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Je n'ofe vous nommer,

& vous baiffez la vuë.

Ne puis-je vous revoir en cet affreux féjour,

Qu'au milieu des bourreaux qui m'arrachaient le jour ?

Vous êtes confterné,

mon ame eft confondue ;

Je crains de vous parler;

quelle contrainte, hélas !

vous ne m'écoutez pas.

Vous détournez les yeux,

TANCREDE ( d'une voix entrecoupée. )
confolez ce vieillard que j'honore,

Retournez,

D'autres foins plus preffans me rappellent encore.
Envers vous, envers lui, j'ai rempli mon devoir,
J'en ai reçu le prix, je n'ai point d'autre espoir;
Trop de reconnaiffance est un fardeau peut-être,
Mon cœur vous en dégage,

& le vôtre eft le maître

De pouvoir à fon gré difpofer de fon fort.

Vivez heureufe... & moi je vais chercher la mort.

VEillai-je

SCENE V.

AMENAIDE, FANIE.

A ME NA i D E.

Eillai-je ? & du tombeau fuis-je en effet fortie?
Eft-il vrai que le ciel m'ait rendue à la vie?
Ce jour, ce triste jour éclaire-t-il mes yeux?
Ce que je viens d'entendre, ô ma chère Fanie!
Eft un arrêt de mort plus dur, plus odieux,
Plus affreux que les loix qui m'avaient condamnée.

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FANIE.

L'un & l'autre eft horrible à mon ame étonnée.

A MENA i D E.

Eft-ce Tancrède, ô ciel! qui vient de me parler?
As-tu vû fa froideur altiére, aviliflante,
Ce courroux dédaigneux dont il m'ofe accabler?
Fanie, avec horreur il voyait fon amante !

Il m'arrache à la mort, & c'eft pour m'immoler!
Qu'ai-je donc fait, Tancréde? ai-je pû vous déplaire?
FANIE.

Il eft vrai que fon front respirait la colère.
Sa voix entrecoupée affectait des froideurs.
Il détournait les yeux; mais il cachait fes pleurs.

A MENA ïD E,

Il me rebute, il fuit, me renonce & m'outrage!
Quel changement affreux a formé cet oragę?
Que veut-il? quelle offenfe excite fon courroux?
De qui dans l'Univers peut-il être jaloux?
Oui, je lui dois la vie, & c'eft toute ma gloire ;
Seul objet de mes vœux il eft mon feul appui.
Je mourais, je le fais, fans lui, fans fa victoire :
Mais s'il fauva mes jours, je les perdais pour lui.
FANIE.

Il le peut ignorer, la voix publique entraîne ;
Même en s'en défiant, on lui réfifte à peine.
Cet efclave, fa mort, ce billet malheureux,

Le nom de Solamir, l'éclat de fa vaillance,
L'offre de fon hymen, l'audace de fes feux,
Tout parlait contre vous, jufqu'à vôtre filence,
Ce filence fi fier, fi grand, fi généreux,
Qui dérobait Tancrède à l'injuste vengeance
De vos communs tyrans armés contre vous deux.
Quels yeux pouvaient percer ce voile ténébreux?
Le préjugé l'emporte, & l'on croit l'apparence.

A MENA ïDE.

Lui me croire coupable!

FANIE.

Excufez un amant.

Ah! s'il peut s'abufer,

AMENAIDE (reprenant la fierté fes forces. )
Rien ne peut l'excufer.

Quand l'Univers entier m'accuferait d'un crime
Sur fon jugement feul un grand homme appuyé,
A l'Univers féduit oppose son estime.

Il aura donc pour moi combattu par pitié!
Cet opprobre eft affreux, & j'en fuis accablée.
Hélas mourant pour lui, je mourais confolée ;
Et c'eft lui qui m'outrage & m'ofe foupçonner!
C'en eft fait, je ne veux jamais lui pardonner.
Ses bienfaits font toûjours préfens à ma pensée ;
Ils resteront gravés dans mon ame offenfée :
Mais s'il a pû me croire indigne de fa foi,

C'eft

C'eft lui qui pour jamais eft indigne de moi.
Ah! de tous mes affronts c'est le plus grand peut-être.

FANIE.

Mais il ne connait pas.....

A MENA i D E.

Il devait me connaître ;

Il devait refpecter un cœur tel que le mien;
Il devait préfumer qu'il était impoffible
Que jamais je trahiffe un fi noble lien.
Ce cœur eft auffi fier que fon bras invincible;
Ce cœur était en tout auffi grand que le fien,
Moins foupçonneux fans doute, & furtout plus fenfible
Je renonce à Tancrède, au refte des mortels;

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Ils font faux ou méchans, ils font faibles, cruels
Ou trompeurs, ou trompés; & ma douleur profonde,
En oubliant Tancrède, oublîra tout le monde.

MES

SCENE VI.

ARGIRE, AMENAIDE, Suite.

ARGIRE (foutenu par fes Ecuyers.)

Es amis, avancez, fans plaindre mes tourmens:
On va combattre, allons, guidez mes pas tremblans.
Ne pourrai-je embraffer ce héros tutélaire ?
Ah! ne puis-je favoir qui t'a fauvé le jour ?

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Senty

AMENAIDE ( plongée dans fa douleur, appuyée d'une main

fur Fanie, &fe tournant à moitié vers fon pére. ) Un mortel autrefois digne de mon amour,

Un héros en ces lieux opprimé par mon père,

Que je n'ofais nommer, que vous aviez profcrit;
Le feul & cher objet de ce fatal écrit,

Le dernier rejetton d'une famille auguste,

Le plus grand des humains, hélas ! le plus injufte!
En un mot c'est Tancrède.

ARGIR E.

O ciel! que m'as-tu dit?

A MENA i D E.

Ce que ne peut cacher la douleur qui m'égare,
Ce que je vous confie en craignant tout pour lui.

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Et pour nous il fait tout aujourd'hui !

Nous lui raviffions tout, biens, dignité, patrie,

Et

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