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Et c'eft lui qui pour nous vient prodiguer fa vie!
O Juges malheureux! qui dans nos faibles mains,
Tenons aveuglément le glaive & la balance,
Combien nos jugemens font injuftes & vains!
Et combien nous égare une fauffe prudence!
Que nous étions ingrats! que nous étions tyrans !
A MENA ï D E.

Je peux me plaindre à vous, je le fais, mais,

père,

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Vôtre vertu fe fait des reproches fi grands
Que mon cœur défolé tremble de vous en faire.
Je les dois à Tancrède.

ARGIR E.

A lui par qui je vis?

A qui je dois tes jours ?

A MENA ï D E.

Ils font trop avilis,

Ils font trop malheureux. C'eft en vous que j'espère.
Réparez tant d'horreurs & tant de cruauté ;
Ah! rendez moi l'honneur que vous m'avez ôté.
Le vainqueur d'Orbaffan n'a fauvé que ma vie.
Venez, que vôtre voix parle & me justifie.

ARGIR E.

Sans doute, je le dois.

A MENA ï D E.

Je vole fur vos pas.

mon

ARGIRE.

Demeure.

ARGIR E.

A MENA í D E.

Moi refter! je vous fuis aux combats.

J'ai vû la mort de près, & je l'ai vûe horrible;

Croyez qu'aux champs d'honneur elle eft bien moins terrible
Qu'à l'indigne échaffaut où vous me conduifiez.
Seigneur, il n'eft plus temps que vous me refusiez;
J'ai quelques droits fur vous; mon malheur me les donne.
Faudra-t-il que deux fois mon père m'abandonne ?

ARGIR E.

Ma fille, je n'ai plus d'autorité fur toi;
J'en avais abufé, je dois l'avoir perdue.

Mais quel eft ce deffein qui me glace d'effroi ?
Crain les égaremens de ton ame éperdue;

Ce n'eft point en ces lieux, comme en d'autres climats,
Où le fexe élevé loin d'une trifte gêne,

Marche avec les héros, & s'en diftingue à peine;
Et nos mœurs & nos loix ne le permettent pas./

A ME NA ï D E.

Quelles loix, quelles mœurs, indignes & cruelles!
Sachez qu'en ce moment je fuis au-deffus d'elles;
Sachez que dans ce jour d'injustice & d'horreur,
Je n'écoute plus rien que la voix de mon cœur.
Quoi, ces affreufes loix dont le poids vous opprime,
Auront pris dans vos bras vôtre fang pour victime!

Elles

Elles auront permis qu'aux yeux des citoyens
Vôtre fille ait paru dans d'infàmes liens;

Et ne permettront pas qu'aux champs de la victoire
J'accompagne mon père & défende ma gloire ?
Et le fexe en ces lieux conduit aux échafauts,
Ne pourra se montrer qu'au milieu des bourreaux!
L'injustice à la fin produit l'indépendance.
Vous frémiffez, mon père; ah! vous deviez frémir,
Quand de vos ennemis careffant l'infolence,
Au fuperbe Orbaffan vous pûtes vous unir
Contre le feul mortel qui prend vôtre défense,
Quand vous m'avez forcée à vous défobéir.

ARGIR E.

Va, c'eft trop accabler un père déplorable;
N'abuse point du droit de me trouver coupable,
Je le fuis, je le fens, je me fuis condamné.
Ménage ma douleur, & fi ton cœur encore
D'un père au désespoir ne s'eft point détourné,
Laiffe moi feul mourir par les fléches du Maure.
Je vais joindre Tancrède, & tu n'en peux douter.
Vous, obfervez fes pas.

SCENE

SCENE VII.

A MENAIDE feule.

Qu

Ui pourra m'arrêter?
Tancrède, qui me hais, & qui m'as outragée,
Qui m'ofes mépriser, après m'avoir vengée,
Oui, je veux à tes yeux combattre & t'imiter,
Des traits fur toi lancés affronter la tempête,
En recevoir les coups, en garantir ta tête,
Te rendre à tes côtés tout ce que je te doi,
Punir ton injustice en expirant pour toi,
Surpaffer, s'il fe peut, ta rigueur inhumaine
Mourante entre tes bras t'accabler de ma haine,
De ma haine trop jufte, & laiffer à ma mort,
Dans ton cœur qui m'aima, le poignard du remord,
L'éternel repentir d'un crime irréparable,
Et l'amour que j'abjure, & l'horreur qui m'accable.
Fin du quatriéme acte.

ACTE

ACTE V.

SCENE I.

Les Chevaliers & leurs Ecuyers, l'épée à la main. Des Soldats portant des trophées. Le Peuple dans le fond.

A

LORED A N.

Llez & préparez les chants de la victoire,

>

Peuple, au Dieu des combats prodiguez vôtre encens;
C'eft lui qui nous fait vaincre, à lui feul eft la gloire.
S'il ne conduit nos coups, nos bras font impuiffans.
Il a brisé les traits, il a rompu les piéges,
Dont nous environnaient ces brigands facriléges
De cent peuples vaincus dominateurs cruels.
Sur leurs corps tout fanglans érigez vos trophées,
Et foulant à vos piés leurs fureurs étouffées,
Des trésors du Croiffant ornez nos faints autels.'
Que l'Espagne opprimée, & l'Italie en cendre,
L'Egypte terraffée, & la Syrie aux fers,
Apprennent aujourd'hui comme on peut fe défendre
Contre ces fiers tyrans l'effroi de l'Univers.
C'est à nous maintenant de confoler Argire.

Que le bonheur public appaife fes douleurs!
Puiffions-nous voir en lui, malgré tous fes malheurs,
L'homme d'Etat heureux, quand le père foupire!

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