ARG I R E. Vous rendez quelque vie à ce coeur abatu. Eh ! qui pour nous défendre entrera dans la lice? Nous sommes en horreur, on est glacé d'effroi ; Qui daignera me tendre une main protectrice? Je n'ose m'en flater : – qui combattra ? TANCRE DE.
Qui ? moi, Moi, dis-je ; & fi le ciel féconde ma vaillance, Je demande de vous, Seigneur, pour récompense , De partir à l'instant sans être retenu , Sans voir Aménaïde, & sans être connu.
Ah! Seigneur , c'est le ciel, c’est Dieu qui vous envoye. Mon cæur triste & flétri ne peut goûter de joie ; ; Mais je sens que j'expire avec moins de douleur. Ah ! ne puis-je sçavoir à qui, dans mon malheur, Je dois tant de respect & de reconnaissance ? Tout annonce à mes yeux vôtre haute naissance. Hélas ! qui vois-je en vous ?
ORBASSAN, ARGIRE, TANCREDE,
Chevaliers , Suite.
L
'Etat est en danger , songeons à lui, Seigneur.
Nous prétendions demain sortir de nos murailles Nous sommes prévenus. Ceux qui nous ont trahis , Sans doute avertissaient nos cruels ennemis. Solamir veut tenter le destin des batailles ; Nous marcherons à lui. Vous , si vous n'en croyez , Dérobez à vos yeux un spectacle funeste , Insuportable , horrible à nos sens effrayés.
Il suffit , Orbassan ; tout l'espoir qui me reste , C'est d'aller expirer au milieu des combats.
(montrant Tancrède.) Ce brave Chevalier y guidera mes pas ; Et malgré les horreurs dont ma race est fétrie , Je périrai du moins en servant ma patrie.
Des feritimens si grands sont bien dignes de vous. Allez , aux Musulmans portez vos derniers coups. Mais, avant tout , fuyez cet appareil barbare,
Si peu fait
pour vos yeux, & déja qu'on prépare ; On approche.
ARGIRE.
Les regards paternels Doivent se détourner de ces objets cruels. Ma place me retient, & mon devoir sévère Veut qu'ici je contienne un peuple téméraire ; L'inexorable loi ne fait rien ménager : Toute horrible qu'elle est, je la dois protéger. Mais vous qui n'avez point cet affreux ministère, Qui peut vous retenir ? & qui peut vous forcer A voir couler le sang que la loi va verser? On vient, éloignez vous. TANCREDE ( à Argire.)
Non, demeurez , mon père,
Votre ennemi, Seigneur, L'ami de ce vieillard, peut-être son vengeur , Peut-être autant que vous à l'Etat nécessaire.
La Scène s'ouvre, on voit AMENAIDE au milieu des
Gardes; les Chevaliers , le peuple remplissant la place.
AKG I RE ( à Tarrcrède. )
Enéreux inconnu , daignez me soutenir ; Cachez moi ces objets, --c'est ma fille elle-même,
Quels momens pour tous trois !
O justice suprême ! Toi qui vois le passé, le présent , l'avenir, Tu lis seule en mon cæur, toi seule es équitable. Des profanes humains la foule impitoyable Parle & juge en aveugle , & condamne au hazard.
Chevaliers , citoyens , vous qui tous avez part Au fanguinaire arrèt porté contre ma vie , Ce n'est pas devant vous que je me justifie. Que ce ciel qui m'entend, juge entre vous & moi. Organes odieux d'un jugement inique , Oui, je vous outrageais, j'ai trahi vôtre loi ; Je l'avais en horreur , elle était tyrannique. Oui, j'offensais un père , il a forcé mes veux. J'offensais Orbaisan, qui fier & rigoureux ,
Préten
Prétendait sur mon ame une injuste puissance. Citoyens, si la mort est dûe à mon offense, Frapez ; mais écoutez; fachez tout mon malheur. Qui va répondre à Dieu , parle aux hommes faiis pcur. Et vous, mon père, & vous , témoin de mon suplice, Qui ne deviez pas l'être , & de qui la justice
( apercevant Tancrède.) Aurait pû... Ciel! ô ciel ! qui vois-je à ses côtés ? Est-ce lui ? je me meurs.
(elle tombe évanouïe entre les gardes.)
Ah ! ma seule présence Est pour elle un reproche ! il n'importe , -- arrêtez , Ministres de la mort , suspendez la vengeance ; Arrêtez, citoyens , j'entreprends sa défense, Je suis son Chevalier. Ce père infortuné Prêt à mourir comme elle, & non moins condamné, Daigne avouer mon bras propice à l'innocence. Que la seule valeur rende ici des arrêts , Des dignes Chevaliers c'est le plus beau partage. Que l'on ouvre la lice à l'honneur , au courage; Que les juges du camp fassent tous les apprêts. Toi , superbe Orbassan, c'est toi que je défie; Vien mourir de mes mains , ou m'arracher la vie. Tes exploits & ton nom ne sont pas fans éclat ; Tu commandes ici, je veux t'en croire digue: Je jette devant toi le gage du combat.
(il jette
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