Obrazy na stronie
PDF
ePub

time, l'innocence injustement soupçonnée !...-Il eut ici un soupir ému.

La veuve de Celtill, délivrée de ses angoisses pour son fils, était rentrée dans la plénitude de son esprit et de son jugement; aussi le regardait-elle, en l'entendant parler ainsi, avec un étonnement voisin de la stupeur.

Il reprit, en donnant à sa voix l'inflexion douloureuse et navrée de la vertu méconnue: Mais tu ne me crois pas !...

— Non! fit-elle bravement.

-Eh bien! je vais t'obliger à me croire, car je vais trahir mon parti pour te convaincre; chef du sénat, je vais te livrer le secret de nos décisions !... Nous sommes vieux, moi plus que toi, et je ne veux pas emporter dans la tombe ta haine et ta malédiction!... Je veux qu'on me pleure, moi !... quand je serai

mort...

Il frotta sa paupière flétrie, pour faire croire fà une larme, qu'il eût payée bien cher, si un de ces diamants du cœur pouvait s'acheter.

Il reprit j'étais certainement du parti de l'aristocratie. Oh! ça, je ne le nie pas! mais j'ai fait tous mes efforts pour sauver ton mari, comme aujourd'hui, dans le même parti, je vais essayer de sauver ton fils, en te révélant ce qui a été fait et décidé, et en te fournissant cette nuit même le moyen d'en informer Vercingétorix. La mère du Brenn connaissait trop bien son frère pour croire à sa sympathie; cependant elle l'écoutait avec le plus vif intérêt, pour des raisons faciles à pénétrer. Le soir même du mariage de ton fils, poursuivit-il en baissant mystérieusement la voix, il y eut une assemblée des principaux sénateurs et il y fut résolu que Gergovie ne suivrait pas les Arvernes dans leur rébellion. Je me suis rallié à cette pensée, parce qu'elle est habile et généreuse. Tu vas me comprendre : nous ne croyons pas au succès de la téméraire entreprise de Vercingétorix; or, en demeurant fidèle à Rome, Gergovie acquiert le droit d'intercéder pour les Arvernes vaincus.... Puis je l'avouerai, nous préférons la civilisation latine à la barbarie gauloise; nous aimons mieux des mineurs, des laboureurs, des pasteurs qui nous rapportent, que des guerriers qui nous dépensent et laissent nos mines sans travailleurs, nos champs sans culture et nos troupeaux sans gardiens. Tu vois jusqu'à quel point je suis sincère... Il fut alors proposé de faire mourir ton fils; mais mon opposition fut si vive, je devrais dire

si violente, qu'on dut y renoncer, et qu'il fut seulement arrêté qu'on lui fermerait les portes de Gergovie, et qu'on appellerait les Romains, pour leur confier la ville. Boïo-righ, l'un de nos meilleurs guerriers, personnellement connu d'Apollonius, est en conséquence parti le soir même pour la Narbonnaise, d'où il doit ramener les légionnaires; mais, moi, ton frère, fit-il d'un ton fort attendri, je t'en préviens. - Garde-moi le secret le plus inviolable, mais fais prévenir ton fils qu'il va se trouver bientôt entre Gergovie fidèle à la métropole et une armée romaine. Il assiégera la ville, mais les Romains l'assiégeront dans son camp.... Je crois que l'avis que tu vas lui donner est précieux, et qu'il s'empressera de s'éloigner...

Si elle eût pu croire à la loyauté de son frère, le regard rapide mais expressif dont il l'enveloppa tout entière, pour juger de l'effet de son discours, eût suffi pour désabuser un esprit moins fin et moins prévenu que le sien. - Mais elle crut devoir dissimuler elle défendait son enfant ! C'est pourquoi, affectant une foi et une confiance qu'elle était loin d'éprouver, elle demanda:

- Mais comment pourrais-je prévenir le Brenn, puisque vos secrets sont si bien gardés que je n'avais pas même pu savoir s'il était mort? Je doute que personne puisse sortir de la ville...

— J'y pourvoirai, dit Caramantel avec bonté ; je me compromets, mais je n'hésite pas à le faire, si je peux à ce prix reconquérir ton affection!

- Et Octavia ?

Sauvons d'abord ton fils! Nous nous occuperons de sa femme ensuite...

Elle comprit qu'il serait superflu d'insister, et sa fierté souffrait de la contrainte qu'elle s'imposait; elle craignait aussi de se trahir. Elle se leva donc et prit congé de son frère, sans effusion, mais sans laisser paraître qu'elle n'était pas dupe de sa diplomatie.

Elle venait de le quitter, et il était encore sur le seuil de sa maison, quand elle vit un collier-d'or, vêtu du costume national des Volkes-Arékomikes (1), l'aborder et le suivre à l'intérieur, accompagné par un officier et deux guerriers de la ville; ce qui lui fit supposer que c'était un parlementaire des Gæsates, c'est

(1) Les Volkes-Arékomikes occupaient le pays depuis le Rhône jusqu'au-delà de Narbonne; leur capitale était Nemause, Nimes.

à-dire un envoyé de son fils. Elle eût vivement désiré savoir ce qui l'amenait, mais elle dut s'éloigner en se bornant à des conjectures.

La veuve ne se trompait pas dans ses suppositions; ce cheva lier était effectivement un parlementaire envoyé par Vercingé. torix au chef du sénat, et de plus, ce collier-d'or était l'une de nos anciennes connaissances : c'était le chef chez lequel Vércingétorix et Octavia avaient reçu l'hospitalité en quittant la Narbonnaise, c'était enfin Bathanat (1), le père de l'adolescent auquel Vercingétorix avait coupé une mèche de cheveux au moment de son départ. On va voir comment il se trouvait en parlementaire auprès de Caramantel.

[ocr errors]

(1) Baeth-anet, en gaëlique, le fils du sanglier.

-A continuer.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

REVUE EUROPÉENNE

Il s'en va rapidement ce siècle si fier de lui-même, si fertile en grandes choses, ce dix-neuvième siècle, qui n'est cependant encore qu'aux trois-quarts de sa carrière; il s'en va surtout par la perte des grandes personnalités qui l'ont fait ce qu'il est ou plutôt ce qu'il a été !

La France n'avait plus pour bien dire qu'un seul vétéran de cette grande école politique, littéraire et philosophique de 1830, qui a brillé plus longtemps peut-être qu'aucune autre pléïade illustre ; cet homme, c'était M. Thiers. Elle vient de le perdre au moment où tout le parti républicain l'acclamait plus que jamais comme son chef.

C'est une des existences les plus singulières et les plus fécondes en péripéties diverses, que celle d'Adolphe Thiers. Si Napoléon III a eu tort de vivre jusqu'à Sédan, M. Thiers a eu cent fois raison de vivre jusqu'à la veille des élections de 1877. Ça été une grande fortune pour lui-même et pour la France, que sa présidence de la république qu'il avait faite. On peut reprocher à Lamartine d'avoir fait la république de 1848, si comme il l'a prétendu lui-même, il lui eût été aussi facile de proclamer la régence. Mais M. Thiers, aux yeux mêmes des monarchistes les plus convaincus, avait cette suprême et irréfutable excuse que rien autre chose n'était alors possible. Thiers; l'homme d'état, et MacMahon, le grand capitaine, se complétaient l'un l'autre, et mieux que cela, dans ces derniers temps, ils se faisaient équilibre l'un à l'autre. Il est facile de dire que la mort de Thiers est un heureux événement pour le Maréchal et pour le parti conservateur, qu'elle décidera les élections contre Gambetta. Mais il y a, à l'heure présente, assez de symptômes alarmants, pour faire voir que cette grande personnalité laisse un vide que les partis monarchistes seront peut-être, un jour, les premiers à regretter.

Adolphe Thiers est né à Marseille le 16 avril 1797 d'une famille d'honnêtes négociants. Sa mère était parente de la famille

« PoprzedniaDalej »