l'homme à la grâce efficace est établie par l'enseignement de l'Église, claire ment affirmée par l'Écriture sainte et par l'unanimité de la Tradition catholique, et confirmée par la raison. La fidélité à la grâce réjouit le cœur de Dieu, tandis que l'infidélité le contriste. Celle-là attire de nouvelles grâces; celle-ci les rend plus rares. Distribution de la grâce. Dieu accorde à tous les hommes des grâces suffisantes pour le salut: il les accorde aux justes, pour observer tous les préceptes; aux fidèles pécheurs, pour se préserver du péché ou pour se repentir; à tous les infidèles, pour opérer leur salut, et, autant qu'il est en lui, Dieu a préparé aux enfants qui meurent sans baptême les moyens suffisants pour acquérir la vie éternelle. La grâce actuelle étant un secours transitoire, Dieu ne la donne pas à tout instant, mais en temps opportun. Il n'accorde pas toujours la grâce suffisante Dieu ne prochaine, quelquefois il ne donne que la grâce suffisante éloignée. dispense pas également sa grâce: le monde de la gràce devait, comme le monde de la nature, avoir cette variété admirable, qui est une condition de la beauté de l'ensemble. Erreurs sur la grâce actuelle. Il y a eu deux sortes d'erreurs sur la grâce actuelle les uns ont exalté la nature au préjudice de la grâce, comme les pélagiens et les semi-pélagiens; les autres ont exalté la grâce au détriment de la nature, comme les novateurs du seizième siècle, Baïus et les jansénistes. Ces erreurs ont cependant des caractères communs : elles partent toutes d'une erreur essentielle sur l'état originel du premier homme et aboutissent toutes à la négation de la Rédemption. Les pélagiens, qui ne croyaient pas à l'existence du péché originel, niaient la nécessité de la grâce intérieure. Réfutés par saint Augustin, ils ont été condamnés par vingt-trois conciles, notamment par le concile général d'Éphèse. Le naturalisme contemporain enseigne de fait la même erreur, Les semi-pelagiens enseignaient que la grâce de Dieu n'est pas nécessaire pour arriver au commencement de la foi et pour persévérer dans la foi, et que Le semi-pélagiala persévérance finale n'est pas un don spécial de Dieu. nisme a été condamné par le second concile d'Orange. Les novateurs du seizième siècle, opposés aux pélagiens et aux semi-pélagiens, enseignaient au contraire que l'homme par ses propres forces ne peut accomplir aucune bonne œuvre; que toutes ses actions, faites sans la foi justifiante, sont autant de péchés; qu'il est forcé d'agir par la grâce, de telle sorte qu'il ne peut y résister. Ils furent condamnés par le concile de Trente. Les baianistes et les jansenistes ont renouvelé, sous une autre forme, les erreurs de Luther et de Calvin, en soutenant que l'homme déchu ne peut par lui-même accomplir aucune bonne œuvre morale ni surmonter aucune tentation même légère, que la première grâce que Dieu confère à l'homme est celle de la foi, que toutes les œuvres des infidèles sont des péchés, que les hommes non justifiés pèchent dans toutes leurs actions, et que l'homme déchu agissant nécessairement sous l'influence de la grâce ou de la concupiscence, fait nécessairement le bien ou le mal. Le baïanisme a été condamné par les papes saint Pie V, Grégoire XIII et Urbain VIII, et le jansénisme par les papes Innocent X, Alexandre VII et Clément XI. CHAPITRE III DE LA GRACE HABITUELLE SOMMAIRE. 1. Nature de la grâce habituelle. 2. Effets de la grâce habituelle. 3. De la justification. Sa nature. Dispositions à la justification. Propriétés de la justification : incertitude, inégalité, amissibilité, possibilité de la recouvrer. 4. Du mérite. Mérite de condignité : conditions requises; objet du mérite. Mérite de convenance. prédestination. 5. De la 1. Nature de la grâce habituelle. 1. Qu'est-ce que la grâce habituelle ? La grâce habituelle est un don surnaturel, inhérent à l'âme, qui nous rend justes, saints et agréables à Dieu. 2. Pourquoi cette grâce est-elle appelée habituelle ? Parce qu'elle est un don permanent, qui demeure dans l'âme comme une habitude, tant que le péché ne la fait point disparaître. 3. Pourquoi dit-on qu'elle est un don inhérent à l'âme? Parce qu'elle est une qualité qui affecte d'une manière permanente et immédiate la substance même de notre âme. Quiconque est né de Dieu ne commet point de péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui1. 4. Comment la grâce habituelle rend-elle justes, saints et agréables à Dieu? Elle nous rend justes, en nous établissant dans la charité; saints, en nous rendant participants de la nature divine2; agréables à Dieu, en nous transférant dans le royaume de son Fils bienaimé3, c'est-à-dire en nous constituant dans son amitié. 5. En quoi la grâce habituelle diffère-t-elle de la grâce actuelle ? 1o La grâce actuelle est un don transitoire, elle ne dure que pendant l'acte pour lequel elle est donnée; la grâce habituelle demeure tant qu'on ne la perd point par le péché mortel. 2o La grâce actuelle peut nous être communiquée sans que nous ayons la grâce habituelle; tandis que la grâce habituelle, si on l'a perdue, ne peut être recouvrée sans le secours de la grâce actuelle, comme aussi, sans ce même secours, on ne pourrait la conserver longtemps. 3o La grâce actuelle prend diverses formes, suivant les circonstances ou les personnes; elle est intérieure ou extérieure; enfin elle peut nous être accordée pour notre bien propre ou pour celui des autres. La grâce habituelle est une, elle est purement intérieure, elle est exclusivement propre à celui qui la possède. La grâce habituelle et la grâce actuelle ont cela de commun qu'elles sont, l'une et l'autre, capables d'accroissement et d'augmentation. 6. Comment appelle-t-on encore la grâce habituelle ? On l'appelle grâce justifiante et grâce sanctifiante, à cause de ses effets grâce justifiante, parce qu'elle nous établit dans la justice; grâce sanctifiante, parce qu'en effaçant les péchés, elle rend l'âme pure, sainte et agréable à Dieu. On l'appelle encore état de grâce et charité: état de grâce, parce que l'âme qui la possède est constituée dans l'amitié de Dieu; charité, parce qu'elle est en nous le principe même de cette vertu. 7. Quelle place la grâce sanctifiante occupe-t-elle dans l'économie de la religion? Après Dieu même, dont elle est le don par excellence, elle y occupe la place la plus importante: 1° Tous les sacrements ont pour but de la donner, de la fortifier, de l'entretenir ou de la réparer. 2o Tous les commandements de Dieu et de l'Église ont pour but de la protéger et de la préserver. 3° Toutes les attaques du démon ont pour but de l'enlever; toutes les luttes du fidèle n'ont d'autre fin que de la conserver et de l'augmenter. 8. La grâce habituelle est-elle la personne du Saint-Esprit ? Non; elle est distincte du Saint-Esprit, comme l'effet est distinct de la cause, le don du donateur. Elle est, selon le langage du concile de Trente, comme l'empreinte et l'onction de l'Esprit de Dieu. 9. L'Esprit - Saint habite-t-il réellement dans l'âme des justes? Saint Paul l'affirme aux fidèles de Corinthe: « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? >> 10. Les deux autres personnes de la très sainte Trinité habitent - elles aussi dans l'âme des justes? En vertu de la circuminsession, c'est-à-dire de l'existence intime des trois personnes divines l'une dans l'autre, toute la Trinité habite dans l'âme des justes. Si quelqu'un m'aime, dit le Sauveur, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons en lui, et nous ferons en lui notre demeure 2. Celui qui garde les commandements de Dieu, demeure en Dieu, et Dieu en lui3. 11. Que résulte-t-il de cette doctrine? C'est que la grâce habituelle est une qualité de l'âme, qui lui est incessamment communiquée par la présence intime du SaintEsprit. 2. Effets de la grâce habituelle. 12. Quels sont les principaux effets de la grâce habituelle? La grâce habituelle produit en nous les plus merveilleux effets : 1o elle nous donne la vie surnaturelle; 2o elle nous incorpore à la famille de Dieu; 3° elle informe en nous les vertus surnaturelles infuses; 4° elle nous rend capables d'opérer des œuvres méritoires de la vie éternelle; 5o elle nous est un gage certain de l'éternelle béatitude. 13. Quel est le premier effet de la grâce habituelle? Celui de nous communiquer la vie surnaturelle. 14. Combien de vies distingue-t-on dans l'homme au point de vue de l'ordre naturel? On en distingue trois la vie végétative, la vie sensitive et la vie rationnelle. En effet, comme le végétal, il croit; comme l'animal, il sent; et, comme être intelligent, il réfléchit, il raisonne. Ces trois vies que requiert sa nature constituent en lui la vie naturelle. 15. Quels rapports cette vie naturelle établit-elle entre Dieu et l'homme? Les rapports qui découlent du droit de Dieu sur sa créature, et des devoirs de la créature envers son Créateur. 16. En quoi consistent ces rapports du côté de l'homme? Ils consistent à connaitre Dieu et ses principales perfections |