Que vous faut-il? parlez, cruelle que vous êtes! Quel fruit recueillez-vous de toutes vos erreurs? Et qui peut contre moi vous irriter?
Votre attendriffement, vôtre excès de courage, Vôtre crainte pour lui, vos yeux, vôtre langage Vos charmes, mon malheur, & mes tranfpors jaloux; Tout m'irrite, cruelle, & m'arme contre vous. Vous avez mérité que Ramire vous aime; Vous me forcez enfin d'immoler pour vous-même, Et l'amour paternel, & l'honneur de mes jours. Je vous fers, vous, Madame; il le faut ; & j'y cours. Mais vous me répondrez... ..
Ah c'en eft trop, barbare!
Eh bien, j'aime Ramire: oui, je vous le déclare ; Je l'aime, je le cède, & vous vous indignez ! J'ai fauvé vôtre amant, & vous vous en plaignez! Quel tems pour les fureurs de vôtre jaloufie! Quel tems pour le reproche ! il s'agit de fa vie. Je jure ici par lui, par ce commun effroi, J'en attefte le jour, ce jour que je vous doi, Que vous n'aurez jamais à redouter Atide. Ne vous figurez pas que ma douleur timide S'exhale en vains fermens qu'arrache le danger;
Je jure encor ce ciel, lent à nous protéger, Que s'il me permettait de délivrer Ramire, S'il ofait me donner fon cœur & fon empire, Si du plus tendre amour il écoutait l'erreur, Je vous facrifierais fon empire & fon cœur.
Confervez-le à ce prix, au prix de mon fang même. Que voulez-vous de plus, s'il vit, & s'il vous aime ? Je ne difpute rien, Madame, à vôtre amour, Non pas même l'honneur de lui fauver le jour. Vous en aurez la gloire, ayez-en l'avantage. ZULIM E.
Non, je ne vous crois point; je vois tout mon outrage; Je vois jufqu'en vos pleurs un triomphe odieux.
La douceur d'ètre aimée éclate dans vos yeux. Mais ceffez de prétendre au fuperbe partage, A l'honneur infultant d'exciter mon courage. Ce courage intrépide, autant qu'il eft jaloux, Pour braver cent trépas n'a pas befoin de vous. Suivez moi feulement: je vous ferai connaître Que je fais tout tenter, & même pour un traître. Je devrais l'oublier; je devrais le punir, Et je cours le fauver, le venger, ou périr. Sérame! quelle horreur a glacé ton visage?
Adame, il faut du fort dévorer tout l'outrage. Il faut d'un cœur foumis fouffrir ce coup affreux. Vainement Mohadir fenfible & généreux,
Du coupable Ramire a demandé la grace. Tous les chefs irrités de fa perfide audace L'ont condamné, Madame, à ces tourmens cruels Réfervés en ces lieux pour les grands criminels. Il vous faut oublier jufqu'au nom de Ramire.
Il ne mourra pas feul, & devant qu'il expire....
Madame, ah gardez vous d'un téméraire effort!
Vous l'abandonneriez à cette indigne mort? Oublieriez-vous ainfi là grandeur de votre ame?
Je préviens vos confeils: n'en doutez point, Madame; Ne les prodiguez plus. Et toi, nature, & toi! Droit éternels du fang toujours facrés pour moi! Dans cet égarement dont la fureur m'anime, Soutenez bien mon cœur, & gardez moi d'un crime.
E dernier trait, fans doute, eft le plus criminel,
Je fens le defefpoir de ce cœur paternel :
Je partage en pleurant fon trouble & fa colère.
Mais vous avez toujours des entrailles de père;
Et tous les attentats de ce funefte jour,
Ne font qu'un même crime, & ce crime eft l'amour, Dans fon aveuglement Zulime enfevelie, Mérite d'être plainte, encor plus que punie; Et fi vôtre bonté parlait à vôtre cœur.....
Ma bonté fit fon crime, & fit tout mon malheur. Je me reproche affez mon excès d'indulgence. Ciel! tu m'en as donné l'horrible récompenfe. Ma fille était l'idole à qui mon amitié, Cette amitié fatale, a tout facrifié.
Je lui tendais les bras, quand fa main ennemie Me plongeait au tombeau chargé d'ignominie.
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