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au développement anormal des affaires, qui a provoqué la catastrophe.

Au moyen du crédit, dont il est le dispensateur, le banquier peut contrôler le développement des affaires et empêcher qu'il ne dégénère en excès; il peut empêcher la création d'une foule d'entreprises hasardées et dont l'insuccès ne peut avoir que des conséquences désastreuses, comme il peut empêcher de se lancer dans des opérations trop considérables une foule de gens qui n'ont ni les ressources, ni les aptitudes requises pour les entreprendre. C'est en accordant ses faveurs et en prêtant ses capitaux pour stimuler toutes les opérations anormales, qu'il se rend responsable des crises, alors qu'il lui serait facile de les rendre moins fréquentes et moins ruineuses, en n'encourageant que les entreprises proportionnées aux besoins et aux ressources du pays, et conduites par des hommes possédant les qualités requises pour arriver au succès. Que le banquier agisse dans les temps de prospérité et d'abondance avec la prudence, la circonspection dont il fait preuve dans les temps difficiles, et les crises deviendront nécessairement moins fréquentes et moins graves.

Et puisque nous sommes sur le compte des banquiers, disons franchement tout ce que nous pensons d'eux.

Chose déplorable! un bon nombre de ces hauts personnages de la finance sont loin de posséder les connaissances et la perspicacité requises pour remplir dignement les importantes fonctions qui leur incombent. Il est presque passé en doctrine c'est l'opinion de Gilbart-que le banquier doit être une espèce d'automate, de machine à escompter, qui doit se mouvoir constamment dans le même cercle, et suppléer au talent réel par un certain ensemble de qualités médiocres. Cette opinion, pour le moins discutable, est presque universellement acceptée dans notre pays, et il s'ensuit que beaucoup de banques sont conduites par des hommes qui n'ont ni les talents nécessaires, ni les connaissances voulues, et qui n'agissent qu'au jour le jour sans pouvoir prévoir l'avenir.

Ils font bien ce qu'ils font, par routine, mais n'ont aucune idée des conséquences que peut avoir l'ensemble de leur conduite. Ainsi nos banquiers se guident presque invariablement, pour accorder l'escompte, sur la valeur actuelle des signatures qui leur sont présentées, et ils ne réfléchissent guère que tel marchand qui est riche aujourd'hui, parfaitement solvable, sera peut-être ruiné avant six mois, par les pertes qu'il subira

dans ses relations avec d'autres négociants engagés en des lignes différentes. Et s'il prend en considération les conditions dans lesquelles se trouve la ligne à laquelle appartient son client, il ne s'occupera guère d'examiner les circonstances qui peuvent l'affecter. Or, c'est précisément ce manque de perspicacité, ce défaut de connaissance générale des affaires qui explique l'expansion, toujours si dangereuse, que nos banquiers donnent au crédit dans les temps de prospérité. S'ils étudiaient les lois et les conditions des échanges, la situation économique du pays, les circonstances dans lesquelles se trouvent les différentes lignes de commerce et d'industrie, puis réglaient leur conduite sur le résultat de ces études, il est bien certain que les crises ne troubleraient pas aussi souvent, ni aussi profondément les affaires. Mais comment voulez-vous exiger cette étude, ces connaissances, d'un homme qui, pour être parfait dans sa classe, n'a besoin d'être ni un savant, ni un homme de talent réel, mais simplement qu'une mediocrité besogneuse?

VI

Examinons maintenant les effets des crises commerciales. Ces perturbations dans les affaires entraînent nécessairement la ruine d'une foule d'individus. Tous ceux qui se sont trop aventurés, qui ont mal opéré, paient assez souvent cette impru-dence par la perte de leur fortune. Ces pertes survenant en grand nombre simultanément, on les regarde comme un appauvrissement réel pour la société. C'est une erreur. Ces ruines individuelles sont occasionnées par un dérangement de valeur, c'est-à-dire parce que l'accumulation des produits en fait baisser le prix et oblige les détenteurs de les sacrifier à vil prix pour réaliser. Ainsi, dans ces temps de gêne, de stagnation, de pénurie, telle marchandise qui a coûté cent ne peut se vendre que soixante-quinze ou quatre-vingts. Cette vente au rabais fait bien perdre vingt ou vingt-cinq pour cent à celui qui la fait; mais d'un autre côté, elle fait gagner proportionnellement à l'acheteur, qui se procure, à vingt ou vingt-cinq pour cent meilleur marché, les choses qui sont vendues à sacrifice; en sorte que ce qui est perdu par le vendeur est gagné par l'acheteur. De même, si la valeur des capitaux fixes ou en gagés, des terres ou autres propriétés immobilières, baisse en raison inverse de ce que monte celle des capitaux monnaie, les détenteurs de capitaux fixes perdent, mais les possesseurs de capitaux circulants gagnent dans la même proportion, en sorte

que ce qui est perdu pour l'un est gagné pour l'autre. En un mot, une variation de valeur change l'état d'appropriation des richesses existantes, mais elle ne saurait en altérer la somme, et si la crise trouble un grand nombre d'existences particulières, elle n'appauvrit nullement la société. L'appauvrissement et le mal sont dans les causes de la crise; ils ne sont pas dans la crise elle-même, qui, au contraire, y porte remède (1).

Car, non-seulement les crises ne sont pas ruineuses, mais encore elles sont nécessaires pour remettre les affaires dans leurs conditions normales, et empêcher qu'on ne s'aventure trop loin dans la voie des entreprises et des consommations improductives. Elles sont aussi nécessaires pour débarrasser le commerce et l'industrie de ces gâte-métier qui ruinent les autres par leur inexpérience ou leur malhonnêteté. La crise fait main-basse sur tous ces concurrents de mauvais aloi, et ne laisse dans les affaires que les hommes qui sont dignes et capables de continuer avantageusement leurs opérations. Enfin la crise, pour employer une expression biblique, sépare l'ivraie du bon grain. C'est une espèce de saignée qui affaiblit, fait perdre de l'activité momentanément, mais donne plus de forces pour l'avenir. Aussi voit-on invariablement la richesse s'accumuler à la suite des crises, et les hommes d'affaires sages et prudents réaliser peut-être plus lentement, mais d'une manière bien plus sûre, des bénéfices qui peuvent les mettre à l'abri des éventualités. C'est le calme rafraîchissant et vivificateur qui suit toujours la tempête.

Et si on exagère tant les prétendus maux qu'occasionnent les crises commerciales, c'est parce qu'on se laisse tourner la tête par le trouble qu'elles causent, sans tenir compte des avantages qu'elles procurent, et du bien incontestable qu'elles font. Ces récriminations, comme beaucoup d'autres qu'on entend si souvent sur des sujets analogues, ne sont que le fruit de l'ignorance ou du manque de réflexion.

A toute chose malheur est bon, dit le proverbe ; et les crises, qui donnent une rude leçon aux hommes d'affaires, sont bonnes pour ramener les opérations mercantiles dans les limites assignées par la sagesse et la prudence, qu'on méconnait trop facilement dans les temps d'abondance et de prospérité. Bene casAigat qui fortiter castigat.

(1) Courcelles-Seneuil.

J. C. LANGELIER.

SUPPRESSION

DES

RELATIONS DE LA NOUVELLE FRANCE

III (1)

Ce n'est pas aux lecteurs de la Revue de Montréal, qu'il sera nécessaire de faire l'éloge de nos anciens missionnaires. La tradition et l'histoire écrite rendent un même témoignage aux vertus et au zèle des PP. Jésuites. M. Michelet leur a reproché, il est vrai, de conserver de la glace pour leur vin; mais on peut douter que M. Michelet mit toujours de l'eau dans le sien. M. Parkman, qui leur a consacré une de ses études rétrospectives, (2) voudrait bien trouver à critiquer; mais son admiration percemalgré lui. Le missionnaire est irréprochable; c'est le jésuite. qui a tort à ses yeux; l'ordre même semble l'inquiéter, il· craint qu'il n'y ait quelque chose qu'il ne comprenne pas : il circule alentour, il voudrait en surprendre le secret. D'ailleurs, comment paraître impartial ou esprit supérieur, si on ne critique un peu ou beaucoup? M. Parkman a critiqué; mais en même temps, il trace un beau portrait de ces hommes, dont les noblesqualités le fascinent malgré lui.

Pour rester dans mon sujet, je me contenterai de citer ce qu'il dit des Relations et de leur valeur :

(1) Au moment où le commencement de cette étude était livré à l'impression, je m'assurais que le prénom du P. de Angelis est bien Bernard et non Benoil. Il a publié Epistolæ præpositorum generalium ad patres et fratres societatis Jesu. Anvers, 1635. Voir le cahier de mars, p. 111, note 2.

(2) M. Parkman, en homme qui a la conscience de son mérite, voulait un sujet qui fit ressortir les qualités de sa plume facile et brillante. Il a choisi le Canada, sous la domination française, et il n'a pas eu tort: la matière est abondante et variée, la vie et la poésie se montrent partout, tandis qu'il serait difficile de dramatiser l'histoire de la Nouvelle-Angleterre, ou de tenir le lecteur éveillé en face de ces puritains taillés dans un même bloc. Cependant on croirait à le lire, que l'auteur en éprouve un certain dépit, qui retombe un peu sur nous; mais le moyen de se plaindre de celui dont on accepte les louanges?" D'ailleurs, M. Parkman n'a pas la prétention de refaire l'histoire. Nous re commandons à nos lecteurs la suite de ses tableaux, vraiment charmants quoique traités d'une manière un peu uniforme, peut-être.

"OEuvre d'hommes qui avaient reçu une éducation classique, le style en est simple et souvent indigeste, comme on peut le trouver dans des narrations écrites hâtivement, sous la hutte du sauvage, ou dans la pauvre maison d'un missionnaire enfoncé dans la forêt, au milieu des ennuis et des interruptions de toutes sortes. Quant à la valeur de leur contenu, elle est absolument sans égale. Archives modestes d'aventures et de sacrifices étonnants, peinture frappante de la vie des bois, faisant alterner les détails longs et monotones de la conversion de quelques sauvages, et le récit digne de louange de la conduite d'un néophyte exemplaire. Comme autorité en ce qui concerne la condition et le caractère des habitants primitifs de l'Amérique du Nord, il est impossible d'en exagérer la valeur. Je puis ajouter que l'examen le plus sévère ne me laisse aucun doute que les missionnaires aient écrit avec une bonne foi complète, et que les Relations occupent une place importante comme documents authentiques et dignes de foi."

Nos historiens partagent sur ce point l'opinion de M. Parkman. Tous, depuis le P. Charlevoix jusqu'à M. Faillon, ont largement puisé dans les Relations; mais personne ne l'a fait peut-être avec plus d'abandon que l'auteur de l'Histoire de la Colonie Française en Canada: c'est un hommage que sa critique sévère a rendu à la sincérité et à l'exactitude de nos premiers chroniqueurs. C'est en même temps une réponse indirecte à quelques attaques dont les Relations ont été parfois l'objet.

Le P. Martin a voulu répondre directement à ces attaques : il l'a fait avec le succès et l'autorité que lui donnent ses connaissances et son talent. Il y a un point cependant sur lequel je me permettrai de différer d'opinion avec lui. "Il est facile, dit-il, de s'apercevoir que ces annales pieuses n'étaient pas destinées à entrer dans le domaine public...... On y trouve l'abandon et la simplicité d'une communication de famille, et c'est ce qui explique pourquoi le récit des missionnaires sem ble si exclusivement borné aux œuvres qui leur sont personnelles ou qui n'appartiennent qu'à leur famille. (1) "

Ceci peut s'appliquer tout au plus aux lettres du P. Biard, publiées dans les Litteræ Annuæ et à celle du P. C. Lalemant reproduite par le Mercure Français. Tout le reste a été écrit, sinon en vue de la publicité, du moins pour être publié et répandu

(1) Relations inédites de la Nouvelle-France, t. 1, p. IX.

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