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la Loi ancienne et la Loi nouvelle. Bien que la distinction dogmatique entre l'A. et le N. T. soit des plus tranchées, néanmoins le passage historique de l'un à l'autre s'est fait par une transition progressive. La question, comme on le voit, se résout d'une manière assez simple, tant qu'on la considère à un point de vue historique et, pour ainsi parler, objectif. Mais elle offre un caractère un peu plus délicat au point de vue psychologique, dans la personne de Jean-Baptiste. Comment se fait-il que le Précurseur continue à prêcher et à baptiser après avoir rendu un témoignage solennel à Jésus et avoir proclamé son rôle messianique? Le Messie une fois reconnu, pourquoi ne s'est-il pas mis au nombre de ses disciples, au lieu de poursuivre son ministère indépendamment de lui? C'est que, dans l'esprit de Jean-Baptiste, le rôle du Messie est, sous un certain rapport, subordonné à celui du Précurseur; tant que Jésus n'a pas manifesté avec évidence sa mission divine, il croit devoir continuer à prêcher la pénitence et à administrer le baptême de l'eau. Ceci nous amène à traiter une autre question: de quelle nature était le baptême que le Sauveur administrait en concurrence avec celui de Jean? Était-ce un baptême préparatoire, comme celui du Précurseur, ou le baptême sacramentel? Les interprètes ne sont pas d'accord sur ce point. Les uns prétendent que le baptême chrétien n'a pas pu être institué avant que l'œuvre de la rédemption fût accomplie, et font observer que le Sauveur ne donne aux apôtres l'ordre de baptiser qu'après sa résurrection (Mt. 28, 19). Les autres soutiennent avec plus de raison que le Christ n'a pas pu conférer un baptême autre que le baptême spirituel. Cette seconde opinion est en conformité parfaite avec l'enseignement de l'évangéliste, d'après lequel il existe entre les deux baptêmes, celui de Jean et celui de Jésus, une différence des plus tranchées (1, 33; 3, 5). Telle est notamment l'opinion de s. Augustin et de s. Thomas. D'après celui-ci, le sacrement du baptême fut institué au moment où Jésus lui-même fut baptisé, et le texte de Mt. doit s'entendre non de l'institution, mais de la promulgation « Tunc videtur aliquod sacramentum institui, quando accipit virtutem producendi suum effectum; hanc autem virtutem accepit baptismus, quando Christus est. baptizatus; unde tunc vere baptismus institutus fuit, quantum ad ipsum sacramentum : sed necessitas utendi hoc sacramento indicta fuit hominibus post passionem et resurrectionem. » Summ. theol., p. IIIa, q. 66, a. 2, in corp. « Ante passionem suam baptismum institutum non posuit sub præcepto; sed voluit ad ejus exercitium homines assuefieri... Post passionem vero et resurrectionem non solum Judæis, sed etiam Gentilibus sub præcepto necessitatem baptismi imposuit, dicens euntes docete omnes gentes. » Ibid., ad 2m.

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§ VIII. Jésus chez les Samaritains.

1° 4, 1-26.

1 Lors donc que le Seigneur* eut appris que les Pharisiens avaient ouï dire que Jésus faisait et baptisait plus de disciples que Jean, bien que ce ne fût pas Jésus lui-même qui baptisât, mais ses disciples, -3il quitta la Judée et retourna en Galilée. Or, il fallait qu'il traversât la Samarie. Il arriva donc à une ville appelée Sichar*, voisine du champ que Jacob donna à son fils Joseph. Or, c'est là que se trouvait le puits de Jacob. Jésus donc, fatigué du voyage, s'assit ainsi au bord du puits; c'était environ la sixième heure. Survient une femme de Samarie pour puiser de l'eau. Jésus lui dit : «< Donne-moi à boire. » 8 Car ses disciples s'en étaient allés à la ville pour acheter des vivres. La femme de Samarie lui répondit donc : « Comment toi, qui es juif, me demandes-tu à boire, à moi, qui suis une femme samaritaine? Car il n'y a pas de rapports entre Juifs et Samaritains*. » 10 Jésus répondit et lui dit : « Si tu savais le don de Dieu et celui qui te dit: donne-moi à boire, tu l'aurais prié toi-même, et il t'aurait donné de l'eau vive. » 11 La femme lui dit : « Seigneur, tu n'as pas de seau, et l'eau du puits est profonde; d'où prends-tu donc l'eau vive? 12 Es-tu plus grand que notre père Jacob qui nous donna ce puits, et qui y a bu, lui, ses fils et ses bestiaux? » 13 Jésus répondit et lui dit : « Quiconque boit de cette eau aura soif encore; 14 mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus soif à jamais, mais l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau jaillissant en la vie éternelle. » 15 La femme lui dit : « Seigneur donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif et que je ne vienne plus ici pour puiser. 16 Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et viens ici. » 17 La femme répondit et lui dit : « Je n'ai pas de mari. » Jésus lui dit : « Tu as bien dit : Je n'ai pas de mari;

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1. N D, It., Syr. ó 'Inoous.

5. Syr. sin. lit Sichem, au lieu de Sichar.

9. Ce dernier membre de phrase est omis tout entier dans N.

18 car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari; en cela tu as dit vrai. » 19 La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es prophète. 20Nos pères ont adoré sur cette montagne, et vous dites, vous, que c'est à Jérusalem qu'est le lieu où il faut adorer. » 21 Jésus lui dit : « Femme, crois-moi le moment vient, où ce ne sera plus sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, parce que le salut vient des Juifs. 23 Mais le moment vient, et il est déjà venu, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car le Père réclame de tels adorateurs. 24 Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité. » 25 La femme lui dit : « Je sais que le Messie doit venir, celui qu'on appelle le Christ; quand celui-là viendra, il nous fera connaître toutes choses». 26 Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. »

Les quatre premiers versets servent de préambule au récit qui va suivre. Jésus quitte la Judée pour se rendre en Galilée. L'hostilité des Pharisiens est le motif de son départ. Avant d'aller plus loin, nous devons expliquer la parenthèse du v. 2. Disons d'abord que cette phrase n'est pas une rétractation, mais une explication de ce qui est affirmé précédemment quoique Jésus lui-même ('Iŋooïç autós) ne baptise pas. On peut voir dans cette phrase une réflexion de seconde main. S'il est dit à plusieurs reprises que Jésus baptisait, c'est pour distinguer son baptême de celui de Jean. En réalité le Sauveur ne conférait pas le baptême par lui-même, mais par ses disciples. D'après une tradition fort ancienne, s. Pierre seul eut l'insigne honneur de recevoir ce sacrement des mains de Jésus. Moschus, dans son Pré spirituel (ch. 176, fin.), reproduit le témoignage de Clément d'Alex. qui se trouvait au livre V des Hypotyposes, et d'après lequel le baptême aurait été conféré par le Christ à Pierre, et se serait transmis de Pierre à André, d'André à Jacques et à Jean, et ainsi de suite'. Le baptême dont parle l'évangéliste est le sacrement de la loi nouvelle, le baptême dans l'esprit.

1. Ὁ Χριστός λέγεται Πέτρον μόνον βεβαπτικέναι, Πέτρος δὲ ̓Ανδρέαν, ̓Ανδρέας Ἰάκωβον καὶ Ἰωάννην, ἐκεῖνοι δὲ τοὺς λοιπούς. Sur le baptème des apotres, cf. Tertullien. De Baptismo, 12; S. Pacien, Ep. III, 10; Euthymius, In Joan., 3, 5; Nicéphore, Hist., II, 3, init.; S. Thomas, In. Ev. Jo., cap. IV,

lect. 1, 2.

Le voyage de Jésus de Judée en Galilée est le même qui se trouve mentionné Mt. 4, 12 et Mc. 1, 14. Or, les deux premiers Évang. le placent après l'incarcération de Jean-Baptiste. Il faut donc admettre que dans le IV Évang. entre le chap. 3, qui se termine par le discours du Précurseur et le chap. 4, qui débute par la mention du voyage de Jésus, il y a une lacune. C'est que, comme l'explique fort bien Maldonat, l'écrivain sacré suit un ordre logique autant que chronologique1; il nous représente le Sauveur en butte à la jalousie à la fois des disciples de Jean et des Pharisiens, de sorte que les chap. 3 et 4 sont intimement liés au point de vue des idées, bien que les événements qui s'y trouvent rapportés soient séparés par une distance chronologique relativement considérable. Pour aller de Judée en Galilée, les Juifs passaient de préférence par la Pérée et évitaient de traverser la Samarie, à cause de l'antipathie qui régnait entre Juifs et Samaritains. La nécessité exprimée par le mot dɛ: du v. 4 n'est que relative, mais elle explique suffisamment la présence du Sauveur au milieu d'un peuple étranger à la maison d'Israël (Mt. 10, 5-6). Les versets 5 et 6 constituent les préliminaires du récit et servent à déterminer le lieu de la scène; les notions topographiques se précisent graduellement la Samarie, la ville de Sichar, le champ de Joseph, le puits de Jacob. Le royaume de Samarie ou d'Ephraïm tire son origine du schisme des dix tribus, qui se produisit à la mort de Salomon (I Reg. 12). Les Samaritains étaient donc primitivement de sang israélite. Mais, lors des invasions assyriennes, ils subirent le système de la colonisation violente des conquérants ninivites; bon nombre d'entre eux furent transportés au delà de l'Euphrate, tandis que des populations babyloniennes venaient les remplacer (II Reg. 17, 23-24). Il est fort probable que cette confusion de races eut son contre-coup dans la religion et dans le culte. Malgré la séparation politique des deux royaumes, il semble que l'inimitié entre Samarie et Juda ne date que du retour de la captivité. Elle fut la conséquence de cet esprit concentré, exclusif, que les Israélites contractèrent pendant l'exil et qui présida à l'œuvre de la

1. Sed nimirum Evangelista non temporis consequentiam, sed rerum similitudinem secutus est. Erant autem res similes discipulorum Joannis aemulatio et Pharisaeorum invidia; ideò cum de illa locutus fuisset, de hac loqui cœpit, narrareque, quid ex ea consecutum fuerit... Comm. in Joan., cap. 4, n° 1.

restauration. Lorsqu'en 535, Zorobabel prend en main la reconstruction du temple, nous voyons les Samaritains offrir leur concours; mais le chef de la communauté juive les repousse et les traite en ennemis (Esdr. 4, 1-5). Dès lors, ce fut entre Juifs et Samaritains une guerre ouverte. Cependant le schisme religieux n'était pas consommé. Les Samaritains, qui prétendaient observer la Loi, n'avaient ni temple, ni sacerdoce régulier. Jérusalem était toujours le centre unique du culte officiel. Vers 430-425, une circonstance inattendue vint changer la situation religieuse et consommer le schisme. Un des petits-fils du grand prêtre Eliasib, Manassé, refusa de se conformer aux injonctions de Néhémie et de renvoyer sa femme, qui était d'origine étrangère. Néhémie le chassa de la communauté (Neh. 13, 28-30). Il se réfugia auprès des Samaritains, avec lesquels il était déjà en rapport par son beau-père Sanaballat; il exerça au milieu d'eux la souveraine sacrificature et fonda le sanctuaire de Garizim'. A partir de ce moment, la population samaritaine eut un point de concentration; elle se transporta de Samarie à Sichem, aujourd'hui Naplouse, entre les monts Ebal et Garizim, où elle se constitua en une communauté fermée, dont il reste encore aujourd'hui un faible noyau 2. A cette contrée se rattachaient les plus précieux souvenirs de l'âge patriarcal3. Il n'est fait aucune mention dans l'A. T. d'une ville du nom de Sichar. Le Talmud mentionne une fontaine de ce nom. Eusèbe, reproduit par s. Jérôme, parle de Sichar et de Sichem comme de deux localités distinctes. Il est probable néanmoins que le lieu appelé vyp n'est autre chose que l'ancienne Sichem. D'où provient le changement d'orthographe? Est-il dû à une faute de transcription, ou bien est-il intentionnel de la part de l'écrivain? Il est assez vraisemblable que l'évangéliste emploie ici le sobriquet, par lequel les Juifs perpétuaient le reproche adressé autrefois

1. Cf. Josèphe, Antiquités, XI, chap. 7 et 8. Tout en retenant dans leur ensemble les détails de son récit, il faut remarquer que l'historien juif confond les noms des grands prêtres et, par suite, brouille les dates. Pour la chronologie de la Restauration juive, nous adoptons le système savamment établi et défendu par M. Van Hoonacker, Nouvelles études sur la restauration juive après l'exil de Babylone.

2. Vers le milieu du xire siècle, Benjamin de Tudèle ne trouva à Sichem qu'une centaine d'habitants dont il décrit l'origine et les coutumes dans son Itinerarium latinum factum Aria Montano, Antverpiæ, Plantin, 1625, p. 38-41. 3. Cf. Fouard, Vie de Jésus, liv. III, chap. 3.

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