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furent suivis de trois jours mémorables à jamais par les horreurs inouïes dont ils furent témoins.

Il n'y a point de tyran, point d'homme en démence, des temps anciens ou modernes, qui ait commis autant de cruautés que Christiern à Stockholm, le 8, le 9, et le 10 novembre 1520. Sa soif du sang était sans bornes. Insatiable dans sa vengeance, les têtes les plus nobles de la Suède tombèrent sous la hache. Il n'épargna ni le sexe, ni l'âge, ni la profession, ni la naissance.

Tous ceux qui s'étaient opposés à l'archevêque, et qui avaient défendu avec les Sture les intérêts sacrés de la patrie, furent les victimes de sa fureur. La fleur de la nation suédoise fut moissonnée. Il périt quatre-vingt-quatorze personnes, qui toutes appartenaient aux familles les plus distinguées. On ne fit grâce ni aux femmes, ni aux enfans, ni aux orphelins de ces infortunés, pas même à leurs domestiques.

Stockholm, pendant ces trois terribles journées, offrait l'aspect d'une boucherie. Le sang des innocens coulait à flots, et rougissait l'eau des canaux dont les rues sont percées.

Christiern n'avait aucun sentiment d'humanité. Le caractère du prêtre même n'était pas sacré pour lui. Plusieurs de ceux qui avaient combattu pour les intérêts de la patrie perdirent aussi la tête. Parmi ces malheureuses victimes se trouvèrent deux saints évêques, Mathias, de Strengnæs, qui, à l'instigation de l'archevêque, avait travaillé avec ardeur à l'élévation de Christiern au trône, et le vénérable vieillard Vincent, évêque de Scara. Ils furent décapités tous deux; le dernier, pour avoir approuvé la déposition de l'archevêque Gustave Trolle. Leurs corps tout nus furent réunis à ceux des autres. On trouva sur celui de Vincent de Scara un vêtement de pénitence en fer, très long et très lourd. Il protégea sa pudeur, que le cœur de tigre de Christiern n'avait point respectée.

On n'épargna pas même les morts. Le corps de StenonSture, le jeune, et celui de son fils, qui avaient été déposés dans l'église des Franciscains, furent tirés de leur caveau et jetés parmi les autres corps. Quand Christiern les aperçut, il s'élança sur eux et les déchira avec les dents.

Pendant trois jours les corps demeurèrent étendus sur le marché de la ville, exposés à toutes sortes de mutilations. Le quatrième, ils furent traînés par le valet du bourreau sur la plaine du faubourg méridional et brûlés sur un bûcher. Les membres que le feu n'avait point consumés et les corps des deux évêques, qui avaient été mis de côté, furent jetés à la voirie.

Cependant les valets du bourreau avaient avec intention réservé aussi quelques parties du corps de Sture. Christiern les fit couper par petits morceaux, et disperser, pour l'effroi du peuple, dans toutes les provinces du royaume.

Mais ce qui rendit plus odieux encore les cruautés inouïes de cette scène, ce fut que Christiern prétendit qu'en commettant toutes ces abominations, il ne faisait qu'exécuter le bref du pape et agir en son nom. Dans son infernale astuce, il avait su tromper la piété de Léon X. Léon avait confirmé solennellement, le 13 mai de cette année, le grand et le petit ban, lancés l'année précédente par un tribunal ecclésiastique du Danemarck contre Stenon-Sture et ses partisans, et qui étaient accompagnés d'une menace d'interdit contre toute la Suède (14). C'étaient l'archevêque de Lund et Gustave Trolle qui avaient le plus contribué à faire faire cette fausse démarche par le pape.

(14) Ruch, Histoire de Suède, t. II, p. 196 sq. Raynoldi Annales Ecclesiat. ad a. 1519, n. 57, t. XII, p. 265, ed. Roman., où se trouve une lettre de Léon X, du 16 août 1519. La bulle de Léon se voit dans Magnus Celse Bullarium Suev-Gothicum, n. 24. Holmiæ 1782,

Christiern avait tenu, dans sa lettre à Léon, le langage hypocrite d'un défenseur et d'un protecteur de l'Église, et avait annoncé le désir de venger les actes de violence commis par les Sture contre l'Église de Suède.

Le ban,fut lancé contre la Suède, dès l'année 1519, et avant même que le pape l'eût confirmé, mais sans résultat. Dans ces jours de terreur, Gustave Trolle se montra dans toute la pompe de la dignité archiepiscopale, quoiqu'il en eût été dépouillé à la diète nationale d'Arbogo, avec le consentement du neveu du pape; en qualité d'archevêque, il forma un haut tribunal ecclésiastique, dans lequel il justifia le ban et déclara que Christiern en était le légitime exécuteur. Ni sa patrie ni l'Église ne lui pardonneront jamais un acte si coupable.

Les malheureuses victimes furent en conséquence, pour rendre leur sort plus cruel, déclarées hérétiques, et les consolations de la religion leur furent refusées. Les pieux évêques de Scara et de Strengnæs protestèrent hautement au pied de l'échafaud contre cette mesure qu'ils dénoncèrent à la vengeance divine. Mais le roulement des tambours étouffa leurs touchantes plaintes; ils moururent sans recevoir les sacremens de l'Église.

En parcourant la Suède, Christiern commit partout les mêmes cruautés qu'à Stockholm. Dans tous les lieux par lesquels il passait, il organisait des tribunaux de sang. Il avait pour maxime que le paysan suédois n'était pas né pour la guerre, mais pour l'agriculture, et qu'il n'avait besoin pour cela que d'une main et d'un pied: car rien ne l'empêchait de

in-4o. Je n'ai malheureusement pas pu me servir de cet intéressaut ouvrage, non plus que de la suite par Porthan: Ad recensionem Bullarii Romano-Suevgothica a nob. a Celse editam accessio. Aboa sine anno, in-4o, Cet ouvrage a paru vers la fin du dernier siècle.

marcher, tant bien que mal, avec une seule main et une jambe de bois, à côté de sa charrue.

A Rastporg, vers Noël de cette même année, il fit décapiter, avec dix autres héroïques défenseurs de la patrie, le noble Hemming Gadd, évêque de Lincœping, à qui il devait pourtant en grande partie son élévation au trône de Suède et à qui la Suède ne peut reprocher que cette seule faiblesse. Le jour de l'Épiphanie, deux bourgeois de Wadstena furent mis en pièces par ses ordres et ensuite abandonnés aux corbeaux. Il profana par des cruautés du même genre le jour de la Conversion de saint Paul, 25 janvier 1521 à Jenecœping. Arrivé avec sa suite au couvent de Nydala, et accueilli avec la plus parfaite hospitalité, il fit jeter dans la rivière, les mains liées derrière le dos, l'abbé et sept religieux, le jour de la Purification, le 2 février, au moment où ils venaient de célébrer la messe. C'est ainsi que cet ingrat les punissait de l'attachement qu'ils avaient montré pour leur patrie dans les précédentes guerres danoises.

Le nombre des personnes qu'il fit mourir ainsi en Suède s'élève à cinq cents (15).

Les biens de tous ces infortunés furent confisqués. Chargé d'immenses richesses, mais en même temps des malédictions de tous les Suédois, il retourna en Danemarck.

Il ne revit plus après cela la Suède. Ce royaume fut à jamais perdu pour lui. La douleur et le dépit que lui causa cette perte donnèrent lieu à la vengeance horrible, mais bien digne de lui, à laquelle il se livra sur la personne d'un méprisable prêtre westphalien, nommé Dietrich Schlaghoeck.

(15) Voyez Messenius, t. VII, pag. 88-91. Johannes Magnus Historia Gothorum Suecorumque, lib. XXIV, cap. I et iv, p. 779 s sq. Romæ 1554, in-fol. Raynald. Eccles. ad a. 1520, n. 88, pag. 309, t. XII, ed. Dom. Mansi Lucæ 1753, in-fol.

C'était surtout Schlaghoeck qui avait poussé Christiern aux cruautés qu'il commit en Suède. Dans l'enivrement du triomphe, il le nomma d'abord évêque de Scara et bientôt après archevêque de Lund. Mais sa victoire ayant été promptement suivie de la perte du royaume, il regarda Schlaghoeck comme la cause première de ce malheur et le fit jeter en prison, où après lui avoir fait souffrir des tourmens inouïs il le fit brûler vif sur le vieux marché de Copenhague, le 24 janvier 1522.

Un sort non moins barbare aurait sans doute été réservé aux pieux et vertueux prélats Eric Valchendorp, archevêque de Nidrosie et primat de Norwège, et George Scorborg, archevêque de Lund, le premier pour avoir, à l'instigation de l'empereur Charles-Quint, reproché à Christiern sa liaison illégitime avec Sigebritte; le second pour n'avoir pas approuvé ses abominables cruautés contre la Suède. Mais l'un et l'autre cherchèrent leur salut dans la fuite; ils voulaient se réfugier à Rome. Valchendorp fut seul assez heureux pour y arriver; Scorborg mourut sur la route, à Cologne, dans la maison du pieux patricien Rink, et il devint pour tout le monde un grand sujet d'édification par ses vertus. Il succomba moins à la maladie qu'à la douleur de voir l'Église de sa patrie persécutée par un monstre comme Christiern (16).

(16) Is episcopus tandem propter justitiæ defensionem exul a sede et patria sua, Coloniæ Agrippinæ mortuus est post multas hujus vitæ ærumnas et calamitates, quas constanti animo non paucis annis perferre maluit, quam diœcesim suam, non ut pastor, sed ut vilis mercenarius, prodere tyrannis. Habitavi ego aliquandiu in ædibus ejus, cum Coloniæ litteris operam darem, multaque vidi in illo virtutum exempla. Utebatur sæpissime aspero cilicio ad nudum corpus, atque in precibus erat assiduus. Rara quædam in illo prudentia cernebatur, et morum gravitas. Quando exul venit Coloniam, hospitio receptus est a D. Johanne Rinckio, patricio Coloniensi, viro celeberrimo atque

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