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SUR

LA VIE DE JÉSUS-CHRIST,

PAR M. LE VICOMTE DE BONALD.

<< Prouver que Jésus-Christ est le Messie ré>>parateur du genre humain, annoncé par tant » d'oracles, c'est, après la démonstration de » l'existence de Dieu et de l'immortalité de » l'âme, la plus importante de toutes les con>>clusions; et je ne vois pas quel plus grand » avantage on peut attendre de l'histoire et de » l'érudition. >>

LEIBNITZ. Epist. ad Huetium, an. 1679.
T. V, p. 457.

La religion d'un Dieu unique, religion nécessaire1, c'est-à-dire conforme à la nature des êtres intelligents, et la seule par conséquent que la raison doive professer, et même qu'elle puisse concevoir (car l'erreur, dit Malebranche, est incompréhensible), est née avec l'homme, et aussitôt que la société ; société elle-même, et lien de toute société, puisqu'elle est l'ensemble des rapports naturels ou parfaits qui unissent l'homme aux êtres semblables à lui, aux êtres faits à son image et à sa ressemblance, ou à l'image desquels il a lui-même

été créé.

I

1 Nécessaire, Nécessité, ne s'entend, en bonne philosophie, que de la conformité aux rapports naturels des étres, et non d'aucune contrainte. Ainsi, il est nécessaire ou naturel, ou bon ou parfait (car toutes ces expressions sont synonymes), que le fils honore son père; mais il n'est pas contraint à l'honorer, Cette remarque est de la plus grande importance, et elle est la clef des plus hautes vérités morales.

Mais la suprême sagesse, qui dispose tout avec douceur1, et qui fait naître et croître chaque chose dans le temps qui lui convient, a proportionné le développement de ses rapports avec les hommes et le culte qu'elle exigeait d'eux, aux états successifs du genre humain et aux divers âges de la société.

Domestique d'abord au sein de la famille, sous le nom de religion naturelle ou patriarcale, la religion du théisme rapprochait du Dieu créateur la famille naissante, par un culte pastoral, en quelque sorte, et des communications plus familières; publique ensuite chez la nation juive, sous le nom de révélation mosaïque, elle retint tout un peuple dans la foi au Dieu législateur, par un culte national et des communications extérieures ; universelle enfin, ou catholique, sous le nom de religion chrétienne, elle unit le genre humain tout entier au Dieu souverain seigneur et suprême conservateur, par un culte parfait comme Dieu même, universel comme le genre humain, et seul capable d'honorer Dieu et de sanctifier l'homme.

Tels sont les divers états par lesquels la religion de l'unité de Dieu a passé pour venir jusqu'aux derniers temps. D'abord simple dans ses rites, voilée dans son enseignement, indulgente dans ses préceptes, elle s'accommodait à l'enfance du genre humain, dont il fallait ménager l'ignorance et soutenir la faiblesse. Chez les Juifs, pompeuse dans ses cérémonies, figurative dans ses instructions, prévoyante et rigoureuse dans ses lois, elle occupait d'objets sensibles l'adolescence de la société, et «< retenait, dit Bossuet dans son Discours » sur l'Histoire universelle, des hommes encore infir

1 Sap. viii, 1.

» mes et grossiers, par des récompenses et des châti»ments temporels. » Enfin intellectuelle sans cesser d'être sensible, dévéloppée dans ses dogmes sans cesser d'être mystérieuse, austère dans sa morale, et cependant miséricordieuse, elle élève l'âge mûr à la connaissance de toute vérité et à la pratique de toute vertu, lorsque les fidèles plus instruits, dit l'évêque de » Meaux, ne doivent plus vivre que de la foi, attachés » aux biens éternels; » mais toujours, et dans ses divers âges, elle a adoré le même Dieu, écouté le même législateur, attendu, invoqué le même réparateur.

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« Voilà donc, dit encore Bossuet, la religion toujours uniforme, ou plutôt toujours la même, dès l'origine du monde; on y a toujours reconnu le même » Dieu comme créateur, et le même Christ comme sau» veur du genre humain. >>

A ce nom de Christ, sauveur et médiateur, à ce signe de contradiction et de scandale, je vois sourire l'orgueil, et rougir la faiblesse ; je les entends nous demander quel est ce médiateur, quel besoin de salut avait l'univers, et quel fruit le genre humain a retiré de sa médiation.

Philosophes chrétiens, il faut encore descendre dans l'arène pour y combattre les derniers ennemis de la vérité, les ennemis réservés à la fin des temps, et qui nous ont été annoncés avec tous leurs caractères. La religion chrétienne, qui n'est que la foi au Médiateur et à sa doctrine, s'est défendue contre les païens avec des vertus, contre les hérétiques avec l'autorité; elle se défendra contre les philosophes avec la raison. Ils nous reprochent sans cesse de défendre la religion par la religion, et d'étouffer la raison sous l'autorité; opposons-leur l'autorité de la raison, seule autorité qu'ils

veuillent avouer, et forçons la philosophie de reconnaître que notre foi est humble et soumise, parce que notre raison est éclairée, et que nous croyons avec simplicité ce que nous savons avec certitude : car « la foi, >> dit saint Paul, est la conviction des choses qu'on ne » voit point1. »

Lorsqu'on médite profondément sur le grand événement de la médiation du Fils de Dieu pour le salut des hommes, dogme fondamental du christianisme et même de la religion judaïque, on est conduit à cette idée, que s'il doit venir sur la terre un Envoyé de Dieu pour exercer sur les hommes une domination universelle, comme le croient les Juifs, et si cet auguste Envoyé est déjà venu, comme le croit le peuple chrétien, et qu'il ait établi cette domination universelle sur les hommes en éclairant leurs pensées, et en réglant leurs actions; il est nécessaire,

1° Que l'effet de la médiation s'aperçoive dans la perfection du monde qui a suivi le Médiateur; parce que la raison ne peut admettre une aussi grande cause, sans croire à des effets proportionnés ;

2° Que le besoin du Médiateur se fasse sentir dans la corruption ou dans l'imperfection du monde qui a précédé la venue du Médiateur; parce que la raison ne peut admettre un moyen aussi puissant, sans supposer de puissants motifs ;

3o Que les chrétiens prouvent l'existence temporelle du Médiateur; parce que la raison n'admet pas, sans des preuves testimoniales et historiques, l'existence temporelle et physique d'un être quel qu'il soit2;

1 Hebr. xi, 1.

'On voit la raison de la précision avec laquelle l'Evangile fixe la date et le lieu de la naissance du Sauveur, par les années des prin

4° Que les Juifs prouvent l'attente où ils ont été et même où ils sont encore du Médiateur ou de l'Envoyé ; parce que la raison ne peut admettre un événement aussi important pour le genre humain, dont le genre humain n'eût eu aucune connaissance; car comment cet Envoyé serait-il reconnu, lorsqu'il viendrait, s'il n'était pas du tout connu avant sa venue?

Ainsi, en reprenant les différentes preuves dans un ordre inverse et plus conforme à l'ordre des temps et des idées : 1° besoin du Médiateur; 2° attente du Médiateur; 3° venue du Médiateur; 4° bienfaits du Médiateur ou effets de la médiation : preuves du besoin du Médiateur, tirées de l'histoire ancienne et moderne, de l'état des peuples qui ont précédé la venue du Médiateur, et de l'état des nations qui l'ont ignoré jusqu'à présent et chez qui l'on peut dire que le Médiateur n'est pas encore venu; preuves de l'attente du Médiateur, prises de l'histoire juive et même profane, des écrits qui ont incontestablement précédé sa venue de plusieurs siècles, et de la constitution politique et religieuse d'un peuple tout entier qui s'obstine encore dans cette attente; preuves de la venue du Médiateur sur la terre, tirées de l'histoire particulière de sa vie écrite par des auteurs contemporains, et attestée par des monuments sans nombre qui supposent son existence temporelle; preuves des effets de la médiation, tirées de l'histoire présente et de l'état actuel des peuples chrétiens et des peuples qui ne le sont pas ;... certes,

ces et des magistrats qui gouvernaient alors à Rome et dans la Judée; et pourquoi le symbole dit que Jésus-Christ a souffert sous Ponce Pilate circonstance en elle-même indifférente, s'il n'était pas nécessaire de fixer l'époque de la mort, après avoir fixé l'époque de la naissance.

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