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Tu ne me connais plus ?

ZULIME (à genoux).

Je vous connais toujours;
Je tombe en frémiffant à ces pieds que j'embraffe,
Je les baigne de pleurs, & je n'ai point l'audace
De lever jufqu'à vous un regard criminel,
Qui ferait trop rougir vôtre front paternel.

BENASSAR.

Sais-tu quelle est l'horreur dont ton crime m'accable?

ZULIM E.

Je fais trop qu'à vos yeux il eft inexcufable.

BENASSA R.

J'aurais pû te punir, j'aurais pû dans ces tours
Enfevelir ma honte & tes coupables jours.

ZULIM E.

Vôtre colère eft jufte, & je l'ai méritée.

BENASSAR.

Tu vois trop que mon cœur ne l'a point écoutée,
Léve toi; ta douleur commence à m'attendrir,

(Elle fe reléve.)

Et le cœur de ton père attend ton repentir.
Tu fais fi dans ce cœur trop indulgent, trop tendre,
Les cris de la nature ont fû fe faire entendre.

Je vivais dans toi feule; & jufques à ce jour,
Jamais père à fon fang n'a marqué tant d'amour.

Théatre Tom. V.

Tu

Tu fais fi j'attendais qu'au bout de ma carrière
Ma bouche en expirant nommát mon héritiére,
Et cédat malgré moi, par des foins fuperflus,
Ce qui dans ces momens ne nous apartient plus.
Je n'ai que trop vécu; ma prodigue tendreffe
Prévenait par fes dons ma caduque vieilleffe.
Je te donnais pour dot, en engageant ta foi,
Ces tréfors, ces états, que je quittais pour toi;
Et tu pouvais choifir entre les plus grands princes,
Qui des bords Syriens gouvernent les provinces ;
Et c'est dans ces momens que fuyant de mes bras,
Toi feule à la révolte excites mes foldats,
M'arraches mes fujets, m'enléves mes efclaves,
Outrages mes vieux ans, m'abandonnes, me braves.
Quel démon t'a conduite à cet excès d'horreur ?
Quel monftre a corrompu les vertus de ton cœur?
Veux-tu ravir un rang que je te facrifie ?

Veux-tu me dépouillèr de ce refte de vie?
Ah Zulime! ah mon fang! par tant de cruauté
Veux-tu punir ainfi l'excès de ma bonté?

ZULIM E.

Seigneur, mon fouverain, j'ofe dire, mon père,
Je vous aime encor plus que je ne vous fus chère.
Régnez, vivez heureux, ne vous confumez plus
Pour cette criminelle en regrets fuperflus.
De mon aveuglement moi-même épouvantée,
Expirant des regrets dont je fuis tourmentée,

Et

Et de vôtre tendreffe, & de vôtre courroux,
Je pleure ici mon crime à vos facrés genoux;
Mais ce crime fi cher a fur moi trop d'empire;
Vous n'avez plus de fille, & je fuis à Ramire.

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Que dis-tu? malheureufe! opprobre de mon fort!
Quoi, tu joins tant de honte à l'horreur de ma mort!
Qui? Ramire! un captif! Ramire t'a féduite!

Un barbare t'enléve, & te force à la fuite!
Non, dans ton cœur féduit, d'un fol amour atteint,
Tout l'honneur de mon fang n'eft pas encor éteint.
Tu ne fouilleras point d'une tache fi noire

La race des héros, ma vieilleffe & ma gloire.
Quelle honte, grand Dieu, fuivrait un fort si beau !
Veux-tu déshonorer ma vie & mon tombeau?
De mes folles bontés quel horrible falaire!
Ma fille, un fuborneur eft-il donc plus qu'un pére?
Repen-toi, fui mes pas, vien fans plus m'outrager.

ZULIM E.

Je voudrais obéir; mon fort ne peut changer.
Aprouvée en Europe, en vos climats flétrie,
Il n'eft plus de retour pour moi dans ma patrie.
Mais, fi le nom d'efclave aigrit vôtre courroux,
Songez que cet efclave a combattu pour vous;
Qu'il vous a délivré d'une main ennemie,
Que vos perfécuteurs ont demandé fa vie,
Que j'acquitte envers lui ce que vous lui devez,

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Qu'à d'affez grands honneurs fes jours font réfervés; Qu'il eft du fang des rois ; & qu'un héros pour gendre,

Un prince vertueux...

BENASSAR.

Je ne veux plus t'entendre.

Barbare! que les cieux partagent ma douleur!
Que ton indigne amant foit un jour mon vengeur !
Il le fera fans doute, & j'en reçois l'augure:

Tous les enlévemens font fuivis du parjure.
Puiffe la perfidie & la divifion

Etre le digne fruit d'une telle union!

J'efpère que le ciel fenfible à mon outrage
Accourcira bientôt dans les pleurs, dans la rage,
Les jours infortunés que ma bouche a maudits,
Et qu'on te trahira, comme tu me trahis.
Coupable de ma mort qu'ici tu me prépares,
Lâche, tu périras par des mains plus barbares.
Je le demande aux cieux; perfide, tu mourras
Aux pieds de ton amant, qui ne te plaindra pas.
Mais avant de combler fon opprobre & fa rage,
Avant que le cruel t'arrache à ce rivage,
J'y cours; & nous verrons fi tes lâches foldats
Seront affez hardis pour l'ôter de mes bras;
Et fi pour
fe ranger fous les drapeaux d'un traitre
Ils fouleront aux pieds & ton père, & leur maître.

SCENE

Seigneur

SCENE V.

ZULIME, SÉRA ME.

......

ZULIM E.

Ah cher auteur de mes coupables jours!

Voilà quel eft le fruit de mes tristes amours!
Dieu qui l'as entendu, Dieu puiffant que j'irrite,
Aurais-tu confirmé l'arrêt que je mérite?
La mort & les enfers paraiffent devant moi.
Ramire, avec plaifir j'y defcendrais pour toi.
Tu me plaindras fans doute..... Ah paffion funefte!
Quoi! les larmes d'un père, & le couroux célefte,
Les malédictions prêtes à m'accabler,

Tout irrite les feux dont je me fens bruler!
Dieu, je me livre à toi, fi tu veux que j'expire,
Frappe; mais réponds-moi des larmes de Ramire.

Fin du fecond acte.

ACTE

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