Obrazy na stronie
PDF
ePub

Pratiquer tous les agréments
Qui des époux font des amants,
Employer sa grâce ordinaire,
C'est ce que Conti saura faire.
Rendre Conti le plus heureux
Qui soit dans l'empire amoureux,
Trouver cent moyens de lui plaire,
C'est ce que Bourbon saura faire.

Apollon m'apprit l'autre jour
Qu'il naîtrait d'eux un jeune Amour
Plus beau que l'enfant de Cythère,
En un mot, semblable à son père.
Former cet enfant sur les traits
Des modèles les plus parfaits,
C'est ce que Bourbon saura faire;
Mais de nous priver d'un tel bien,
C'est à quoi Bourbon n'entend rien.

FABLE XXVI.

LA LIGUE DES RATS.

UNE souris craignait un chat

Qui dès long-temps la guettait au passage. Que faire en cet état? Elle, prudente et sage, Consulte son voisin : c'était un maître rat, Dont la rateuse 1 seigneurie S'était logée en bonne hôtellerie, Et qui cent fois s'était vanté, dit-on, De ne craindre ni chat, ni chatte, Ni coup de dent, ni coup de patte. Dame souris, lui dit ce fanfaron, Ma foi! quoi que je fasse,

Seul, je ne puis chasser le chat qui vous menace : Mais assemblons tous les rats d'alentour,

(1) Adjectif formé du mot rat par La Fontaine.

Y coudre encore un mot ou deux

En faveur de votre patrie :

Vous l'aimez. Les Anglais pensent profondément;
Leur esprit, en cela, suit leur tempérament;
Creusant dans les sujets, et forts d'expériences,
Ils étendent partout l'empire des sciences.
Je ne dis point ceci pour vous faire ma cour;
Vos gens, à pénétrer, l'emportent sur les autres;
Même les chiens de leur séjour

Ont meilleur nez que n'ont les nôtres.
Vos renards sont plus fins; je m'en vais le prouver
Par un d'eux, qui, pour se sauver,

Mit en usage un stratagème

Non encor pratiqué, des mieux imaginés.

Le scélérat, réduit en un péril extrême,
Et presque mis à bout par ces chiens au bon nez,
Passa près d'un patibulaire.1

Là, des animaux ravissants,

Blaireaux, renards, hibous, race encline à mal faire,
Pour l'exemple pendus, instruisaient les passants.
Leur confrère, aux abois, entre ces morts s'arrange.
Je crois voir Annibal, qui, pressé des Romains,
Met leur chef en défaut, ou leur donne le change,
Et sait, en vieux renard, s'échapper de leurs mains.
Les clefs de meutes,2 parvenues

A l'endroit où pour mort le traître se pendit,
Remplirent l'air de cris: leur maître les rompit,3
Bien que de leurs abois ils perçassent les nues.
Il ne put soupçonner ce tour assez plaisant.
Quelque terrier, dit-il, a sauvé mon galant;
Mes chiens n'appellent point au-delà des colonnes 4
Où sont tant d'honnêtes personnes.

Il y viendra, le drôle ! Il y vint, à son dam.5

(1) D'une potence. - (2) Terme de vénerie, les chiens qui conduisent et redressent les autres. (3) Rappela. (4) Des fourches patibulaires où les animaux étaient pendus. - (5) Dommage, perte.

Voilà maint basset clabaudant; 1

Voilà notre renard au charnier se guindant.2
Maître pendu croyait qu'il en irait de même
Que le jour qu'il tendit de semblables panneaux ;
Mais le pauvret, ce coup, y laissa ses houseaux 3
Tant il est vrai qu'il faut changer de stratagème!
Le chasseur, pour trouver sa propre sûreté,
N'aurait pas cependant un tel tour inventé;
Non point par peu d'esprit: est-il quelqu'un qui nie
Que tout Anglais n'en ait bonne provision?
Mais le peu d'amour pour la vie

Leur nuit en mainte occasion.

Je reviens à vous, non pour dire
D'autres traits sur votre sujet ;
Tout long éloge est un projet
Peu favorable pour ma lyre :

Peu de nos chants, peu de nos vers,
Par un encens flatteur amusent l'univers,
Et se font écouter des nations étranges.4
Votre prince 5 vous dit un jour

Qu'il aimait mieux un trait d'amour
Que quatre pages de louanges.

Agréez seulement le don que je vous fais
Des derniers efforts de ma muse.
C'est peu de chose; elle est confuse
De ces ouvrages imparfaits.
Cependant ne pourriez-vous faire
Que le même hommage pût plaire
A celle qui remplit vos climats d'habitants
Tirés de l'île de Cythère?

Vous voyez par-là que j'entends
Mazarin,6 des Amours déesse tutélaire.

(1) Aboyant. - (2) Montant. (3) Proverbialement, il y a laissé ses houseaux signifiait autrefois la même chose qu'il y a laissé ses guêtres, pour dire qu'il y perdit la vie. — (4) Etrangères. (5) Charles II.-(6) La belle Hortense, duchesse de Mazarin, nièce du cardinal de ce nom.

[ocr errors]

On l'appelait Alcimadure:

Fier et farouche objet, toujours courant aux bois, Toujours sautant aux prés, dansant sur la verdure, Et ne connaissant autres lois

Que son caprice; au reste, égalant les plus belles, Et surpassant les plus cruelles;

N'ayant trait qui ne plût, pas même en ses rigueurs :
Quelle l'eût-on trouvée au fort 2 de ses faveurs !
Le jeune et beau Daphnis, berger de noble race,
L'aima pour son malheur: jamais la moindre grâce,
Ni le moindre regard, le moindre mot enfin,
Ne lui fut accordé par ce cœur inhumain.
Las de continuer une poursuite vaine,
Il ne songea plus qu'à mourir.

Le désespoir le fit courir

A la porte de l'inhumaine.

Hélas! ce fut aux vents qu'il raconta sa peine ;
On ne daigna lui faire ouvrir

Cette maison fatale, où, parmi ses compagnes,
L'ingrate, pour le jour de sa nativité,3
Joignait aux fleurs de sa beauté

Les trésors des jardins et des vertes campagnes.
J'espérais, cria-t-il, expirer à vos yeux;
Mais je vous suis trop odieux,

Et ne m'étonne pas qu'ainsi que tout le reste
Vous me refusiez même un plaisir si funeste.
Mon père, après ma mort, et je l'en ai chargé,
Doit mettre à vos pieds l'héritage

Que votre cœur a négligé.

Je veux que l'on y joigne aussi le pâturage,
Tous mes troupeaux, avec mon chien ;
Et que du reste de mon bien

Mes compagnons fondent un temple

Où votre image se contemple,

Renouvelant de fleurs l'autel à tout moment.
J'aurai près de ce temple un simple monument.

(1) Femme. (2) Comble. — (3) Naissance.

66

66

On gravera sur la bordure :

Daphnis mourut d'amour. Passant, arrête-toi,
Pleure, et dis: Celui-ci succomba sous la loi
"De la cruelle Alcimadure."

A ces mots, par la Parque il se sentit atteint :
Il aurait poursuivi; la douleur le prévint.
Son ingrate sortit triomphant et parée.
On voulut, mais en vain, l'arrêter un moment
Pour donner quelques pleurs au sort de son amant :
Elle insulta toujours au fils de Cythérée,
Menant dès ce soir même, au mépris de ses lois,
Ses compagnes danser autour de sa statue.
Le dieu tomba sur elle, et l'accabla du poids:
Une voix sortit de la nue,

Écho redit ces mots dans les airs épandus:
"Que tout aime à présent: l'insensible n'est plus."
Cependant de Daphnis l'ombre au Styx descendue
Frémit et s'étonna, la voyant accourir.

Tout l'Érèbe 2 entendit cette belle homicide
S'excuser au berger, qui ne daigna l'ouïr,
Non plus qu'Ajax Ulysse,3 et Didon son perfide.4

FABLE XXVIII.

LE JUGE ARBITRE, L'HOSPITALIER ET LE SOLITAIRE. TROIS saints, également jaloux de leur salut, Portés d'un même esprit, tendaient à même but. Ils s'y prirent tous trois par des routes diverses : Tous chemins vont à Rome; ainsi nos concurrents Crurent pouvoir choisir des sentiers différents. L'un, touché des soucis, des longueurs, des traverses, Qu'en apanage on voit aux procès attachés,

(1) Fille de l'Air et de la Terre. Elle fut condamnée par Junon à ne répéter que la dernière parole de ceux qui l'interrogeaient.(2) Fleuve d'Enfer.- (3) Hom. Odyss. lib. XI. v. 563. (4) Virgil. Æneid, lib. VI. v. 450.

« PoprzedniaDalej »