les plus horribles catastrophes. Il y avait de ces afyles chez les anciens, comme parmi nous. La Calprenède fait retrouver Statira dans un puits; ne vaut-il pas mieux la retrouver dans un temple?

.

Quant à la confeffion de fes fautes dans les cérémonies de la religion, elle eft de la plus haute antiquité, & eft expreffément ordonnée par les loix de Zoroastre, qu'on trouve dans le Sadder. Les initiés n'étaient point admis aux mystères fans avoir expofé le fecret de leurs cœurs en préfence de l'être fuprême. S'il y a quelque chofe qui confole les hommes fur la terre, c'eft de pouvoir être réconcilié avec le ciel, & avec foi-même. En un mot, on a tâché de repréfenter ici ce que les malheurs des grands de la terre ont jamais eu de plus terrible, & ce que la religion ancienne a jamais eu de plus confolant & de plus auguf te. Si ces mœurs, ces ufages ont quelque conformité avec les nôtres, ils doivent porter plus de terreur & de pitié dans nos ames.

Il y a quelquefois dans le cloître, je ne fais quoi d'attendriffant & d'augufte. La comparaifon que fait fecrettement le lecteur entre le filence de ces retraites & le tumulte du monde, entre la pieté paifible qu'on fuppofe y régner & les difcordes fanglantes qui défolent la terre, émeut & tranfporte une ame vertueufe & fenfible.

ACTE

ACTE III.

SCENE II.

Les intrigues des cours, les cris des factions, N'ont point encor troublé nos retraites obfcures. (C'est l'Hierophante qui parle.)

CE

Et exemple d'un prêtre qui fe renferme dans les bornes de fon ministère de paix, nous a paru d'une très-grande utilité, & il ferait à fouhaiter qu'on ne les repréfentât jamais autrement fur un théatre public qui doit être l'école des mœurs. Il eft vrai qu'un perfonnage qui le borne à prier le ciel, & à enfeigner la vertu, n'eft pas affez agiffant pour la fcene; mais auffi il ne doit pas être au nombre des perfonnages dont les paffions font mouvoir la piéce. Les héros emportés par leurs paffions agiffent, & un grand-prêtre inftruit. Ce mélange heureufement employé par des mains plus habiles pourra faire un jour un grand effet fur le théatre.

On ofe dire que le grand-prêtre Joad dans la tragédie d'Athalie femble s'éloigner trop de ce caractère de douceur & d'impartialité qui doit faire l'effence de fon ministère. On pourrait l'accufer d'un fanatifme trop féroce, lorfque rencontrant Mathan en conférence avec

Jofa

Jofabeth, au lieu de s'adreffer à Mathan avec la bienféance convenable, il s'écrie:

دو

,, Quoi! fille de David, vous parlez à ce traître !
Vous fouffrez qu'il vous parle! & vous ne craignez pas
Que du fond de l'abîme entr'ouvert fous fes pas,
Il ne forte à l'inftant des feux qui vous embrafent,
Ou qu'en tombant fur lui ces murs ne vous écrafent!
Que vent-il? De quel front cet ennemi de Dieu

Vient-il infecter l'air qu'on refpire en ce lieu?“

Mathan femble lui répondre très-pertinentment en difant,

On reconnait Joad à cette violence;
Toutefois il devrait montrer plus de prudence;

,, Refpectez une Reine &c.

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On ne voit pas non plus pour quelle raifon Joad ou Jojada s'obtine à ne vouloir pas que la Reine Athalie adopte le petit Joas. Elle dit en propres termes à cet enfant, Je n'ai point d'héritier, je prétens vous traiter comme mon propre fils.

Athalie n'avait certainement alors aucun intérêt à faire tuer Joas. Elle pouvait lui fer-. vir de mère, & lui laiffer fon petit Royaume. Il est très-naturel qu'une vieille femme s'intéreffe au feul rejetton de fa famille. Athalie en effet était dans la décrépitude de l'age. Les Paralipomenes difent que fon fils Ochofias ou Achazia avait quarante- deux ans quand il fut déclaré Melk, ou Roitelet. Il régna environ un an. Sa mère Athalie lui furvécut fix ans. Suppofons qu'elle fût mariée à quinze ans; il

eft

eft clair qu'elle avait au moins foixante-quatre ans. Il y a bien plus. Il eft dit dans le quatriéme livre des Rois que Jéhu égorgea quarante-deux frères d'Ochofias, & cet Ochofias était le cadet de tous fes frères. A ce compte, pour peu qu'un des quarante-deux frères eût été majeur, Athalie devait être âgée de cent-fix ans, quand le prêtre Joad la fit affaffiner. (*)

Je n'examine point ici comment le père d'Ochofias pouvait avoir quarante ans, & fon fils quarante-deux quand il lui fuccéda. Je n'éxamine que la tragédie. Je demande feulement de quel droit le prêtre Joad arme fes Lévites contre la Reine à laquelle il a fait ferment de fidélité? De quel droit trompe-t-il Athalie en lui promettant un tréfor? De quel droit fait-il maffacrer fa Reine dans la plus extrême vieilleife?

Athalie n'était certainement pas fi coupable que Jéhu qui avoit fait mourir foixante & dix

fils

fils du Roi Achab, & mis leurs têtes dans des corbeilles, à ce que dit le quatriéme livre des Rois. Le même livre rapporte qu'il fit exterminer tous les amis d'Achab, tous fes courtifans. & tous fes prêtres.

Cette Reine avait à la vérité ufé de repréfailles. Mais appartenait-il à Joad de confpirer contre elle & de la tuer? Il était fon fujet : & certainement dans nos mœurs & dans nos loix il n'eft pas plus permis à Joad de faire affaffiner fa Reine, qu'il n'eût été permis à l'archevèque de Cantorbéry d'affaffiner Elifabeth, parce qu'elle avait fait condamner Marie Stuard.

Il eût falu, pour qu'un tel affaffinat ne révoltât pas tous les efprits, que Dieu, qui est le maître de nôtre vie & des moyens de nous l'ôter, fût defcendu lui-même fur la terre d'une manière visible & fenfible, & qu'il eût ordonné ce meurtre; or c'eft certainement ce qu'il n'a pas fait. Il n'eft pas dit même que Joad ait confulté le Seigneur, ni qu'il lui ait fait la moindre prière avant de mettre fa Reine à mort. L'Ecriture dit feulement qu'il confpira avec fes Lévites, qu'il leur donna des lances, & qu'il fit affaffiner Athalie à la porte aux chevaux, fans dire que le Seigneur approuvat cette conduite.

N'eft-il donc pas clair, après cette expofition, que le rôle & le caractère de Joad dans Athalie, peuvent être du plus mauvais exemple, s'ils n'excitent pas la plus violente indignation?

Car