Obrazy na stronie
PDF
ePub

quelques hommes; il aimoit à descendre dans les derniers replis du cœur; il cherchoit dans tous les états des gens d'esprit ; il démêloit leurs talents, il les employoit. Pour tout cela, vous sentez bien qu'il falloit se familiariser avec les hommes. C'étoit dans ce commerce familier, dans ces soupers qu'il faisoit à Paris avec la bourgeoisie, dans les entretiens secrets qu'il avoit avec des personnes de tous les états, qu'il apprenoit à déployer toutes les ressources de son génie, qu'il tiroit du fond du cœur de ses sujets la vérité, qu'on cache aux princes orgueilleux et impraticables. C'est ainsi qu'il avoit cultivé ce génie simple et pénétrant qu'il avoit reçu de la nature aussi s'étoit-il rendu plus habile qu'aucun des ministres qu'il employoit. Il étoit l'ame de tous ses conseils; savoit tout ce qui se passoit dans son État; avoit un esprit vaste qui ne perdoit point de vue les petits objets au milieu des grandes affaires, qui suivoit tout, qui voyoit tout, qui ne laissoit rien échapper. C'étoit une ame qui, par son activité et son étendue, paroissoit se multiplier pour suffire à tout; qui jouissoit véritablement de la royauté, parcequ'il animoit tous les ressorts de son empire, et qu'il suivoit toutes choses jusqu'à leur racine. Un esprit borné et pesant ne voit que ce qui l'environne; il ne regarde jamais ni le passé ni l'avenir; il voit disparoître autour de lui ses amis, ses supports, ses connoissances, presque sans s'en apercevoir. Son ame est toute concentrée sur elle-même; elle ne sort point de la sphère étroite que la nature lui a prescrite; elle s'appesantit sur elle-même; tous les évènements du monde passent devant elle comme des songes légers qui se perdent sans retour. Une grande ame au contraire ne perd rien de vue; le passé, le présent et l'avenir sont immobiles devant ses yeux. Elle porte sa vue loin d'elle; elle embrasse cette distance énorme qui est entre les grands et le peuple, entre les affaires générales de l'univers et les intérêts des particuliers les plus obscurs; elle incorpore à soi toutes les choses de la terre; elle tient à tout; tout la touche rien ne lui est étranger; ni la différence infinie des mœurs, ni celle des conditions, ni celle des pays, ni la distance des temps, ne l'empêchent de rapprocher toutes les choses humaines, de s'unir

:

d'intérêt à tout. Mais les hommes de ce caractère ne font rien d'inutile, savent employer tout leur temps, ont un esprit vif qui rencontre d'abord le nœud et la source de chaque chose, qui marche légèrement et rapidement1. DIALOGUE IX. CÉSAR ET BRUTUS. CÉSAR.

Mon ami, pourquoi me fuis-tu? n'as-tu pas

Il n'y a dans ce discours de Comines que quelques traits qui

conviennent à Louis XI. Il étoit populaire et accessible, mais par nécessité plutôt que par inclination. Dans la lutte qui s'étoit ceux-ci commirent une faute dont les conséquences ont été funestes pour eux et pour la nation : ils séparèrent leurs intérêts

engagée entre le souverain et les grands vassaux de la couronne,

de l'intérêt du peuple, et se crurent assez forts par eux-mêmes pour maintenir les prérogatives qu'ils avoient usurpées dans des

temps d'anarchie, et sous des rois foibles. S'ils s'étoient appuyés du peuple, comme les barons d'Angleterre avoient fait dans des

circonstances semblables, ils auroient pu conserver comme eux une influence directe sur le gouvernement, et la nation auroit

joui de ses anciens priviléges; l'équilibre se seroit établi naturellement entre les divers ordres de l'État, et auroit prévenu les guerres et les révolutions qui depuis trois siècles ont tourmenté la France.

Nos rois furent plus habiles que la haute noblesse ; ils se conci

ques priviléges aux communes, mais ils ne donnèrent pas au

lièrent l'amour et l'estime du tiers-état : ils accordèrent quelpeuple toute la liberté et les droits dont il auroit dû jouir d'après les constitutions primitives de la monarchie. Toutefois ces conces sions les rendirent populaires, et, dans aucun pays de l'Europe, les souverains n'ont été plus aimés de leurs sujets qu'en France.

Ce fut donc par des vues politiques que Louis XI se familiari

soit avec les bourgeois de Paris, et ne dédaignoit point de les admettre dans sa confiance. Leur affection lui fut plus d'une

fois utile dans les différentes guerres qu'il eut à soutenir; mais il les fit servir à ses projets sans rien faire pour eux et pour la nation en général.

Quelques historiens, entre autres Duclos, ont cherché à nous donner une haute idée du génie politique de Louis XI : il est vrai qu'il réunit à la couronne plusieurs provinces, et qu'il qui suffiroient pour faire douter s'il ne dut pas ses succès à la fortune plutôt qu'à sa prudence. La première fut de se livrer entre les mains de Charles le Téméraire, qui le força d'assister à la prise de la ville de Liége dont il étoit l'allié et le protecteur; la seconde, plus grave encore, fut de ne pas prévenir le mariage de Marie de Bourgogne avec l'empereur Maximilien, union qui a été pour la France pendant plusieurs siècles une source de guerres et de calamités.

abaissa l'orgueil des grands; mais il commit deux fautes capitales

Louis XI rapportoit tout à son intérêt. L'amitié ni la recon

noissance n'entrèrent jamais dans son cœur. Fils ingrat, père fut vraiment habile que dans l'art de tromper. On le soupçonne

dénaturé, maître cruel, roi sanguinaire et superstitieux, il ne

d'avoir fait empoisonner son frère le duc de Berry. Il est le seul roi dans l'histoire qui, par le raffinement de sa cruauté, ait rendu la justice même odieuse. Enfin il vécut en tyran et mourut en lache. Il auroit fallu un Tacite ou un Montesquieu pour écrire son histoire. On dit que ce dernier s'en étoit occupé et que par mégarde son secrétaire avoit jeté le manuscrit au feu.

C'est une perte qui peut-être ne sera jamais réparée. S.

éteint dans mon sang la haine que tu m'as portée?

BRUTUS.

:

CÉSAR.

Tu dis vrai le mérite inspire du respect; mais il n'y a que la jeunesse qui soit aimable.

César, je ne t'ai point hai. J'estimois ton gé- C'est une vérité affreuse. Il est horrible d'avoir

nie, ton courage.

CÉSAR.

Mais je t'aimois tendrement, et tu m'as arraché la vie.

BRUTUS.

C'est une cruauté barbare où j'ai été poussé par l'erreur de la gloire et par les principes

d'une vertu fausse et farouche.

CÉSAR.

Tu étois né humain et compatissant: tu n'as été cruel que pour moi seul, qui t'aimois avec tendresse.

BRUTUS.

encore un cœur sensible à l'amitié, et d'être privé des graces qui l'inspirent.

[blocks in formation]

Je m'étois laissé imposer par les discours et

D'où naissoit dans ton cœur cette amitié que la philosophie de Caton; j'aimois ardemment la

j'avois si peu méritée?

CÉSAR.

Ta jeunesse m'avoit séduit, et ton ame fière et sensible avoit touché la mienne.

BRUTUS.

J'ai fait ce que j'ai pu pour reconnoître ta bonté pour moi je me reprochois mon ingratitude; je sentois que tu méritois d'être aimé; tu me faisois pitié lorsque je songeois à t'immoler à la liberté, et je me reprochois ma barbarie.

CÉSAR.

Et avec tout cela je n'ai jamais fléchi ton cœur!

BRUTUS.

Je n'ai jamais pu t'aimer: ton génie, ton âge, le mien, te donnoient sur moi trop d'ascendant. Je t'admirois, et je ne t'aimois point.

CÉSAR.

Est-ce que l'estime empêche l'amitié?

BRUTUS.

Non, mais le respect l'affoiblit; et peut-être qu'il y a un âge où l'on ne peut plus être aimé.

gloire cette passion étouffa dans mon cœur toutes les autres. Mais daigne croire qu'il m'en a coûté pour trahir ce que je devois à ton amitié et à ton mérite.

CÉSAR.

Va, je t'ai pardonné même en mourant. L'amitié va plus loin que la vertu, et passe en magnanimité la philosophie que tu as préférée.

BRUTUS.

Tu parles de l'amitié des grandes ames telles que la tienne. Mais ce pardon généreux que tu m'accordes augmente mon repentir; et je n'ai de regret à la vie que par l'impuissance où me met la mort de te témoigner ma reconnoissance.

DIALOGUE X.

MOLIÈRE ET UN JEUNE HOMME.

LE JEUNE HOMME.

Je suis charmé de vous voir, divin Molière. Vous avez rempli toute l'Europe de votre nom, et la réputation de vos ouvrages augmente de jour à autre dans le monde.

MOLIÈRE.

Je ne suis point touché, mon cher ami, de

cette gloire. J'ai mieux connu que vous, qui j'ai pu la mériter. Ne vois-je pas ici les plus êtes jeune, ce qu'elle vaut.

LE JEUNE HOMME.

grands hommes de l'antiquité, Homère, Virgile, Euripide, qui sont encore poursuivis dans le tombeau par ce même esprit de critique qui

Seriez-vous mécontent de votre siècle, qui les a dégradés pendant leur vie? Dans le même

[blocks in formation]

temps qu'ils sont adorés de quelques personnes sensées dont ils enchantent l'imagination, ils sont méprisés et tournés en ridicule par les esprits médiocres qui manquent de goût. Je voyois passer le Tasse, il y a quelques jours, suivi de quelques beaux esprits qui lui faisoient leur cour. Plusieurs ombres de grands seigneurs qui étoient avec moi, me demandèrent qui c'étoit? Sur cela le duc de Ferrare prit la parole, et répondit que c'étoit un poëte auquel il avoit fait donner des coups de bâton pour châtier son insolence. Voilà comme les gens du monde et les grands savent honorer le génie.

LE JEUNE HOMME.

J'ai souvent ouï dans le monde de pareils discours, et j'en étois indigné. Car, enfin, qu'estce qu'un grand poëte? sinon un grand génie, un homme qui domine les autres hommes par son imagination; qui leur est supérieur en vivacité; qui connoît, par un sentiment plein de lumière, les passions, les vices et l'esprit des hommes; qui peint fidèlement la nature, parcequ'il la connoît parfaitement, et qu'il a des idées plus vives de toutes choses que les autres ; une ame qui est capable de s'élever, un génie ardent, laborieux, éloquent, aimable; qui ne se borne point à faire des vers harmonieux, comme un charpentier fait des cadres et des tables dans son atelier, mais qui porte dans le commerce du monde son feu, sa vivacité, son pinceau et son esprit, et qui conserve, par conséquent, parmi les hommes, le même mérite qui le fait admirer dans son cabinet.

MOLIÈRE.

Les gens qui réfléchissent savent tout cela, mon cher ami, mais ces gens-là sont en petit nombre.

Si les grands génies de l'antiquité qui enchantent l'imagination des personnes sensées sont méprisés et tournés en ridicule par les médiocres, je ne vois pas trop de quoi ils ont à se plaindre, et Molière avec eux : car, comme Vauvenargues l'a si bien dit lui-même dans la maxime LXV: « Nous sommes moins offensés du mépris des sots que d'être médiocrement esti

La postérité ne me la rendra point telle que més des gens d'esprit. » B.

LE JEUNE HOMME.

Hé! pourquoi s'embarrasser des autres?

MOLIÈRE.

Parcequ'on a besoin de tout le monde; parcequ'ils sont les plus forts; parcequ'on en souffre du mal quand on n'en reçoit pas de bien; enfin, parcequ'un homme qui a les vues un peu grandes voudroit régner, s'il pouvoit, dans tous les esprits, et qu'on est toujours inconsolable de n'obtenir que la moindre partie de ce qu'on mérite 1.

Dans le temps où Vauvenargues écrivoit ce dialogue, il y

DIALOGUE XI.

RACINE ET BOSSUET.

BOSSUET.

Je récitois tout à l'heure, mon cher Racine, quelques uns de vos vers que je n'ai pas oubliés. Je suis enchanté de la richesse de vos expressions, de la vérité de votre pinceau et de vos idées, de votre simplicité, de vos images, et même de vos caractères qui sont si peu estimés; car je leur trouve un très grand mérite, et le plus rare, celui d'être pris dans la nature. Vos personnages ne disent jamais que ce qu'ils

avoit encore en France beaucoup de ces esprits médiocres qui doivent, parlent avec noblesse et se caractérisent sans affectation. Cela est admirable.

croyoient se distinguer de la foule en méprisant les plus beaux chefs-d'œuvre de l'antiquité, qu'ils étoient incapables de comprendre et de juger: ils s'imaginoient montrer de la force d'esprit et de la philosophie en affectant de dédaigner ce qui avoit été consacré par l'admiration des siècles. L'origine de cette manie ridicule remonte aux dernières années du dix-septième siècle; elle se perpétua dans le dix-huitième par l'influence de La

Motte, qui n'étoit point un écrivain sans mérite, mais dont la

littérature étoit très bornée, et sur-tout par l'influence de Fonte

nelle, qui fut pendant cinquante ans à la tête des hommes de

lettres. Fontenelle étoit un homme extrêmement adroit, qui

avoit d'autres titres à la renommée que ses travaux purement littéraires, et qui, sentant ce qui lui manquoit, auroit volontiers rabaissé les chefs-d'œuvre qu'il ne pouvoit égaler. Il suffisoit d'ailleurs que Boileau et Racine, contre lesquels il nourrit une inimitié séculaire, se fussent prononcés en faveur de la raison et des Anciens pour qu'il penchât du côté opposé. On peut rapporter à ce philosophe, si modéré en apparence, la plupart

des hérésies littéraires qui ont obtenu quelque crédit dans le dernier siècle ; et peut-être même le goût se seroit-il entièrement

corrompu si des hommes tels que Voltaire, Montesquieu, Buffon, Rousseau, n'eussent maintenu ses principes par leurs leçons et

par leurs exemples.

Les écrivains du dix-septième siècle n'étoient pas mieux traités par Fontenelle que les Anciens. Il ne pardonna jamais à Racine et à Boileau les épigrammes qu'ils avoient lancées contre sa malheureuse tragédie d'Aspar. Il ne rendoit pas au premier la justice qui lui étoit due, et refusoit le génie à l'auteur de l'Art poétique. Il auroit même volontiers attaqué Voltaire, si la crainte des représailles n'eût un peu refroidi son ressentiment contre un homme qui avoit tant de supériorité sur lui.

Nous sommes très heureusement délivrés de ces opinions fausses et ridicules qui ont fait tant de mal dans le dernier siè

cle: on est revenu à l'étude et à l'admiration des Anciens avec une ardeur qui promet à la littérature françoise une nouvelle époque de génie et de gloire. Je pourrois citer des traductions et des ouvrages originaux où l'on retrouve les graces et le charme du génie antique. On a banni de la prose cette pompe indigente de paroles, cette recherche puérile d'antithèses, cette affectation du bel esprit qui déshonoroit, il n'y a pas encore long-temps, même les productions de quelques membres de l'Académie. On s'est également débarrassé de cette sécheresse que l'esprit d'analyse, porté à l'excès, avoit introduite dans notre littérature. Il ne faut pas confondre cet abus de l'analyse avec l'esprit vraiment philosophique, dont aucun genre ne peut se pas ser: c'est lui seul qui peut donner de la force au raisonnement, de la justesse aux idées. Sans son secours, l'imagination ne pro

[blocks in formation]

Que dites-vous donc? je ne puis vous croire;

duiroit que des monstres semblables à celui que nous dépeint Horace dans les premiers vers de l'épître aux Pisons. Montaigne, Boileau, Molière, La Fontaine, Voltaire, Montesquieu, Rousseau, ont allié l'esprit philosophique à l'imagination, et l'on ne voit pas que l'un ait jamais nui à l'autre. On peut abuser de l'esprit philosophique comme on abuse de l'imagination et des meilleures choses; mais, après tout, il faudra toujours en revenir à cet axiome d'un poëte philosophe : « Le bien penser est la source du bien écrire. » S.

le genre dont nous parlons est le plus terrible: | n'exige de nous ni sagacité ni profondeur : il car les hommes ne sont effrayés que de la mort. faut être un grand peintre pour être poëte, Or, qu'est-ce que le sujet de vos oraisons funè- mais on peut être un grand peintre sans avoir bres, sinon la mort, c'est-à-dire la seule chose une grande étendue d'esprit et des vues fines. qui inspire de la terreur à l'esprit humain? Se pourroit-il que les hommes ne fussent pas frappés par des discours qui ne s'exercent que sur le sujet le plus frappant et le plus intéressant pour l'humanité? J'avois cru que c'étoit le véritable champ du pathétique et du sublime.

BOSSUET.

La nation françoise est légère; on aime mieux le conte du Bélier ou celui de Joconde que tout ce pathétique dont vous parlez.

RACINE.

Si cela est, Corneille et moi, nous ne devons pas nous flatter de conserver long-temps notre réputation.

BOSSUET.

Vous vous trompez; les bons auteurs du théâtre ne mourront jamais, parcequ'on les fait revivre tous les ans, et on empêche le monde. de les oublier; d'ailleurs les poëtes se soutiennent toujours mieux que les orateurs, parcequ'il y a plus de gens qui font des vers qu'il n'y en a qui écrivent en prose; parceque les vers sont plus faciles à retenir et plus difficiles à faire; parcequ'enfin les poëtes traitent des sujets toujours intéressants, au lieu que les orateurs, dont l'éloquence ne s'exerce ordinairement que sur de petits faits, périssent avec la mémoire de ces sujets mêmes.

RACINE.

Les vrais orateurs, comme vous, devroient du moins se soutenir par les grandes pensées qu'ils ont semées dans leurs écrits, par la force et la solidité de leurs raisonnements; car tout cela doit se trouver dans un ouvrage d'éloquence. Nous autres poëtes, nous pouvons quelquefois manquer par le fond des choses, si nous sommes harmonieux, si nous avons de l'imagination dans l'expression; il nous suffit, d'ailleurs, de penser juste sur les choses de sentiment, et on

Conte d'Hamilton. B.

> Conte de La Fontaine. B.

BOSSUET.

On peut aussi avoir cette étendue d'esprit, cette finesse, cette sagesse, cet art qui est nécessaire aux orateurs, et y joindre le charme de l'harmonie et la vivacité du pinceau vous êtes la preuve de ce que je dis.

RACINE.

De même un orateur peut avoir toutes les parties d'un poëte, et il n'y a même que l'barmonie qui en fasse la différence; encore faut-il qu'il y ait une harmonie dans la bonne prose.

BOSSUET.

Je pense comme vous et comme un grand poëte qui vous a suivi, mon cher Racine : la poésie est l'éloquence harmonieuse.

RACINE.

L'auteur dont vous parlez est aussi éloquent en prose qu'en vers; il a cet avantage sur tous les poëtes, qui n'ont point su écrire en prose; ainsi on peut s'en rapporter à son jugement: c'est lui qui a dit de vous, que vous étiez le seul écrivain françois en prose qui fût éloquent. Si ce grand homme ne s'est point trompé, il faudroit convenir que le génie de l'éloquence est plus rare que celui de la poésie.

BOSSUET.

Je ne crois pas qu'il soit moins commun, mais je crois qu'il l'est bien autant : les véritablement grands hommes dans tous les genres sont toujours très rares.

Je sais gré à Vauvenargues d'avoir employé cette expression; elle étoit bannie du langage depuis le siècle de Montaigne, qui s'en est souvent servi dans ses Essais, et toujours à propos. Je crois que Voltaire a réclamé en sa faveur en quelque endroit de ses ouvrages, et les Anglois, accoutumés depuis long-temps à vivre de pillage, l'ont empruntée de nos premiers écrivains, et l'ont soigneusement conservée. On trouveroit dans Amyot et dans Montaigne d'autres expressions aussi énergiques qu'on pourroit rajeunir avec succès. Nous ne connoissons pas toutes les ressources et toutes les richesses de notre langue, et en général on ne lit pas assez les écrivains du seizième siècle. S. 2 Voltaire. B.

« PoprzedniaDalej »