A quelque ombre de paix ont porté vos tyrans, Ces Turcs impérieux, qu'aucun devoir n'arrête, De Ramire & des fiens ont demandé la tête; Et de vôtre Divan la baffe cruauté
Soufcrivait en tremblant à cet affreux traité. De Zulime pour nous la bonté généreuse Vous épargna du moins une paix fi honteufe. Elle acquitte envers nous ce que vous nous devez; N'infultez point ici ceux qui vous ont fauvés. Refpectez plus Ramire, & ces guerriers fi braves; Ils font vos défenfeurs, & non plus vos efclaves.
MOHADIR à Zulime.
Vôtre fecret, Zulime, eft enfin revélé : Ainfi donc par fa voix vôtre cœur a parlé ?
Je ne peux vous tromper: tel eft mon caractère.
Vous voulez donc charger d'un affront fi nouveau Un père infortuné qui touche à fon tombeau ?
MOHAD i r.
Repentez vous, Zulime;
Croyez moi, vôtre cœur n'eft point né pour le crime.
Je me repens en vain; tout va fe déclarer: Il est des attentats qu'on ne peut réparer. Il ne m'apartient pas de foutenir fa vuë. J'emporte en le quittant le remords qui me tuë. Allez. Vôtre préfence en ces funeftes lieux Augmente ma douleur, & bleffe trop mes yeux. Mohadir ah! partez.
Porter les derniers coups au fein qui vous fit naître.
AH! je fuccombe, Atide; & ce cœur défolé
Ne foutient plus le poids dont il eft accablé. Vous voyez ce que j'aime, & ce que je redoute, Une patrie, un père Atide! a qu'il en coûte!
Que de retours fur moi! que de tristes efforts! Je n'ai dans mon amour fenti que des remords. D'un père infortuné vous concevez l'injure; Il eft affreux pour moi d'offenfer la nature. Mais Ramire expirait, vous étiez en danger. Eft-ce un crime, après tout, que de vous protéger? Je dois tout à Ramire: il a fauvé ma vie. A ce départ enfin vous m'avez enhardie. Vos périls, vos vertus, vos amis malheureux, Tant de motifs puiffans, & l'amour avec eux, L'amour qui me conduit; hélas, fi l'on m'accufe, Voilà tous mes forfaits; mais voilà mon excufe. Je tremble, cependant; de pleurs toujours noyés, De l'abîme où je fuis mes yeux font effrayés.
Hélas! Ramire. . . . . & moi, nous vous devons la vie ; Vous rendez un héros, un prince à sa patrie; Le ciel peut-il hair un foin fi généreux? Arrachez vôtre amant à ces bords dangereux. Ma vie eft peu de chofe : & je ne fuis encore Qu'une efclave tremblante en des lieux que j'abhorre. Quoique d'affez grands Rois mes ayeux foient iffus, Tout ce que vous quittez eft encor au - deffus. J'étais votre captive, & vous ma protectrice : Je ne pouvais prétendre à ce grand facrifice. Mais Ramire..... un héros du ciel abandonné Lui qui de Bénaffar efclave infortuné,
A prodigué fon fang pour Bénaffar lui-même; Enfin, que vous aimez.
C'est toi qui découvris dans mes efprits troublés, De mon fecret penchant les traits mal démêlés. C'est toi qui les nourris, chère Atide; & peut-être, En me parlant de lui c'eft toi qui les fis naître. C'est toi qui commenças ma téméraire amour; Ramire a fait le refte, en me fauvant le jour. J'ai cru fuir nos tyrans, & j'ai fuivi Ramire. J'abandonne pour lui parens, peuples, empire; Et frémiffant encor de fes périls paffés,
J'ai craint dans mon amour de n'en point faire affez. Cependant, loin de moi fe peut-il qu'il s'arrête? Quoi! Ramire aujourd'hui trop fûr de fa conquête, Ne prévient point mes pas, ne vient point confoler Ce cœur trop affervi que lui feul peut troubler!
Eh ne voyez-vous pas avec quelle prudence De l'envoyé d'un père il fuyait la préfence?
J'ai tort, je te l'avoue; il a dû s'écarter; Mais pourquoi fi longtems?
Tant d'amour, tant de crainte & de délicateffe Conviennent mal, peut-être, au péril qui nous preffe ; Un moment peut nous perdre, & nous ravir le prix De tant d'heureux travaux par l'amour entrepris; Entre cet Océan, ces rochers & l'armée, -
Ce jour, ce même jour, peut vous voir enfermée. Trop d'amour vous égare; & les cœurs fi troublés Sur leurs vrais intérêts font toujours aveuglés.
Non, fur mes intérêts c'est l'amour qui m'éclaire ; Ramire va preffer ce départ néceffaire.
L'ordre dépend de lui; tout eft entre fes mains. Souverain de mon ame, il l'eft de mes deftins. Que fait-il? eft-ce vous? eft-ce moi qu'il évite?
Le voici..... Ciel! témoin du trouble qui m'agite, Ciel renferme à jamais dans ce fein malheureux, Le funefte fecret qui nous perdrait tous deux.
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