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Ah! l'homme inexorable eft le feul refpecté.
Si j'euffe été cruel, on eût moins attenté.
La dureté de coeur eft le frein légitime
Qui peut épouvanter l'infolence & le crime.
Ma facile tendreffe enhardit aux forfaits.
Le tems de la clémence eft paffé pour jamais.
Je vais, en puniffant leurs fureurs infenfées,
Egaler ma justice à mes bontés paffées.

Je

MOHADIR.

frémis comme vous de tous ces attentats, Que l'amour fait commettre en nos brulans climats.

En tout lieu dangereux, il eft ici terrible.

Il rend plus furieux, plus on eft né fenfible.
Ramire cependant à fes erreurs livré,
De leurs cruels poifons femble moins enyvré:
Vous même l'avez dit, & j'ofe le redire,
Que ce même ennemi, ce malheureux Ramire,
Eft celui dont le bras vous avait défendu :

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Qu'il n'a point aujourd'hui démenti fa vertu ;
Que vous l'avez vû même, en ce combat horrible,
Dans ces momens cruels où l'homme eft inflexible,
Où les yeux, les efprits, les fens font égarés,
Détourner loin de vous fes coups defefpérés,
Respecter vôtre fang, vous fauver, vous défendre,
Et d'un bras affuré, d'un cri terrible & tendre,
Arrêter, défarmer fes amis emportés,

Qui levaient contre vous leurs bras enfanglantés.

Oui, j'ai vu le moment, où malgré fa colère
Il semblait en effet combattre pour fon père.

BENASSAR.

Ah! que n'a-t-il plutôt dans ce malheureux flanc
Recherché de fes mains le refte de mon fang!
Que ne l'a-t-il verfé, puifqu'il le deshonore?
Mais ma cruelle fille eft plus coupable encore.
Ce cœur en un feul jour à jamais égaré,
Eft hardi dans fa honte, eft faux, dénaturé;
Et fe précipitant d'abimes en abimes,

Elle a contre fon père accumulé les crimes.

Que dis-je? au moment même, où tu viens en fon nom, De tant d'iniquités implorer le pardon,

Son amour furieux la fait courir aux armes.

Les fuborneurs appas de fes trompeufes larmes
Ont féduit les foldats à fa garde commis;

Sa voix a raffemblé fes perfides amis.

Elle vient m'arracher fon indigne conquête;

Les armes dans les mains elle marche à leur tête.
Cet amour infenfé ne connaît plus de frein;
Zulime contre un père ofe lever fa main!

Au comble de l'outrage on joint le parricide!

Ah! courons, & nous-même immolons la perfide.

SCENE

SCENE II.

BENASSAR, ZULIME fuivie de fes foldats dans l'enfoncement, MOHADIR, Suite.

ZULIME (les armes à la main, & jettant fes armes.)

N

On, n'allez pas plus loin, frappez; & vous foldats,
Laiffez périr Zulime, & ne la vengez pas.

Il fuffit: vôtre zèle a fervi mon audace.

J'ai mérité la mort, méritez votre grace.

Sortez, dis-je.

BENASSAR.

Ah, cruelle! eft-ce toi que je voi?

ZULIM E.

Pour la dernière fois, feigneur, écoutez moi.
Oui, cette fille indigne, & de crime enyvrée,
Vient d'armer contre vous fa main defefpérée.
J'allais vous arracher, au péril de vos jours,
Ce déplorable objet de mes cruels amours.
Oui, toutes les fureurs ont embrafé Zulime;
La nature en tremblait; mais je volais au crime.
Je vous vois; un regard a détruit mes fureurs;
Le fer m'eft échapé; je n'ai plus que des pleurs ;
Et ce cœur tout brulant d'amour & de colère,
Tout forcené qu'il eft, voit un Dieu dans fon père.

Que

Que ce Dieu tonne enfin, qu'il frape de fes coups
L'objet, le feul objet d'un fi jufte couroux.
Faut-il pour mes forfaits que Ramire périsse?
Ah! peut-être il eft loin d'en être le complice;
Peut-être pour combler l'horreur où je me voi,
Si Ramire eft un traitre, il ne l'eft que pour moi.
Etouffez dans mon fang ce doute que j'abhorre,
Qui déchire mes fens, qui vous outrage encore.
J'idolatre Ramire; & je ne puis, feigneur,
Vivre un moment fans lui, ni vivre fans honneur.
J'ai perdu mon amant, & mon père, & ma gloire,
Perdez de tant d'erreurs la honteufe mémoire ;
Arrachez moi ce cœur que vous m'avez donné,
De tous les cœurs hélas! le plus infortuné.
Je baife cette main dont il faut que j'expire:
Mais pour prix de mon fang, pardonnez à Ramire ;
Ayez cette pitié pour mon dernier moment,
Et qu'au moins votre fille expire en vous aimant.

BENASSAR.

O Ciel! qui l'entendez, ô faibleife d'un père!
Quoi! fes pleurs à ce point fléchiraient ma colère!
Me faudra-t-il les perdre, ou les fauver tous deux ?
Faut-il dans mon couroux faire trois malheureux ?
Ciel, prête tes clartés à mon ame atendrie.
L'une eft ma fille, hélas! l'autre a fauvé ma vie;
La mort, la feule mort peut brifer leurs liens.
Gardes, que l'on m'amène, & Ramire, & les fiens.

Mo

MOHADIR.

Seigneur, vous la voyez à vos pieds éperdue,
Soumife, défarmée, à vos ordres rendue.

Vous l'avez trop aimée, hélas! pour la trahir.
Mais on conduit Ramire, & je le vois venir.

SCENE III.

BENASSAR, ZULIME, ATIDE, RAMIRE. MOHADIR, Suite.

RAMIRE (enchainé. )

A Chève de m'ôter cette vie importune.

Depuis que je fuis né, trahi par la fortune,
Sorti du fang des Rois, j'ai vécu dans les fers,
Et je meurs en coupable au fond de ces déferts.
Mais de mon trifte état l'outrage & la baffeffe
N'ont point de mon courage avili la noblesse.
Ce cœur impénétrable aux coups qui l'ont frapé,
Ne t'ayant jamais craint, ne t'a jamais trompé.

Pour ôtage en tes mains je remettais Atide.
Ni fon cœur, ni le mien, ne peut être perfide.
Va, Ramire était loin de te manquer de foi;
Benaffar, nos fermens m'étaient plus chers qu'à toi.
Je fentais tes chagrins, j'effaçais ton injure;

De ce cœur paternel je fermais la bleffure.
Tout était réparé. Mes funeftes deftins

Ont

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