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Que veux-tu ?

BENASSAR.

Cruel, ce que je veux ?

Après tes attentats, après ta fuite infame,
L'humanité, l'honneur, entrent-ils dans ton ame?

RAMIR E.

Crois-moi, l'humanité régne au fond de ce cœur,
Qui pardonne à ton doute, & qui plaint ton malheur.
L'honneur eft dans ce cœur qui brava la mifère.

BENASSAR.

Tu ne braves, ingrat, que les larmes d'un père
Tu laiffes le poignard dans ce cœur déchiré;
Tu pars, & cet affaut eft encor differé;

La mer t'ouvre fes flots, pour enlever ta proie;

Eh bien, prends donc pitié des pleurs où je me noïe; Prends pitié d'un vieillard, trahi, deshonoré,

D'un

.

D'un père, qui chérit un cœur dénaturé.

Je te crus vertueux, Ramire, autant que brave:
Je corrigeai le fort qui te fit mon esclave.
Je te devais beaucoup, je t'en donnais le prix ;
J'allais avec les tiens te rendre à ton païs.
Le ciel fait fi mon cœur abhorrait l'injuftice,
Qui voulait de ton fang le fatal facrifice.
Ma fille a crû, fans doute, une indigne terreur,
Et fon aveuglement a caufé fon erreur.
Je t'adreffe, cruel, une plainte impuissante
Ta folle amour infulte à ma voix expirante.
Contre les paffions que peut mon défespoir?

Que veux-tu? je me mets moi-même en ton pouvoir :
Accepte tous mes biens, je te les facrifie;

Rens-moi mon fang, rens-moi mon honneur & ma vie.
Tu ne me réponds rien, barbare!

RAMIR E.

Ecoute moi.

Tes tréfors, tes bienfaits, ta fille, font à toi.
Soit vertu, foit pitié, foit intérêt plus tendre,
Au péril de fa gloire elle ofa nous défendre;
Pour toi de mille morts elle eût bravé les coups.
Elle adore fon père, & le trahit pour nous;
Et je crois la payer du plus noble falaire,
En la rendant aux mains d'un fi vertueux père.

Toi, Ramire?

BENASSAR.

Théatre Tom. V.

T

RAME

RAMIR E.

Zulime eft un objet facré,

Que mes profanes yeux n'ont point deshonoré.
Tu coûtas plus de pleurs à fon ame féduite
Que n'en coûte à tes yeux fa déplorable fuite.
Le tems fera le refte; & tu verras un jour,
Qu'il foutient la nature, & qu'il détruit l'amour;
Et fi dans ton courroux je te croyais capable
D'oublier pour jamais que ta fille eft coupable,
Si ton cœur généreux pouvait se défarmer,
Chérir encor Zulime....

BENASSA R.

Ah! fi je puis l'aimer !

Que me demandes-tu? conçois-tu bien la joie
Du plus fenfible père au défefpoir en proie,
Qui noyé fi longtems dans des pleurs fuperflus,
Reprend fa fille enfin, quand il ne l'attend plus?
Moi, ne la plus chérir! Va, ma chère Zulime
Peut avec un remords effacer tout fon crime.
Va, tout est oublié; j'en jure mon amour.
Mais puis-je à tes fermens me fier à mon tour?
Zulime m'a trompé ! Quel cœur n'eft point parjure!
Quel cœur n'eft point ingrat!

RAMIR E.

Que le tien fe raffure;

Atide eft dans ces lieux, Atide eft comme moi,

Du

Du fang infortuné de nôtre premier roi.

Nos captifs malheureux, brulans du même zèle,
N'ont tout fait avec moi, tout tenté que pour elle.
Je la livre en ôtage, & la mets dans tes mains.
Toi, fi je fais un pas contraire à tes deffeins,
Sur mon corps tout fanglant verfe le fang d'Atide:
Mais, fi je fuis fidèle, & fi l'honneur me guide,
Toi-même arrache Atide à ces bords ennemis.
Appelle tous les tiens, délivre nos amis.
Le tems preffe: peux-tu me donner ta parole?
Peux-tu me féconder?

BENASSAR.

Je le puis, & j'y vole. Déja quelques guerriers honteux de me trahir, Reconnaiffent leur maître, & font prêts d'obéir. Mais aurais-tu, Ramire, une ame affez cruelle, Pour abufer encor mon amour paternelle? Pardonne à mes foupçons.

RAMIR E.

Va, ne foupçonne rien;

Mon plus cher intérêt s'accorde avec le tien,

Je te vois comme un père.

BENASSAR.

A toi je m'abandonne.

Dieu voit du haut des cieux la foi que je te donne.

RAMIR E.

Adieu, reçoi la mienne.

T 2

SCE

SCENE VI.

RAMIRE, ATIDE.

A TIDE.

AH! Prince, on vous attend.

Il n'eft plus de danger, l'amour feul vous défend.
Zulime eft appaifée; & tant de violence,

Tant de transports affreux, tant d'aprêts de vengeance,
Tout cède à la douceur d'un repentir profond;

L'orage était foudain, le calme est auffi promt.
J'ai dit ce que j'ai dû pour adoucir fa rage;

đû

Et l'amour à fon coeur en difait davantage.

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Ses yeux auparavant fi fiers, fi courroucés,
Mėlaient des pleurs de joie aux pleurs que j'ai verfés.
J'ai faifi cet inftant favorable à la fuite:
Jufqu'au pied du vaiffeau foudain je l'ai conduite;
J'ai hâté vos amis; la moitié fuit mes pas,
L'autre moitié s'embarque, ainfi que vos foldats;
On n'attend plus que vous: la voile fe déploye.
RAMIR E.

Ah Ciel! qu'avez-vous fait ?

A TIDE.

Les pleurs où je me noye,

Seront les derniers pleurs que vous verrez couler.
C'en eft fait, cher amant; je ne veux plus troubler

Le

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