Pratiquer tous les agréments Qui des époux font des amants, Employer sa grâce ordinaire, C'est ce que Conti saura faire. Rendre Conti le plus heureux Qui soit dans l'empire amoureux, Trouver cent moyens de lui plaire, C'est ce que Bourbon saura faire.
Apollon m'apprit l'autre jour Qu'il naîtrait d'eux un jeune Amour Plus beau que l'enfant de Cythère, En un mot, semblable à son père. Former cet enfant sur les traits Des modèles les plus parfaits, C'est ce que Bourbon saura faire; Mais de nous priver d'un tel bien, C'est à quoi Bourbon n'entend rien.
LA LIGUE DES RATS.
UNE souris craignait un chat
Qui dès long-temps la guettait au passage. Que faire en cet état? Elle, prudente et sage, Consulte son voisin : c'était un maître rat, Dont la rateuse 1 seigneurie S'était logée en bonne hôtellerie, Et qui cent fois s'était vanté, dit-on, De ne craindre ni chat, ni chatte, Ni coup de dent, ni coup de patte. Dame souris, lui dit ce fanfaron, Ma foi! quoi que je fasse,
Seul, je ne puis chasser le chat qui vous menace : Mais assemblons tous les rats d'alentour,
(1) Adjectif formé du mot rat par La Fontaine.
Y coudre encore un mot ou deux
En faveur de votre patrie :
Vous l'aimez. Les Anglais pensent profondément; Leur esprit, en cela, suit leur tempérament; Creusant dans les sujets, et forts d'expériences, Ils étendent partout l'empire des sciences. Je ne dis point ceci pour vous faire ma cour; Vos gens, à pénétrer, l'emportent sur les autres; Même les chiens de leur séjour
Ont meilleur nez que n'ont les nôtres. Vos renards sont plus fins; je m'en vais le prouver Par un d'eux, qui, pour se sauver,
Mit en usage un stratagème
Non encor pratiqué, des mieux imaginés.
Le scélérat, réduit en un péril extrême, Et presque mis à bout par ces chiens au bon nez, Passa près d'un patibulaire.1
Là, des animaux ravissants,
Blaireaux, renards, hibous, race encline à mal faire, Pour l'exemple pendus, instruisaient les passants. Leur confrère, aux abois, entre ces morts s'arrange. Je crois voir Annibal, qui, pressé des Romains, Met leur chef en défaut, ou leur donne le change, Et sait, en vieux renard, s'échapper de leurs mains. Les clefs de meutes,2 parvenues
A l'endroit où pour mort le traître se pendit, Remplirent l'air de cris: leur maître les rompit,3 Bien que de leurs abois ils perçassent les nues. Il ne put soupçonner ce tour assez plaisant. Quelque terrier, dit-il, a sauvé mon galant; Mes chiens n'appellent point au-delà des colonnes 4 Où sont tant d'honnêtes personnes.
Il y viendra, le drôle ! Il y vint, à son dam.5
(1) D'une potence. - (2) Terme de vénerie, les chiens qui conduisent et redressent les autres. (3) Rappela. (4) Des fourches patibulaires où les animaux étaient pendus. - (5) Dommage, perte.
Voilà maint basset clabaudant; 1
Voilà notre renard au charnier se guindant.2 Maître pendu croyait qu'il en irait de même Que le jour qu'il tendit de semblables panneaux ; Mais le pauvret, ce coup, y laissa ses houseaux 3 Tant il est vrai qu'il faut changer de stratagème! Le chasseur, pour trouver sa propre sûreté, N'aurait pas cependant un tel tour inventé; Non point par peu d'esprit: est-il quelqu'un qui nie Que tout Anglais n'en ait bonne provision? Mais le peu d'amour pour la vie
Leur nuit en mainte occasion.
Je reviens à vous, non pour dire D'autres traits sur votre sujet ; Tout long éloge est un projet Peu favorable pour ma lyre :
Peu de nos chants, peu de nos vers, Par un encens flatteur amusent l'univers, Et se font écouter des nations étranges.4 Votre prince 5 vous dit un jour
Qu'il aimait mieux un trait d'amour Que quatre pages de louanges.
Agréez seulement le don que je vous fais Des derniers efforts de ma muse. C'est peu de chose; elle est confuse De ces ouvrages imparfaits. Cependant ne pourriez-vous faire Que le même hommage pût plaire A celle qui remplit vos climats d'habitants Tirés de l'île de Cythère?
Vous voyez par-là que j'entends Mazarin,6 des Amours déesse tutélaire.
(1) Aboyant. - (2) Montant. (3) Proverbialement, il y a laissé ses houseaux signifiait autrefois la même chose qu'il y a laissé ses guêtres, pour dire qu'il y perdit la vie. — (4) Etrangères. (5) Charles II.-(6) La belle Hortense, duchesse de Mazarin, nièce du cardinal de ce nom.
On l'appelait Alcimadure:
Fier et farouche objet, toujours courant aux bois, Toujours sautant aux prés, dansant sur la verdure, Et ne connaissant autres lois
Que son caprice; au reste, égalant les plus belles, Et surpassant les plus cruelles;
N'ayant trait qui ne plût, pas même en ses rigueurs : Quelle l'eût-on trouvée au fort 2 de ses faveurs ! Le jeune et beau Daphnis, berger de noble race, L'aima pour son malheur: jamais la moindre grâce, Ni le moindre regard, le moindre mot enfin, Ne lui fut accordé par ce cœur inhumain. Las de continuer une poursuite vaine, Il ne songea plus qu'à mourir.
Le désespoir le fit courir
A la porte de l'inhumaine.
Hélas! ce fut aux vents qu'il raconta sa peine ; On ne daigna lui faire ouvrir
Cette maison fatale, où, parmi ses compagnes, L'ingrate, pour le jour de sa nativité,3 Joignait aux fleurs de sa beauté
Les trésors des jardins et des vertes campagnes. J'espérais, cria-t-il, expirer à vos yeux; Mais je vous suis trop odieux,
Et ne m'étonne pas qu'ainsi que tout le reste Vous me refusiez même un plaisir si funeste. Mon père, après ma mort, et je l'en ai chargé, Doit mettre à vos pieds l'héritage
Que votre cœur a négligé.
Je veux que l'on y joigne aussi le pâturage, Tous mes troupeaux, avec mon chien ; Et que du reste de mon bien
Mes compagnons fondent un temple
Où votre image se contemple,
Renouvelant de fleurs l'autel à tout moment. J'aurai près de ce temple un simple monument.
(1) Femme. (2) Comble. — (3) Naissance.
On gravera sur la bordure :
Daphnis mourut d'amour. Passant, arrête-toi, Pleure, et dis: Celui-ci succomba sous la loi "De la cruelle Alcimadure."
A ces mots, par la Parque il se sentit atteint : Il aurait poursuivi; la douleur le prévint. Son ingrate sortit triomphant et parée. On voulut, mais en vain, l'arrêter un moment Pour donner quelques pleurs au sort de son amant : Elle insulta toujours au fils de Cythérée, Menant dès ce soir même, au mépris de ses lois, Ses compagnes danser autour de sa statue. Le dieu tomba sur elle, et l'accabla du poids: Une voix sortit de la nue,
Écho redit ces mots dans les airs épandus: "Que tout aime à présent: l'insensible n'est plus." Cependant de Daphnis l'ombre au Styx descendue Frémit et s'étonna, la voyant accourir.
Tout l'Érèbe 2 entendit cette belle homicide S'excuser au berger, qui ne daigna l'ouïr, Non plus qu'Ajax Ulysse,3 et Didon son perfide.4
LE JUGE ARBITRE, L'HOSPITALIER ET LE SOLITAIRE. TROIS saints, également jaloux de leur salut, Portés d'un même esprit, tendaient à même but. Ils s'y prirent tous trois par des routes diverses : Tous chemins vont à Rome; ainsi nos concurrents Crurent pouvoir choisir des sentiers différents. L'un, touché des soucis, des longueurs, des traverses, Qu'en apanage on voit aux procès attachés,
(1) Fille de l'Air et de la Terre. Elle fut condamnée par Junon à ne répéter que la dernière parole de ceux qui l'interrogeaient.(2) Fleuve d'Enfer.- (3) Hom. Odyss. lib. XI. v. 563. (4) Virgil. Æneid, lib. VI. v. 450.
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