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La perfécution enhardit ma faibleffe;

Le trahir eft un crime: obéir eft baffeffe.

S'il vient, c'eft pour moi feule, & je l'ai mérité:
Et moi timide esclave à fon tyran promise,
Victime malheureufe indignement foumife,
Je mettrais mon devoir dans l'infidélité!
Non, l'amour à mon fexe inspire le courage;
C'est à moi de hâter ce fortuné retour;

Et s'il eft des dangers que ma crainte envisage,
Ces dangers me font chers, ils naiffent de l'amour.

Fin du premier acte.

B 4

ACTE

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ACTE I I.

SCENE I.

A MENAID E Seule.

U portai-je mes pas ? - · d'où vient que je friffonne?
Moi des remords? - qui! moi? le crime feul les

donne.

Ma caufe eft jufte. - O cieux! protégez mes deffeins! (à Fanie qui entre. )

Allons, raffurons nous. - Suis-je en tout obéïe?

FANIE.

Votre efclave eft parti, la lettre eft dans les mains.

A MENA i D E.

Il est maître, il eft vrai, du fecret de ma vie;
Mais je connais fon zèle: il m'a toûjours fervie.
On doit tout quelquefois aux derniers des humains.
Né d'ayeux Mufulmans chez les Syracufains,
Inftruit dans les deux loix, & dans les deux langages,
Du camp des Sarrazins il connait les paffages,
Et des monts de l'Etna les plus fecrets chemins;
C'eft lui qui découvrit, par une course utile,
Que Tancrède en fecret a revû la Sicile;
C'est lui par qui le ciel yeut changer mes destins.

Ma

Ma lettre par fes foins remife aux mains d'un Maure,
Dans Meffine demain doit être avant l'aurore.

Des Maures & des Grecs les befoins mutuels
Ont toûjours confervé, dans cette longue guerre,
Une correfpondance à tous deux néceffaire;
Tant la nature unit les malheureux mortels!
FA NIE.

Ce pas eft dangereux; mais le nom de Tancrède,
Ce nom fi redoutable à qui tout autre cède,
Et qu'ici nos tyrans ont toujours en horreur,
Ce beau nom que l'amour grava dens vôtre coeur,
N'eft point dans cette lettre à Tancrede adrenée.
Si vous l'avez toujours préfent à la penfée,
Vous avez fçu, du moins, le taire en écrivant.
Au camp des Sarrazins vôtre lettre portée,
Vainement ferait lue, ou ferait arrêtée.
Enfin, jamais l'amour ne fut moins imprudent
Ne fçut mieux fe voiler dans l'ombre du mystère,
Et ne fut plus hardi, fans être téméraire.
Je ne puis cependant vous cacher mon effroi.

A MENA i D E.

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Le ciel jufqu'à préfent femble veiller fur moi ;
Il ramène Tancrède, & tu veux que je tremble?

FA NIE.

Hélas ! qu'en d'autres lieux fa bonté vous raffemble.
La haine & l'intérêt s'arment trop contre lui;

Tout fon parti fe tait; qui fera fon appui ?

AMENAID E.

A MEN A i D E.

Sa gloire. Qu'il fe montre, il deviendra le maître.
Un héros qu'on opprime attendrit tous les cœurs;
Il les anime tous, quand il vient à paraître.

FANIE.

Son rival eft à craindre.

A MENA ïd E.

Ah! combats ces terreurs,

Et ne m'en donne point. Souviens toi que ma mére
Nous unit l'un & l'autre à fes derniers momens ;
Que Tancrède eft à moi; qu'aucune loi contraire
Ne peut rien fur nos voeux, & fur nos fentimens.
Hélas! nous regrettions cette île fi funefte,
Dans le fein de la gloire & des murs des Céfars.
Vers ces champs trop aimés, qu'aujourd'hui je détefte,
Nous tournions tristement nos avides regards.
J'étais loin de penfer que le fort qui m'obfède
Me gardât pour époux l'oppreffeur de Tancrède,
Et que j'aurais pour dot l'exécrable préfent
Des biens qu'un raviffeur enlève à mon amant.
Il faut l'inftruire au moins d'une telle injuftice;
Qu'il apprenne de moi fa perte & mon fuplice;
Qu'il hâte fon retour & défende fes droits.
Pour venger un héros je fais ce que je dois.
Ah! fi je le pouvais, j'en ferais davantage.
J'aime, je crains un père, & respecte fon âge;
Mais je voudrais armer nos peuples foulevés,

Contre

Contre cet Orbaffan qui nous a captivés.
D'un brave Chevalier fa conduite eft indigne.
Intéreffé, cruel, il prétend à l'honneur!
Il croit d'un peuple libre être le protecteur!
Il ordonne ma honte, & mon père la figne!
Et je dois la fubir, & je dois me livrer
Au maître impérieux qui penfe m'honorer!
Hélas! dans Syracufe on hait la tyrannie;
Mais la plus exécrable, & la plus impunie
Eft celle qui commande & la haine & l'amour,
Et qui veut nous forcer de changer en un jour.
Le fort en eft jetté.

FA NIE.

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Vous aviez paru craindre.

A MENA ï D E.

Je ne crains plus.

FANIE.

On dit qu'un arrêt redouté

Contre Tancrède même eft aujourd'hui porté ; Il y va de la vie à qui le veut enfraindre.

A MENA ï D Ë,

Je le fais, mon efprit en fut épouvanté ;

Mais l'amour est bien faible alors qu'il eft timide.

J'adore, tu le fais, un héros intrépide;

Comme lui je dois l'être.

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