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REVUE

DE

MONTREAL

A NOS LECTEURS

Nous entreprenons aujourd'hui, avec le concours de plusieurs personnes de bonne volonté, distinguées par leur savoir, et à l'aide d'une souscription généreuse, la publication d'une Revue scientifique et littéraire, dont voici le premier numéro.

Il est d'usage, en pareille circonstance, d'offrir aux lecteurs quelques explications, ou de faire, disons le mot, un PROSPECTUS. C'est une tâche difficile. Le prospectus n'est pas, comme on se le figure souvent, une introduction quelconque, une espèce d'exorde insinuant, une façon adroite d'entrer en matière, un tableau où tout l'art consiste à mêler habilement les lumières et les ombres, de manière à relever certains points pour en dérober d'autres à l'œil; encore moins doit-il être un ballon gonflé de belles promesses et rayonnant d'espérances. Non, le prospectus ne connaît pas ces allures, ni ces finesses, ni ces ressources, ni ces ménagements. C'est un document grave,

sévère, franc et loyal. On y doit parler clairement, sans réti cence, choisir son terrain, dessiner nettement sa position, faire connaître son plan d'action ainsi que la manière dont il sera exécuté, poser les limites que l'on prétend atteindre et ne jamais franchir; en un mot, on y doit découvrir le présent tout entier et tel qu'il est, sans spéculer ni escompter sur l'avenir au-delà de ce qu'il peut raisonnablement promettre.

Tel est le prospectus en général.

Tel sera le nôtre.

Nous ne renonçons pas sans doute à l'espoir de nous concilier l'esprit de tous, et de ne porter ombrage à personne; mais pour cela, nous comptons beaucoup moins sur les précautions oratoires que sur la droiture et la générosité de nos lecteurs; et sans leur demander plus de confiance que n'en méritent une parole sincère, de la bonne volonté et les moyens dont nous pouvons actuellement disposer, nous n'hésiterons pas un instant à leur découvrir, et à leur laisser voir, comme nous la voyons nous-mêmes, toute notre pensée. L'avenir, qui est la plus sûre des épreuves, dira si nous avons su conformer nos actes à nos paroles, ou promis au-delà de ce que nous pouvions tenir. Ce jugement, qui ne tardera pas à se faire entendre, nous l'acceptons par avance et de bon cœur, avec l'espoir, Deo favente, de le subir sans déshonneur, nous déclarant satisfaits et relativement heureux, si l'on veut bien seulement ne pas l'anticiper, ni nous juger sans nous avoir entendus.

Les points qui intéressent le lecteur et qui appellent notre attention, peuvent, il nous semble, se réduire aux suivants, savoir l'objet, le but, les principes, l'autorité, l'esprit, et le nom de la Revue que nous offrons au public.

I

OBJET.

Et d'abord, quel sera l'objet de cette Revue ?-Il est très-varié, comme on voit dans le titre, puisqu'il embrasse presque en entier le cercle des connaissances humaines. Sans les mentionner toutes expressément, il n'en exclut pourtant aucune. Notre Revue sera donc un champ ouvert à tous les talents, à tous les genres d'étude. Il serait bien à désirer, sans doute, que chaque partie des lettres ou des sciences eût un organe spécial, et que l'on pût trouver dans notre pays, comme dans les contrées

plus anciennes et plus riches, des recueils périodiques voués à l'avancement et à la vulgarisation de tous les genres de connaissances; mais cette idée n'a pu jusqu'ici recevoir parmi nous qu'un commencement de réalisation, grâce à l'énergie de quelques hommes d'étude et aux faveurs du Gouvernement. Le temps de multiplier de pareilles entreprises n'est pas encore venu. Du reste, le fût-il, on sait qu'une Revue comme la nôtre a toujours trouvé sa place, et l'a gardée avec honneur dans les autres pays, malgré l'apparition d'œuvres spéciales. Pour celle-ci, sa spécialité est précisément de n'en pas avoir, d'être générale, de ne rien exclure, de tout embrasser presque au même titre.

Il ne sera pas toujours possible, avec un programme si large, de donner régulièrement à chaque matière toute l'attention qu'elle mérite, ni tout l'espace qu'elle pourrait légitimement occuper. Mais nous prétendons ne rien négliger. Le tableau des matières est là, complet, sinon aussi détaillé qu'il pourrait être, au front de notre Revue. Eh! bien, nous n'hésiterons pas à le déclarer, ce n'est là ni une annonce solennelle à la mode du jour, ni une formule empruntée à quelque publication étrangère et qui n'engage à rien, ni un pavillon honorable destiné à couvrir une richesse d'emprunt, une marchandise de contrebande, ou un butin ravi à l'étranger. Non; c'est un programme à remplir, qui sera rempli en effet, et à nos dépens, nous dirions volontiers à la sueur de notre front. Nous l'avons dressé avec réflexion; et en le mettant aujourd'hui entre les mains de nos lecteurs, nous avons, avec la connaissance de ce qu'il promet, l'espoir bien fondé de n'avoir, au moment de l'exécution, ni à le désavouer, ni à le tronquer, contre l'attente légitime de ceux qui nous auront accordé leur confiance.

Nous voudrions maintenant faire passer, l'un après l'autre sous les yeux du lecteur, tous les objets partiels qui forment le domaine de cette Revue, et indiquer avec soin les principaux caractères qui les distinguent. Ce ne serait là ni un horsd'œuvre, ni une cérémonie inutile, puisque l'une des fins obligées d'un prospectus est précisément de faire connaître autant que possible toutes les matières qu'on se propose d'étudier dans la suite. Mais, puisqu'il faut se borner, nous nous contenterons de jeter un coup d'œil sur trois points de notre programme, lesquels pourraient être, ou moins familiers à quelques-uns de nos lecteurs, ou plus sujets que les autres aux écarts de l'interprétation; savoir: la Théologie, l'Économie sociale et la Politique.

Théologie.

Pour former un seul de ces hommescomplets qu'on vit paraitre encore quand le moyen âge allait finir, nous n'avons plus le sel théologique qui faisait germer toutes les supériorités.

LOUIS VEUILLOT

Univers du 23 Novembre 1876.

Ce mot, Théologie, que nous mettons au sommet parce qu'il doit y être, signifie la science de Dieu. Dieu est l'objet principal de la théologie, mais il n'en est pas l'objet adéquat. D'une manière subordonnée, elle embrasse également les œuvres divines ad extra, dans l'ordre de la création et de la nature, comme dans celui de la sanctification et de la grâce, qu'elle ne considère pourtant que relativement à Dieu, premier principe et fin der

nière.

A ce premier point de vue, la théologie serait déjà la plus noble des sciences. Mais ce qui la distingue de toutes les autres, c'est qu'elle s'éclaire à la lumière surnaturelle d'un double flambeau, le flambeau de la révélation et celui de la foi. La révélation rayonne sur l'objet, pour lui donner un éclat que n'a point en ce monde la vérité laissée à elle-même; la foi rayonne sur la raison, intelligence et volonté, pour l'élever, en lui communiquant une énergie que l'on chercherait en vain dans les replis les plus secrets de sa noble nature.

La théologie suppose donc et la révélation et la foi.

Elle suppose la révélation, puisque d'un côté, c'est l'autorité expresse de Dieu, ou l'autorité-science et veracité-de Dieu révélateur, ou la parole de Dieu suffisamment proposée, qui forme son appui, et que de l'autre, c'est dans les vérités révélées qu'elle trouve à la fois ses principes et son aliment propres. Elle suppose aussi la foi, car c'est par la foi, uniquement par elle, que la théologie peut user en effet de cet appui, s'alimenter à la source pure des vérités révélées. Autrement l'autorité de Dieu même, ainsi que la vérité révélée, ignorées ou méconnues, resteraient sans effet, sans valeur, absolument comme si elles n'existaient pas.

Mais la foi dont nous parlons doit être surnaturelle, parce que la raison, dépourvue de cette lumière divine qui la vivifie in

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