans les bras de Fanie.)
Enfin, les destins défornais Ont assouvi leur haine, ont épuisé leurs traits : Nous voilà maintenant fans espoir & fans crainte. Ton état & le mien ne permet plus la plainte. Ma chére Aménaide! avant que de quitter Ce jour, ce monde affreux que je dois détester , Que j'apprenne du moins à ma triste patrie Les honneurs qu'on devait à ta vertu trahie ; Que dans l'horrible excès de ma confusion J'apprenne à l'Univers à respecter ton nom.
A MEN A ï D E. Eh ! que fait l'Univers à ma douleur profonde? Que me fait ma patrie & le reste du monde? Tancrède meurt.
Je cède aux coups qui m'ont frappé.
Tancrède meurt, ô ciel ! sans être détrompé ! Vous en êtes la cause, Ah ! devant qu'il expire....
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