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miers leur travail, venant à leur tour, s'imaginaient qu'ils allaient recevoir davantage, ils reçurent un denier chacun. Alors murmurant contre le père de famille, ils disaient : « Les derniers venus n'ont travaillé qu'une heure, et vous les égalez à nous qui avons porté le poids du jour et de la chaleur. » Le père de -famille répondant à l'un d'eux, lui dit : « Mon ami, amice, je ne vous fais point d'injustice; n'êtes-vous point convenu avec moi d'un denier? Prenez ce qui est à vous, allez; je veux donner à celui qui est venu de dernier autant qu'à vous. Est-ce qu'il ne m'est point. permis de faire ce que je veux? Et votre œil doit-il être méchant parce que je suis bon ?... »

Messieurs, tout le mystère est dans ces divines paroles. Dieu est le maître de ses dons; il ne refuse à personne le prix convenu et mérité; il offre à tous le travail et le secours; il fait de quelques-uns les objets privilégiés de ses grâces et de ses faveurs. Où est l'injustice? Faire un don libre n'est pas refuser de payer une dette, faire un acte de bienfaisance n'est pas manquer à une obligation. Telle est donc la position ou plutôt la liberté de Dieu dans la dispensation de ses grâces. Il donne à tous en tout temps la grâce nécessaire et vraiment suffisante, je l'établirai tout à l'heure; il départ à quelques-uns les trésors privilégiés de son amour. Parce que Dieu est bon, faut-il être méchant et injuste?

Un premier principe d'équité est donc à considérer : l'indépendance divine dans la distribution des dons libres de sa grâce.

Mais veuillez attentivement le remarquer, Mes

sieurs, le débat n'est pas ici, à proprement parler, entre la foi catholique seule et une raison prétendue; la question est bien plutôt entre l'athéisme et un fait général et palpable.

Dans le gouvernement du monde, dans la répartition des biens et des maux, tout offre à nos yeux ún état d'inégalité frappante. Forces naturelles, dons de l'intelligence et du génie, qualités du cœur, fortune, santé, durée de la vie, bonheur, malheur, vertus, pouvoir, il n'y aura jamais pour toutes ces choses entre les hommes que l'inégalité la plus marquée, la plus

extrême.

Ou Dieu n'existe pas, ou ce fait universel n'est pas injuste. Car si Dieu existe, la règle générale et constante de sa providence à l'égard de ses créatures ne peut pas être l'injustice. L'inégalité en tout est inséparablement liée à la condition humaine ici-bas; avec l'existence de Dieu n'est-ce pas le fait le plus certain? Admettre une injustice c'est anéantir l'idée même de Dieu. Il faut donc choisir entre l'inégale et juste répartition des dons divins, ou l'athéisme. Car on ne voit pas pourquoi un Dieu serait plus astreint à l'égalité absolue dans la distribution de la grâce que dans la distribution des biens naturels, dont il est aussi l'unique auteur.

Ce principe suffit pour répondre à une foule de questions: Pourquoi tous les hommes ne sont-ils pas éclairés de la lumière de l'Évangile ? pourquoi tous ne sont-ils pas sauvés? pourquoi ne sont-ils pas amenés à la foi, à l'Église, à la vertu ? Indépendamment de la liberté humaine, qui joue ici un grand rôle, comme

vous le concevez, autant vaudrait-il demander: Pourquoi tous les hommes ne sont-ils pas riches, forts, heureux, doués de science et de génie? pourquoi tous ne vivent-ils pas cent ans?

Si vous admettez l'existence de Dieu, vous savez la réponse. Le fait existe dans le gouvernement divin; donc il est juste.

Messieurs, si tous les dons de Dieu étaient égaux entre les hommes, nous serions bien à plaindre, je vous assure. Si tous par exemple avaient le génie en partage, la société serait impossible. Heureusement qu'on n'a pas ce danger à courir. Et quel est donc sérieusement le principe d'ordre et de beauté dans l'univers? Disons-le sans crainte : l'inégalité. Aussi est-ce la loi la plus évidente du gouvernement divin.

Mais il y a, dites-vous, injustice et cruauté dans le dogme à l'égard de ces peuples qui vous semblent abandonnés, à l'égard de ces nombreuses générations privées de la foi, et dans ce peuple ou dans ces sociétés exclusivement choisies de Dieu pour recevoir et conserver la vérité.

Je le veux avec vous pour un moment : Dieu, pour être juste, doit également favoriser tous les hommes; il est absolument tenu à l'égalité dans la répartition de ses dons et de ses grâces. Vous le décidez ainsi, parce que cette égalité vous semble meilleure et seule digne de la bonté et de la justice divines. Mais alors Dieu sera obligé à faire tout ce qui vous semblera meilleur, ou il se voit déchu et condamné au tribunal souverain de votre raison.

Mais prenez garde; où vous arrêterez-vous? Dieu

tenu à ce qui est le meilleur, et encore suivant l'arbitraire des conceptions humaines, c'est l'optimisme. Dieu a dû choisir alors le meilleur des mondes possibles, l'ordre le meilleur en toutes choses; cependant ce monde ne pourra jamais être qu'une création bornée et finie, c'est-à-dire nécessairement imparfaite.. Nécessairement et toujours au delà du fini, le mieux est possible encore, possible indéfiniment. Voilà Dieu obligé de monter, de monter toujours à votre gré. Mais quoi qu'il fasse, s'il crée, il crée l'être fini, il crée un monde auquel il peut toujours ajouter quelque perfection nouvelle; c'est en cela même que consiste sa toute-puissance. Tandis que vous, de conséquence en conséquence, bon gré, mal gré, vous arrivez à conclure, ou que Dieu est tenu, s'il crée, de créer l'infini, qui est sans contredit le meilleur, c'est-à-dire de se créer lui-même : malheureusement c'est l'absurde et l'impossible absolu; ou que Dieu ne peut pas créer du tout. Que seriez-vous alors? Dieu même peut-être... Respectez donc la liberté et la toute-puissance de Dieu, qui crée ou ne crée pas, qui en créant choisit l'ordre qui lui plaît; qui, tout en versant les trésors de sa munificence sur sa créature, lui laisse nécessairement la nature et la condition de l'être fini, qui ne peut pas être tenu à l'égalité entre tous et à la perfection absolue pour tous, puisque ce serait vouloir radicalement l'impossible.

Le principe de l'objection contre l'inégalité des grâces ne peut donc être que la logique de l'optimisme, c'est-à-dire de l'absurde; il tombe avec elle.

L'homme est étrange, Messieurs; pygmée, il étend

le bras pour réduire à sa hauteur Dieu même, l'infini; il lui dit : Tu viendras jusqu'ici. Vraiment ! la mesure est trop étroite, l'intelligence divine y serait mal à l'aise. Et ces prétentions téméraires méritent pour réponse la leçon piquante et sévère donnée jadis par ce roi resté populairé, par le Béarnais : « J'ai toutes vos conceptions dans la mienne, disait-il à son parlement, et vous n'avez pas la mienne dans les vôtres. » Dieu à la tête du gouvernement du monde pourrait, Messieurs, souvent nous le redire.

Ne saurons-nous jamais adorer la sagesse et la profondeur des desseins de Dieu ? Et sous le voile de nos mystères ne pourrons-nous jamais voir sa justice unie à sa bonté dans l'inégale répartition de ces grâces que d'ailleurs Dieu ne doit à personne?

Quand Jésus-Christ disait, en parlant des esprits rebelles et incrédules : « Si je n'étais pas venu vers eux, leur péché serait moindre; » quand saint Paul montrait si énergiquement la loi donnée aux Juifs, devenue par leurs abus une occasion de ruine et de mort; quand nous-mêmes, nous ministres du Seigneur, nous sommes obligés de ne pas toujours éclairer une âme faible sur les devoirs qu'elle enfreindrait après les avoir connus; quand il est certain que jamais, jamais pour personne l'ignorance invincible, la simple infidélité négative, c'est-à-dire la simple privation de la révélation évangélique, ne sont ni un crime ni une cause de réprobation; quand d'ailleurs il y a pour tous, en tout temps et en tous lieux, l'économie intérieure et secrète des dons de la grâce, comment ne pas se taire, adorer, aimer, et se dire Peut

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