Ont tourné contre moi mes innocens deffeins. Tu m'as trop mal connu; c'eft ta feule injustice; Que ce foit la dernière; & que dans mon fuplice Des cours pleins de vertu ne foient point entrainés.
Le ciel à d'autres foins nous a tous destinés. Je devrais te hair: tu me forces, Ramire, A reconnaitre en toi des vertus que j'admire. Je n'ai point oublié tes fervices paffés;
Et quoique par ton crime ils fuffent effacés, J'ai trop vû, malgré moi, dans ce combat funefte, Que de ce fang glacé tu refpectais le refte.
Un amour emporté, fource de nos malheurs,
Plus fort que mes bontés, plus puiffant que mes pleurs, M'arracha par tes mains & ma gloire, & ma fille. C'est par toi que mon nom, mon état, ma famille, Sont accablés de honte; & pour comble d'horreur Il faut verfer mon fang pour venger mon honneur. Après l'horrible éclat d'une amour effrénée,
Il ne refte qu'un choix, la mort, ou l'himenée.
Je dois tous deux vous perdre, ou la mettre en tes bras. Sois fon époux, Ramire, & régne en mes Etats.
Ah! grand Dieu !
BENASSAR.
Souvent dans nos provinces
On a vû nos Emirs unis avec nos princes;
L'intérêt de l'Etat l'emporta fur la loi; Et tous les intérêts parlent ici pour toi.
J'ai besoin d'un apui, combats pour nous défendre; Vis pour elle & pour moi; fois mon fils, fois mon gendre.
Ah! feigneur! ah Ramire! ah jour de mon bonheur !
O jour affreux pour tous!
RAMIR E.
Vous me voyez, Seigneur,
Accablé de furprife, & confus d'une grace
Qui ne femblait pas due à ma coupable audace. Vôtre fille fans doute eft d'un prix à mes yeux Au deffus des Etats conquis par mes ayeux: Mais pour combler nos maux, aprenez l'un & l'autre Le fecret de ma vie, & mon fort, & le vôtre. Quand Zulime a daigné, par un fi noble effort, Sauver Atide & moi des fers & de la mort, Idamore, un ami qu'aveuglait trop de zèle, Séduifait fa pitié qui la rend criminelle.
Il promettait mon cœur, il promettait ma foi; Il n'en était plus tems, je n'étais plus à moi. Le ciel mit entre nous d'éternelles barrières. En vain j'adore en vous le plus tendre des pères En vain vous m'accablez de gloire & de bienfaits Je ne puis réparer les malheurs que j'ai faits. Madame, ainfi le veut la fortune jaloufe. Vengez vous fur moi feul; Atide eft mon époufe.
RAMIR E.
Elevés dans vos fers,
Nos yeux fur nos malheurs à peine étaient ouverts, Quand fon père uniffant nôtre efpoir & nos larmes, Attacha pour jamais mes deftins à fes charmes. Lui-même a refferré, dans fes derniers momens, Ces nœuds chers & facrés préparés dès longtems; Et la loi du fecret nous était impofée.
Ton époufe! à ce point ils m'auraient abufée! Ils auront triomphé de ma crédulité ! Seigneur, à vos bienfaits ils auront infulté! Vous foufrirez qu'Atide à ma honte jouiffe Du fruit de tant d'audace, & de tant d'artifice? Vengez moi, vengez vous, de ces traîtres appas, De cet affreux tiffu de fourbes, d'attentats.
Les cruels ont nourri mes feux légitimes.
Mon heureuse rivale a commis tous mes crimes. Vous ne puniffez pas cet objet odieux?
Vous devez me punir, mais connaiffez moi mieux. Avant de me hair, entendez ma réponse.
Vôtre père eft préfent, qu'il juge, & qu'il prononce.
Ramire, & moi, feigneur, fi nous vivons, C'est vôtre auguste fille à qui nous le devons.
Je l'avoue à vos pieds, & moi
pour récompenfe, Je vous coûte à la fois la gloire & l'innocence. Trahiffant l'amitié, combattant vos attraits,
Je m'armais contre vous de vos propres bienfaits; J'arrachais de vos bras, j'enlevais à vos charmes L'objet de tant de foins, le prix de tant de larmes ; Et lorfque vous fortez de ce gouffre d'horreur, Ma main vous y replonge, & vous perce le cœur. Tout femble s'élever contre ma perfidie: Mais j'aimais comme vous; ce mot me justifie; Et d'un lien facré l'invincible pouvoir
Accrut cet amour même, & m'en fit un devoir.
Il faut dire encor plus; vous le favez, on m'aime. Mais malgré mon himen, & malgré l'amour même ;
Je vous immolai tout; je vous ai fait ferment Ce jour même, en ces lieux, de céder mon amant ; J'ai promis de fervir vôtre fatale flamme;
Le ferment eft affreux, vous le fentez, Madame! Renoncer à Ramire, & le voir en vos bras, C'eft un effort trop grand, vous ne l'efpérez pas : Mais je vous ai juré d'immoler ma tendreffe:
Il n'eft qu'un feul moyen de tenir ma promeffe Il n'eft qu'un feul moyen de céder mon époux, Le voici.
(elle tire un poignard pour fe tuer. )
RAMIRE (la défarmant avec Zulime. Chère Atide!
ZULIME (Se faififfant du poignard. ) O ciel que faites-vous ?
ZULIM E.
Suis-je affez confondüe?
Tu l'emportes, cruelle, & Zulime eft vaincue ;. Oui, je le fuis en tout. J'avoue avec horreur, Que ma rivale enfin mérite fon bonheur.
J'admire en périffant jufqu'à ton amour même.
C'est à moi de mourir, puifque c'eft toi qu'on aime.
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