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dû être frappée, et comment la peur pouvait encore durer. n ne faut pas encourager la poltronnerie; mais il ne faut pas non plus, parce qu'on a les nerfs solides, se moquer de ceux que leur constitution plus faible, ou les suites d'un accident rendent moins hardis.

Donc Jean-Louis avait peur. Il y avait surtout un grand cheval blanc qui lui causait des transes mortelles. Les animaux ont plus d'esprit qu'on ne le pense. Or, ce cheval blanc avait deviné les craintes de Jean-Louis, et chaque fois que l'enfant s'approchait pour le soigner ou le bouchonner, il couchait l'oreille, frappait du pied et geignait d'une manière qui paraissait terrible. Quand il fallait surtout lui mettre la bride, c'était toute une cérémonie.

Jean-Louis en dépérissait. Aussi, lorsque le printemps fut revenu, était-il tout découragé.

Il eut l'idée de s'enfuir; mais une bonne pensée lui vint: il demanda son congé, qui lui fut accordé, non sans quelques difficultés. Car le fermier trouvait, avec raison, qu'ayant nourri et logé Jean-Louis à ne faire presque rien pendant la mortesaison, il était juste qu'il profitât de ses services à l'heure du travail. Cependant la bonne fermière intervint encore, et, un beau matin d'avril, Jean-Louis put partir avec un sac rempli de vivres et cinq beaux écus tout neufs cousus dans la doublure de son paletot.

Il y a des gens qui ont fait le tour du monde avec beaucoup moins.

-A continuer.

NAPOLÉON LEGENDRE.

VERCINGETORIX

NOUVELLE HISTORIQUE DEVANT SERVIR D'INTRODUCTION A L'HISTOIRE ROMANTIQUE DES FRANÇAIS

PAR

ALFRED DE VERVINS

VI

A GERGOVIA

Nous sommes au soir du sixième jour, depuis que les geurs ont reçu l'hospitalité chez le collier-d'or.

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Depuis la veille, Vercingétorix et ses compagnons sont en Arvernie, mais ils ne voyagent plus avec la même rapidité, moins parce qu'ils sont en pleine montagne, que parce que le jeune brenn, connu de toute sa nation et annoncé à tous les Arvernes, par ces crieurs qui transmettaient une nouvelle des bords de l'Océan aux rives de la Méditerranée dans le même jour, est obligé de s'arrêter fréquemment.

En effet, à mesure qu'ils approchent de Gergovie, leur voyage se change en une espèce de marche triomphale, car Vercingétorix est la gloire de sa nation et représente pour tous l'indépendance des Gaules. Non-seulement ce sont ses dévoués qui arrivent parés comme pour une fête ou une bataille, mais ce sont les populations de toutes les villes, de toutes les bourgades et de tous les villages, à plusieurs lieues de la route, qui se pressent sur son passage. De toutes parts, dans la campagne, on voit bondir des cavaliers au versant des grands monts; tous les sentiers aboutissant à la route jettent sur son chemin des chars pleins de guerriers et de jeunes femmes qui ont voulu accompagner leur fiancé, leur mari, leur frère ou leur père, pour voir le héros arverne; toutes les éminences sont cou

vertes de ces fières et nobles créatures qui préfèrent toujours la mort au déshonneur, et qui fournirent ces exemples mémorables et particuliers à la Gaule, de s'entre-tuer pour ne pas être profanées par les vainqueurs. Des nations entières périrent de cette façon héroïque (1). Enfin, les enfants, échappant à leurs mères, faisaient irruption sur la chaussée, les uns traînant une lance, les autres une longue épée, d'autres encore pliant sous le poids du gai paternel, dérobé au mur de la maison, dans ce jour d'effervescence patriotique; ils venaient jusque sous les pieds des chevaux, entre les roues des chars, jetant au ciel, comme leurs pères, leurs mères, leurs sœurs, une invocation dans laquelle étaient réunis les noms de Vercingétorix et d'indépendance. Le jeune général répondait à leurs acclamations. enthousiastes en leur donnant rendez-vous sous Gergovie à huit jours de là, et leur annonçant que les valeureux Carnutes avaient commencé la guerre sainte, en immolant, à Genabe, tout ce qui était Romain ou ami des Romains.

Enfin ils arrivèrent à Gergovie, la grande Gergovia des Arvernes, comme l'appelle un illustre écrivain.

La ville était bâtie sur un plateau s'élevant de douze cents pieds au-dessus du talwey de la montagne; les pentes en étaient si abruptes, que les chemins devaient serpenter aux flancs de ce fort gigantesque, pour être praticables. Cette disposition de la route permettait de voir d'en bas une foule allongée comme une immense procession, descendant hâtivement dans la vallée. Les hommes brandissaient des armes; les femmes agitaient des écharpes aux vives couleurs, et les enfants, qu'on voyait évoluer comme la cavalerie légère aux côtés d'un corps d'armée, quittaient souvent le chemin pour prendre, en

(1) Aux champs Raudiens, près Verceil, le 30 juillet 101 av. J. C., les Kimris furent littéralement anéantis; mais, après les avoir vaincus, Marius eut une nouvelle lutte à soutenir pour pénétrer dans le retranchement de chariots qui formait l'enceinte du camp. Lorsque les femmes virent la bataille décidément perdue, elles firent demander à Marius s'il voulait leur garantir l'honneur et les attacher au service des Vierges sacrées-les Vestales. Le vainqueur refusa. Alors toutes les femmes, vêtues de deuil, montèrent sur leurs chariots et défendirent longtemps cet asile avec un courage désespéré. Quand toute résistance devint impossible, elles égorgèrent leurs enfants et s'entre-tuèrent. C'est ainsi que disparut la nation des Tughènes. — Plutarque: in Mario. — Flor. III. 3-P. Oros. VI. 16. Well. Pat. II. 12.-Aug. Thierry. II. p. 198-219 H. Martin 1. p. 125.

se laissant rouler, la tangente qui leur épargnait un détour que les chars, et les gens qui ne voulaient pas se rompre les os, étaient obligés de décrire.

Voici ma mère ! dit tout à coup Vercingétorix à Octavia.

A cette annonce, la jeune fille, vivement émue et par la curiosité et par une crainte indéfinissable, regarda dans la direction qu'indiquait son fiancé, et vit le peuple s'écartant, avec un empressement respectueux, devant un char traîné par quatre taureaux noirs; un esclave, debout sur le timon, conduisait avec une grande habileté les animaux fougueux au milieu de toute cette foule. Un homme et une femme étaient debout dans le char; la femme se redressant comme pour mieux voir, ou pour voir plus tôt le fils aimé au devant duquel elle accourait. Qui est l'homme qui l'accompagne ? demanda Octavia.

- C'est son frère — Caramantel-mon oncle! répondit Vercingétorix; et quelque chose de sombre et de lumineux, comme serait un éclair éteint aussitôt que né dans les ténèbres, passa sur le front du Brenn. Mais il se remit promptement, et quand les deux chars s'arrêtèrent, celui de sa mère et le sien, son visage n'exprimait que le bonheur qu'il éprouvait en revoyant celle qu'il aimait d'un autre amour, mais d'une affection aussi profonde que sa belle fiancée; car celui devant qui tout front se courbait était resté affectueux, déférant et soumis, comme aux jours de son enfance, envers la veuve de Celtill.

Elle était toujours vêtue du costume des veuves, c'est-à-dire de noir; un collier de grenat donnait à son visage pâle des teintes rosées qui la faisaient encore paraître belle sous son diadême de cheveux blancs, le seul qui lui restât, depuis que la mort de son époux avait fait tomber de son front la couronne d'or. Ses infortunes l'avaient rendue vieille avant l'âge, mais ses grands yeux avaient conservé tout leur éclat, et sa lèvre flétrie avait gardé un sourire charmant, quand elle daignait sourire. Octavia fut frappée et presque intimidée de son grand air; elle se demanda si la fille d'un proconsul romain était digne d'être appelée "ma fille" par cette reine déchue, qui lui paraissait plus majestueuse et plus grande alors qu'elle n'avait jamais dû l'être dans sa splendeur.

L'accueil toujours digne, mais particulièrement affectueux, de la mère de Vercingétorix calma bientôt cette crainte et lui remplit le cœur d'une effusion attendrie; car elle n'avait plus de

mère; elle était habituée à plus de respect que d'affection, même de la part d'Apollonius, et elle en trouvait une !

L'auguste veuve la fit monter dans son char; Caramantel remplaça la jeune fille auprès de Vercingétorix, et ils rentrèrent enfin dans Gergovia, au milieu des acclamations du peuple.

Toutes les maisons gauloises se ressemblaient. Elles étaient généralement circulaires, construites de pierres brutes et recouvertes d'argile, quelquefois mêlée de paille hachée et revêtue de chaume doré, quand la toiture était neuve; noirâtre, moussu et parsemé de plantes parasites, quand elle était vieille. Mais l'ancienne habitation de Celtill, roi d'Arvernie, tout en gardant la physionomie nationale, pouvait être appelée un palais. l'intérieur étaient prodigués tout le luxe et toutes les somptuosités de ce temps, consistant notamment en ustensiles et en ornements d'or ou d'argent; il s'y trouvait jusqu'à des siéges faits de ces métaux précieux.

A

Ce que la jeune étrangère trouva peut-être de plus curieux, ce furent les trois hautes tours de verre (1) qui flanquaient la maison, derrière et de chaque côté. Son étonnement et son admiration furent aussi vivement excités par les armes de toutes sortes, les boucliers peints ou sculptés et les riches trophées enlevés à l'ennemi, qu'on voyait couvrant les murs et pendus au plafond de la salle d'entrée.

Par une pensée pudique, qui dès lors était dans les mœurs et que je n'ai vu pratiquer qu'en France, Vercingétorix, ne pouvant passer la nuit sous le même toit que la jeune femme qui lui était fiancée, alla demander l'hospitalité à Vergosillaun, son parent, chez qui il demeura pendant les deux jours qui précédèrent son mariage.

Le troisième jour, un festin, qui remplit la maison de la veuve de tout ce que Gergovie et l'Arvernie contenaient de plus noble et de plus riche, préluda à la poétique cérémonie des unions gauloises.

Vers la fin du repas, Octavia, vêtue comme les femmes arvernes, suivie de vingt jeunes vierges en blanc et conduite par / la mère de Vercingétorix, entra dans la salle pleine de druides,

(1) Ces tours, fort extraordinaires, étaient construites de matières vitrifiées, formant exactement des murailles de verre noir, semi-transparentes. Le plus beau vestige que j'en aie vu existe près de Mayenne, en France. On en rerouve aussi en Irlande.

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