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rapporter ici les qualités de deux personnes si célèbres qui ont servi d'instrument à la justice de Dieu à l'égard d'une infinité de personnes dignes d'éprouver les effets de sa colère; car le schisme des Novatiens, dont nous allons voir les commencemens, a duré très long-tems dans l'Église, et s'y est répandu en beaucoup d'endroits de l'Orient et de l'Occident. Novat était prêtre d'Afrique, et, comme parlent Eusèbe et saint Jérôme dans leurs chroniques, il était prêtre de saint Ciprien, c'est-à-dire de l'église de Carthage, ce qui paraît assez par les lettres de saint Ciprien. Il est vrai que Baronius le fait évêque; mais c'est sans fondement (1).

On ne sait pas de quelle manière il avait été élevé à un rang dont il était si indigne; car saint Ciprien nous assure qu'il avait toujours été regardé par les évêques comme un esprit dangereux, comme un brouillon et un amateur de nouveautés, et même comme un perfide et un hérétique. Il voulait tout savoir, pour trahir ceux qui lui confiaient leurs secrets. Il flattait (2) pour tromper, et n'avait d'amitié ferme et sincère pour personne. C'est, dit saint Ciprien (3), un flambeau de discorde, toujours prêt à allumer la sédition et la guerre, une tempête qui fait faire naufrage dans la foi, un ennemi du repos, de la tranquillité et de la paix.

(1) Ainsi que le prouve Tillemont dans la vie de saint Cyprien. (2, Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique, par Tillemont. Paris, 1701, III, 435.

(3, Épitre 49 dans l'édition de Pamélius, 48 dans celle de Rigault et dans Lombert, 51 dans celle d'Amsterdam, 1700.

Ce vice qui fut si pernicieux à toute l'Église, n'était pas le seul dont il fût coupable. Il avait une vanité et une arrogance qui l'enflait jusqu'à lui faire perdre tout sentiment de Dieu et de son devoir, et avec cela une avarice insatiable, et une passion démesurée de ravir même le bien des autres (1). Il dẻpouillait les pupilles, volait les veuves de l'église de Carthage, déniait l'argent dont il était redevable à l'Église et les derniers crimes qu'il commit furent la juste peine de ces premiers. Il chassa de chez lui son propre père, selon saint Pacien, et le laissa mourir de faim, selon saint Ciprien (2), lui refusant même l'honneur de la sépulture après sa mort. D'un coup de pié qu'il donna dans le ventre de sa femme qui était enceinte, il la fit avorter d'un enfant mort. C'est donc avec raison que saint Pacien (3) l'appelle traître et parricide de son père et de son fils.

Il y avait long-tems qu'il craignait la sévérité de l'Église pour tant de crimes dont il se sentait coupable. Il voyait bien qu'il ne pouvait éviter d'être non-seulement déposé de la prêtrise, mais encore privé de la communion. En effet, comme les frères sollicitaient l'examen de sa cause, le jour pris pour s'en occuper était proche, lorsque la persécution survint. Il la vit venir avec joie, parce qu'elle le mettait,

(1) Paciani Barcinonensis epistola 3; Bibliotheca Patrum, t. III, p. 60, b. c.

(2) Épître 51 dans l'édition d'Amsterdam.

(3) Epist. 2, p. 55, a; el 66, a.

au moins pour quelque tems, à couvert de la condamuation qu'il méritait; et il en prit occasion pour mettre le trouble et le désordre partout; car jugeant qu'il ne manquerait pas tôt ou tard d'être excommunié et chassé de l'Église, il aina mieux en sortir volontairement avant que les évêques eussent prononcé contre lui, comme s'il eût pu s'exemter de la peine due à ses crimes, en s'y jetant de lui-même, et en prévenant sa sentence.

Ce fut donc lui qui alluma le premier à Carthage le feu de la division et de la discorde, et qui y souleva une partie des fidèles contre saint Ciprien, leur évêque, c'est-à-dire que ce fut lui qui fut auteur du schisme de Félicissime, lequel, s'étant le premier révolté contre l'Église au commencement de l'an 251, fut suivi peu de tems après par cinq prêtres de Carthage qui se joignirent à lui, et tâchèrent d'attirer à eux ceux (1) qui étaient tombés dans l'apostasie; sur quoi saint Ciprien dit que l'on avait enfin découvert l'origine, la racine et les fondemens de la faction de Félicissime. Ainsi n'y ayant pas lieu de douter que Novat ne fût du nombre des cinq prêtres, il en résulte qu'il faut lui appliquer ce que saint Ciprien dit d'eux en général, qu'ils s'étaient opposés à son élection lorsqu'il fut fait évêque, que depuis ils avaient engagé les pécheurs à l'impénitence par une douceur criminelle, et en communiquant même avec eux contre les défenses expresses qu'il avait faites; enfin qu'ils

(1) Mém pour l'hist. ecclés., par Tillemont, III, 434.

avaient encore engagé les confesseurs à lui désobeir et à violer la discipline de l'Église.

Ces cinq prêtres déserteurs de l'Église furent excommuniés par le jugement d'un grand nombre des plus illustres évêques d'Afrique, dans le concile qui fut tenu un peu après Pâques de l'an 251. Saint Ciprien dit nommément de Novat, qu'il avait été condamné par la voix de tous les évêques, comme un hérétique obstiné et un perfide, quoique les expressions dont il se sert puissent être prises dans un autre sens. Saint Pacien semble dire (1) que pour éviter la honte de cette condamnation, ou déjà prononcée, ou prête à être prononcée contre lui, il vint se cacher à Rome : et la chose, en elle-même, est très probable.

Mais, avant de sortir de l'Afrique pour aller exercer à Rome son esprit brouillon et furieux, il sc signala par un nouveau crime, qui fut l'ordination de Félicissime, son satellite, comme l'appelle saint Ciprien, qu'il fit ordonner diacre sans que ce saint lui en eût donné la permission, ni même qu'il en eût eu la moindre connaissance. Voilà quelles étaient les qualités de Novat (2).

(1) Epist. 3, p. 60, c.

(2) Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique, par Tillemont, III, 435.

Commencement de l'histoire de Novatien. Il est fait prêtre.

250.

VII. Nous ne trouverons point dans Novatien de crimes grossiers semblables à ceux de Novat; mais nous y déplorerons au contraire beaucoup de belles qualités corrompues par une ambition déréglée. Nous voyons que saint Ciprien lui accorde la gloire de l'éloquence saint Jérôme l'appelle aussi un homme très éloquent et véritablement ce que nous avons de lui ne dément point ces éloges, particulièrement la lettre célèbre du clergé de Rome à saint Ciprien, lettre qu'il a composée (1); car c'est une pièce excellente, un grand témoignage de l'esprit et de l'éloquence de l'auteur.

Il était aussi fort habile dans la philosophie païenne : mais ce fut dans cette source corrompue qu'il puisa une rigueur inflexible envers les autres, au lieu d'apprendre de la philosophie chrétienne la douceur et la paix qui y sont enseignées. Cette philosophie païenne lui fit faire naufrage dans la foi, n'étant pas étrange qu'un philosophe du siècle, dit Tillemont, abandonne l'Église du Dieu vivant. Les Anciens ne disent pas expressément de quelle philosophie il fe

(1) Id., ibid. Je reviendrai sur cette lettre, dans l'article suivant, et je la donnerai tout entière aux articles 1x et x.

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