comme les membres d'une même famille, qui doivent se secourir mutuellement; nous devons prier pour le souverain pontife, parce qu'étant le père et le chef de cette famille, ses enfants doivent sans cesse demander pour lui les grâces spéciales dont il a besoin. Employez-vous avec une vigilance et une persévérance continuelle à prier pour tous les saints, et pour moi aussi, afin que Dieu, m'ouvrant la bouche, me donne des paroles pour annoncer librement le mystère de l'Évangile1.

40. Pourquoi devons-nous prier pour ceux qui sont revêtus du pouvoir? Parce que le bon gouvernement de la société civile importe beaucoup à l'Église et au salut des hommes.

Je vous conjure... qu'on fasse des supplications... pour tous ceux qui sont élevés en dignité, afin que nous menions une vie paisible et tranquille, en toute piété et chasteté. Car cela est bon et agréable à Dieu notre Sauveur 2.

41. Devons-nous prier aussi pour les morts?

Nous devons prier pour les fidèles de l'Église souffrante, afin que leurs âmes soient délivrées des peines du purgatoire 3.

C'est une sainte et salutaire pensée de prier pour les morts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés1.

Quel doit être l'objet de la prière.

42. Quel est l'objet de la prière?

La prière a pour objet tout ce que nous devons ou pouvons légitimement désirer et demander; c'est-à-dire tout ce qui a pour fin la gloire de Dieu et le salut de notre âme.

43. Que devons-nous d'abord désirer et demander?

Dieu veut que nous lui demandions premièrement et principalement la vie éternelle, et la justice, c'est-à-dire la charité, qui y conduit. C'est, en effet, pour Dieu que nous avons été créés ; c'est pour le voir, l'aimer, régner avec lui, vivre de lui pendant l'éternité, après l'avoir aimé et avoir vécu pour lui pendant notre séjour sur la terre. C'est donc proprement Dieu seul que nous devons désirer.

Pour les autres biens, s'il est permis de les désirer, ce ne doit être que par rapport à Dieu et à la justice, c'est-à-dire en tant qu'ils peuvent être des moyens d'arriver à cette heureuse fin.

Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice3.

21 Tim., II, 1-3. 3 Voir Ire Partie, p. 430. - 4 II Mach., XII, 46.

44. De quelle manière devons-nous demander à Dieu la justice?

Nous devons demander la justice, pour elle-même, puisqu'elle est notre unique bien pendant la vie présente; nous devons la demander absolument, sans condition, sans restriction, parce qu'elle nous conduit au terme où tendent nos désirs.

<< Entre les biens spirituels, les uns sont nécessaires au salut, et les autres ne le sont pas; or ces biens nécessaires pour notre salut sont : la foi, l'espérance, la charité et les autres vertus qui les accompagnent. Quant à ces biens, nous devons les demander à Dieu absolument, sans hésitation, d'autant qu'il veut nous les donner.» (S. FRANÇOIS DE SALES.)

La volonté de Dieu est que vous soyez saints1. Soyez donc, vous autres, parfaits, comme votre Père céleste est parfait2.

45. Devons-nous demander à Dieu, de la même manière, la délivrance de nos défauts ou de nos tentations?

Non; mais notre demande doit être subordonnée à la volonté de Dieu; car ces tentations et ces défauts qui nous font gémir peuvent devenir par sa grâce un moyen de salut pour nous, Dieu les faisant servir à nous rendre plus humbles, plus vigilants dans la prière, plus reconnaissants envers sa miséricorde.

C'est ainsi que lorsque saint Paul demandait à Dieu avec instance d'être délivré de cet ange de Satan qui le souffletait, il lui fut répondu «Ma grâce vous suffit, car ma puissance éclate davantage dans la faiblesse 3. » Dieu ne l'exauçait pas, parce que ces tentations humiliantes le préservaient de l'orgueil que la grandeur de ses révélations aurait pu lui inspirer.

« Le médecin sait mieux ce qu'il faut au malade que le malade luimême. » (S. AUGUSTIN.)

46. Pouvons-nous demander à Dieu certains biens spirituels qui ne sont pas nécessaires au salut?

Nous pouvons demander à Dieu certains biens spirituels qui ne sont pas nécessaires au salut, tels que les lumières, les consolations, que Dieu accorde quelquefois à ceux qui le servent. Mais ce doit être toujours avec une entière soumission à sa sainte volonté. 47. Pouvons-nous légitimement demander à Dieu les biens temporels ? Nous pouvons demander à Dieu les biens temporels qui sont nécessaires pour les différents besoins de la vie humaine, comme la santé, la nourriture et l'habillement, la délivrance ou la préservation des maux et des accidents fâcheux, la conservation de nos parents et de nos amis, le succès dans les entreprises justes, la paix de l'État, la victoire sur les ennemis, et autres avantages

48. Pourquoi pouvons-nous demander ces biens temporels?

Parce que le désir de ces biens a sa source dans la nature, dont Dieu est l'auteur. Lui-même nous a enseigné à demander notre pain quotidien '.

Ne me donnez, Seigneur, ni la pauvreté ni les richesses: donnez-moi seulement les choses nécessaires à ma vie; de peur que, rassasié, je ne sois tenté de vous renier, et de dire: Qui est le Seigneur? ou que, poussé par la détresse, je ne dérobe, et que je ne viole par un parjure le nom de mon Dieu 2.

49. De quelle manière devons-nous demander à Dieu les choses temporelles, même nécessaires?

Nous devons toujours les demander: 1° conditionnellement, c'est-à-dire en tant qu'elles ne deviennent point des obstacles à notre salut; 2o avec une soumission parfaite à la volonté de Dieu.

Les choses temporelles, en effet, peuvent être pour nous des obstacles à notre salut, comme aussi elles peuvent être des moyens. C'est ce que Dieu seul connaît; par conséquent, c'est à sa seule volonté que nous devons soumettre tous nos désirs et toutes nos demandes.

50. Pourquoi ne demandons-nous pas à Dieu les richesses et les grandeurs temporelles?

1o Afin d'imiter Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre modèle et notre maître, qui s'est rendu pauvre pour l'amour de nous, jusqu'à n'avoir pas où reposer sa tête 3; qui, étant la splendeur de la gloire du Père, l'empreinte de sa substance, et ayant la forme et la nature de Dieu, s'est anéanti lui-même en prenant la forme et la nature de serviteur, se rendant obéissant jusqu'à la mort de la croix".

2o Parce que ces biens présentent beaucoup de dangers par rapport au salut, que le désir en est ordinairement vicieux et désordonné, et qu'il a son principe dans la nature corrompue.

Ayant donc de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir, nous devons être contents, parce que ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans le piège du diable, et en divers désirs inutiles et pernicieux, qui précipitent les hommes dans l'abime de la perdition et de la damnation.

Mes enfants bien-aimés, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses d'entrer dans le royaume de Dieu! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu.

1 Luc, XI,

3. 2 Prov., xxx, 8, 9.

3 Luc, IX, 58. 4 Hébr., 1, 3: Phil., 11, 6-8. 5 I Tim., VI, 8, 9. 6 Marc, x, 24-25.

51. Pèche-t-on en demandant à Dieu ce qu'il ne faut pas?

On pèche gravement, si l'on demande à Dieu quelque chose de contraire à sa loi, parce que c'est lui demander de concourir au mal, ce qui est une injure grave faite à sa sainteté1..

Vous ne recevez point, parce que vous demandez mal, demandant pour avoir de quoi satisfaire à vos passions 2.

4. Qualités de la prière.

52. Pour que la prière soit bonne, suffit-il de demander à Dieu ce qu'il faut? Non, on doit encore prier comme il faut.

53. Qu'est-ce que prier comme il faut?

C'est prier: 1o avec attention; 2o avec humilité; 3o avec foi; 4o avec confiance; 5° avec ferveur; 6o avec persévérance.

Notre-Seigneur nous recommande, en outre, de prier en son

nom.

L'attention.

54. Qu'est-ce que prier avec attention?

C'est prier, l'esprit occupé de ce qu'on dit à Dieu ou des choses de Dieu.

Notre Dieu est proche de nous et présent à toutes nos prières 3. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité“. 55. Combien y a-t-il de sortes d'attention dans la prière?

Il y en a trois : 1° l'attention aux paroles qu'on prononce; 2o l'attention au sens qu'elles expriment; 3° l'attention à la présence de Dieu ou à quelque pensée pieuse.

56. Peut-il suffire de faire attention aux seules paroles?

Cette attention peut suffire et satisfait au devoir imposé pour les prières vocales de précepte; mais elle ne produit pas la réfection de l'âme.

Ma bouche vous louera dans des transports de joie 5. Mes lèvres seront occupées à vous louer 6.

57. Quel est l'effet de l'attention au sens des paroles?

Elle fait produire à l'âme les diverses affections qui ont rapport à la formule de la prière même que l'on fait. Celte attention suppose l'intelligence des paroles, et peut se rapporter, soit à leur sens littéral, soit à leur sens spirituel.

Je prierai d'esprit, mais je prierai aussi avec intelligence".

58. En quoi consiste la troisième sorte d'attention?

Cette attention, qu'on appelle spirituelle et qui est la plus parfaite de toutes, ne s'arrête pas au sens des mots : elle va à la fin même de la prière, c'est-à-dire à Dieu ou à ce qu'on désire obtenir de sa divine Majesté. Elle se nourrit, pendant la prière, de la présence de Dieu ou de pieuses et saintes pensées. Elle est ainsi très utile à l'âme et devient une source féconde de lumières et de sentiments de dévotion.

C'est ce qui justifie la récitation des prières liturgiques en latin, par ceux qui ne connaissent pas cette langue.

59. Pourquoi l'attention dans la prière est-elle nécessaire?

Parce que la prière sans attention est inutile et même mauvaise.

1o Elle est inutile. « Comment demandez-vous, dit saint Cyprien, que Dieu vous écoute, lorsque vous ne vous écoutez pas vousmêmes? Vous voulez qu'il se souvienne de vous, dans le temps que vous vous oubliez vous-mêmes. >>

Ce peuple m'honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi et c'est en vain qu'ils m'honorent 1.

2o Elle est mauvaise, car elle est une irrévérence envers Dieu. Que sa prière même lui soit imputée à péché2.

60. Quels sont les obstacles à l'attention dans la prière?

Ce sont les distractions, c'est-à-dire les pensées étrangères, les images frivoles, qui viennent troubler une si sainte action.

61. Toutes les distractions sont-elles coupables?

Il n'y a de coupables que les distractions volontaires.

62. Comment les distractions peuvent-elles être volontaires?

De deux manières : 1o Les unes sont volontaires en ellesmêmes lorsque de propos délibéré on se détourne de l'attention à la prière pour penser à autre chose, ou qu'on admet volontairement des pensées qui se présentent et qu'on s'y arrête sans les désavouer.

1o Les autres sont volontaires dans leur principe et dans leur origine. Bien que la volonté ne s'y livre pas positivement, et qu'on fasse même des efforts pour les repousser, elles sont néanmoins censées volontaires, parce qu'elles sont l'effet de la dissipation où l'on s'est jeté volontairement, ou de l'amour du monde dont on est plein.