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espoirs et de nouveaux désirs s'étaient emparés de mon cœur, et je m'élançai dans la carrière qui s'ouvrait devant moi. Si triste et si désolée qu'elle fût, je la parcourais encore avec enthousiasme. Mes pas étaient devenus plus lourds, ma respiration plus bruyante et plus rapide; mais j'allais courageusement en avant, les yeux toujours fixés sur l'un de ces sommets où je me flattais de trouver enfin les joies dont je n'avais embrassé que les ombres, dans ma course précédente; car tous les fruits que j'avais cueillis ne contenaient que des cendres; toutes les mains que j'avais pressées étaient demeurées glacées.

Les fleurs que j'avais respirées dévoraient avidement tout l'oxygène de l'air, et les parfums qu'elles exhalaient en échange étaient saturés de carbone, c'est-à-dire empoisonnés. Mais, làhaut, j'espérais enfin trouver les joies ineffables que chacun rêve et cherche dans le plaisir !... Et j'allais !... La route était encore longue, et chaque pas que nous faisions la rendait plus difficile et plus périlleuse. Mais qu'importait à mon courage, ou plutôt, à mon ardeur?... Mon amie, qui me suivait avec peine, tant je précipitais ma marche, me dit: Arrêtons-nous, je suis épuisée !... Je lui jetai un regard de colère et de dédain, et je me hâtai davantage, sans pitié pour sa faiblesse et sa lassitude.

Nous étions au pied de la montagne escarpée dont j'avais pris le sommet pour objectif, et je commençais à la gravir, quand, pour la seconde fois, elle me supplia, en disant :-Aie pitié de moi! J'ai toujours été bonne et complaisante pour toi, mais je n'en puis plus !... J'eus un mauvais sourire ; j'essuyai mon front ruisselant de sueur, et je continuai ma route. - Nous approchions du faite de la montagne, quand celle que mes remords m'empêchent de nommer "mon amie," s'arrêta. -Marche! lui dis-je; et comme elle élevait vers moi ses grands yeux suppliants mais ne bougeait pas :-Je le veux! ajoutai-je avec colère, et je levai le bras en la menaçant; et comme elle restait immobile... je la frappai brutalement !... Des femmes outrageusement décolletées, aux joues barbouillées de rouge et de blanc; des femmes aux gestes audacieux et aux regards cyniques étaient près de là, avec de jeunes hommes aux yeux

hébétés par l'ivresse et la débauche; ils formaient ensemble un groupe infâme à l'entrée d'une grotte qui avait l'air d'un antre ou d'un repaire. Ils applaudirent à ma lâcheté, et, oserai je l'avouer?... je recueillis avec orgueil ces honteux bravos.

Elle, cependant, tourna vers moi son pauvre doux visage, hélas! bien altéré à cette heure; deux grosses larmes coulèrent. sur ses joues pâlies par les insomnies et flétries par la souf france, et elle se remit en marche, sans parler.

Un dernier effort nous porta sur le sommet que j'avais résolu d'atteindre. Mais tant de fatigues, tant de peines et tant de cruautés ne devaient me procurer qu'une amère déception. Ce fut là que mes dernières illusions me quittèrent et s'enfuirent à tire-d'ailes. Un grand plateau chauve, dénudé, sans un habitant, sans une fleur, sans un brin d'herbe, s'étendait devant nous; des nuages opaques dérobaient à ma vue la vallée que nous venions de quitter; un silence morne comme la mort planait sur notre solitude, et la pierre, calcinée par l'ardeur de rayons sans lumière, me brûlait les pieds.

Après avoir vainement cherché à sonder l'océan de vapeursqui roulait, à l'occident, ses vagues grises au-dessus des jardins que je ne devais plus revoir; après avoir jeté plusieurs appels sans réponse à l'abime d'en bas, mes regards firent le tour de l'horizon, et voilà ce que je vis à l'orient:

A une grande distance, vers le pays de l'Aurore, s'élevait une autre montagne, mais couverte de verdure, celle-là. Son sommet était lumineux et étincelant comme un gigantesque glacier; mais il ne pouvait être confondu avec l'un de ces diadèmes des grands monts, parce qu'il était encore dominé par un triangle, au milieu duquel je pus lire: Jéhovah. Et c'étaient les rayonnements de ce nom auguste qui inondaient cette montagne de clartés resplendissantes. - De nombreux pèlerins, tous vêtus de tuniques d'une blancheur immaculée, semblaient monter sans fatigue les grands versants de cet autre Sinaï. - Je vis alors que je m'étais égaré !

Je me tournai vers ma compagne, en lui montrant l'autre montagne, si différente de celle que nous foulions: Ah! lui dis-je, tu m'as trompé !

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Ne m'accuse pas, me dit-elle, de sa voix toujours harmonieuse, mais alors si faible, que j'en fus épouvanté; ne m'accuse pas je n'ai fait que t'obéir...et j'en meurs! ajouta-t-elle avec effort. Et elle s'affaissa sur elle-même, avec un soupir si douloureux, qu'il réveilla dans mon cœur tous nos chers souvenirs d'enfance...

Je tombai à genoux près d'elle; je pris ses mains dans les miennes elles étaient déjà froides; j'essuyai la sueur de son front; je cherchai à lire un espoir dans ses grands yeux, et je n'y vis que l'approche du trépas... Alors, je sentis les remords et les sanglots s'amonceler dans mon sein; l'angoisse me saisit à la gorge et à la face; et les larmes montèrent de mon cœur à mes yeux, comme une vague! Pourtant je pus lui dire, en la prenant dans mes bras et en la pressant contre ma poitrine, avec l'ardeur particulière à la dernière étreinte: Tu vas me quitter, amie, mais avant de partir, révèle-moi ton nom!

J'étais ta Jeunesse, répondit-elle avec un dernier sourire triste et navrant, comme tous les adieux suprêmes, et elle expira...... Arcadia, 7 août 1877.

CTE A. DE VERVINS.

À PROPOS D'UN MANUEL DE GÉOGRAPHIE

OU

MANIÈRE D'ENSEIGNER ET D'APPRENDRE LA GÉOGRAPHIE dans LES COLLEGES ET LES ÉCOLES

On trouvera plus loin, sur la couverture de ce cahier, l'annonce du Nouvel Abrégé de Géographie moderne à l'usage de la jeunesse, par l'abbé Holmes, etc.

Cette annonce, qu'on a déjà pu voir ailleurs, nous la reproduisons avec plaisir. Dût-on la regarder comme une réclame, que nous serions encore heureux de l'avoir accueillie, attendu que la réclame n'est pas toujours déplacée, et que le nom de deux auteurs comme l'abbé Holmes et l'abbé Gauthier, suffit amplement, seul, pour assurer à un ouvrage la faveur du public.

Sans vouloir prendre en aucune manière la responsabilité d'une comparaison, que nous n'avons pas eu l'occasion de faire nous-même, entre le Nouvel Abrégé de Géographie et "les autres livres classiques sortis récemment de l'établissement de MM. J. B. Rolland et fils," nous sommes bien prêt à croire que cet ou vrage réunit en effet toutes les qualités qu'on lui attribue et qu'il est réellement, en son genre, le meilleur qu'on puisse trouver dans le pays.

Mais, puisque l'occasion nous en est offerte, nous nous permettrons de dire un mot des manuels de géographie en général. Que doit être un manuel de géographie? Ceux que nous avons sont-ils ce qu'ils devraient être? La question, après tout, mérite considération, puisque du manuel dépend, en général, le progrès de l'élève. Si notre réponse est juste, elle ne pourra qu'être utile, et si nous avons tort, il ne manquera pas, nous en sommes sûr, de personnes charitables pour nous le prouver ou du moins pour nous le dire.

Parlons franchement.

Il y a dans tous nos manuels de géographie et, partant, dans

la manière dont on enseigne cette science dans les colléges et les écoles, un défaut capital, et ce défaut suffit, selon nous, pour expliquer l'absence de connaissances qui distingue, relativement à cette importante matière, les élèves de toutes nos institutions. Car, il faut bien l'avouer, on n'apprend point la géographie, même au collége, malgré cinq années d'un travail dur et fastidieux. Bien plus, on a cette science en horreur. Il ne reste à chaque élève, après ces longues heures d'étude, qu'un amas confus de connaissances vagues, tronquées, obscures, qu'un je ne sais quoi pire que l'ignorance même.

On dira que l'absence de cartes y a été pour quelque chose; car, enseigner la géographie sans cartes, cela s'est vu, ou, du moins, il est de fait qu'on les ménageait assez pour ne les dérouler qu'à l'approche des examens.

On ajoutera que le par cœur y a bien eu aussi sa large part. Apprendre un manuel de géographie par cœur, mot à mot, hélas! on y a contraint les malheureux élèves, non-seulement les enfants, mais les jeunes gens déjà parvenus sur les hauteurs poétiques de la littérature et de la rhétorique. Jusqu'à la philosophie, jusqu'à la théologie, dont on s'opiniâtrait à faire réciter de mémoire les immortelles trois pages, comme si on n'eût eu d'autre but que de former des perroquets de la sagesse et de la science sacrée !

Ce ne sont pas là pourtant les défauts que nous voulons signaler; ces défauts ont disparu, pensons-nous, ou, du moins, ils tendent à disparaître, et le bon sens suffira pour leur donner, dans un avenir prochain, le coup de grâce.

Mais en admettant qu'ils n'existent plus, s'imagine-t-on que nos jeunes élèves en verront beaucoup plus clair dans le vaste domaine de la géographie? Non. Pourquoi? Parce que nos manuels de géographie et, par suite, la méthode d'enseigner cette importante matière, sont entachés d'un vice radical.

Oh! si tous les professeurs de géographie pouvaient se passer de manuels et se faire eux-mêmes livres vivants, enseigner la géographie comme ils font un problême, conduire leurs élèves méthodiquement sur la carte, leur montrer l'Europe, par exemple, d'une manière complète, intéresser leurs jeunes auditeurs par des renseignements variés, des détails piquants; s'ils pouvaient faire cela, au lieu de gourmander sans cesse le pauvre enfant qui a pâli en vain sur les fatales trois pages et de lui répéter: montrez ! montrez tel lac, telle rivière que le maître

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